Un film qui a marqué l’histoire du cinéma britannique par sa vision réaliste de la condition ouvrière et de la génération d’après guerre.
Saturday Night and Sunday Morning (1960)
(Samedi soir et dimanche matin)
Réalisé par Karel Reisz
Ecrit par Alan Sillitoe d’après son propre roman
Avec Albert Finney, Shirley Anne Field, Rachel Roberts,…
Directeur de la photographie : Freddie Francis
Produit par Tony Richardson et Harry Saltzman
Comédie dramatique
89 mn
UK
Ouvrier tourneur dans une usine de Nottingham, Arthur Seaton (Albert Finney) oublie son travail abrutissant quand arrive le week-end. Là, il partage son temps entre le pub où la bière coule à flots, le lit de son amante Brenda (Rachel Roberts), une femme mariée à l’un de ses collègues et les parties de pêche. Alors qu’il vient de rencontrer une belle jeune fille (Shirley Anne Field), Brenda lui annonce qu’elle est enceinte de lui. Cette nouvelle bouleverse le jeune homme qui va devoir se sortir de ce mauvais pas.
Premier long métrage de Karel Reisz, l’un des iconoclastes derrière le free cinema avec notamment Tony Richardson et Lindsay Anderson, « Saturday Night and Sunday Morning » est le premier film « ouvrier » de la nouvelle vague britannique.
Adapté par l’écrivain Allan Sillitoe d’après son roman, largement autobiographique, « Saturday Night… » nous offre une plongée dans la classe ouvrière de Nottigham. Le personnage principal, Arthur Seaton, est un héros de la classe populaire. Réaliste mais pas idéalisé. Seaton représente la nouvelle génération d’ouvriers, celle qui n’a pas connu la guerre et qui rêve d’autre chose que la vie coincée de ses parents.
« Ils ont un téléviseur et des cigarettes, mais ils sont morts à l’intérieur… Les patrons peuvent les mener comme des moutons. »
Seaton n’est cependant pas un idéaliste, il n’est pas politisé, c’est un coureur de jupons qui essaie de profiter de la vie au maximum. Gamin, irrévérencieux, un peu lâche quand il s’agit d’affronter les conséquences de ses actes, il est loin d’être parfait.
En fait sa philosophie se résume à ceci :
« Ne pas laisser les bâtards vous écraser. C’est la seule chose qu’on apprend. Je ne cherche qu’une chose, profiter de la vie. Tout le reste n’est que de la propagande. »
Sa petite révolte contre l’ordre établi se traduit surtout par le fait de coucher avec une femme mariée. Une sacrée provocation dans le contexte moral et social de l’époque, mais quand celle-ci tombera enceinte de lui, il n’ira pas jusqu’au bout, il reprendra sa place.
Deuxième choc, sa rencontre avec la belle Doreen. Alors le mariage qu’il exècre va devenir une possibilité. Et il a beau jeter à la fin une pierre dans la direction des maisons neuves construites pour lui et ses semblables, c’est juste un acte enfantin. Sa rebellion n’est en fait qu’une crise d’adolescence. Et il se rangera.
Le message n’est donc pas très optimiste. C’est un constat un peu désabusé sur une nouvelle génération qui veut autre chose que la vie difficile qu’ont eu leurs parents qui ont connu la guerre, mais qui enfermée dans un système de classe a priori inébranlable, ne peut guère rêver à mieux qu’une vie plus confortable matériellement (comparée à leurs parents) mais banale.
Ce constat de semi-échec, de révolution impossible, d’impasse est partagé par les autres films sociaux de la nouvelle vague britannique… Pourtant en dépit de ce message pas joyeux, le film n’est pas noir. Arthur Seaton est un personnage qui a un bon fond. On ne peut le détester. Et la description des classes ouvrière est aussi celle d’un monde où la famille et l’amitié ont un sens, où l’on fait la fête dans des pubs enfumés et où on pêche le week-end. Le tout étant sublimé par la très belle photo noir et blanc de Freddie Francis.
« Saturday night… » a connu un beau succès critique et public grâce à son personnage central charismatique mais aussi son réalisme inédit que ce soit dans la description de la classe ouvrière ou des relations sexuelles . Karel Reisz a d’ailleurs reçu de nombreuses lettes d’insulte l’accusant d’avoir réalisé un film obscène.
Autre réussite du film, la performance d’Albert Finney qui faisait ici seulement sa deuxième apparition sur grand écran après un petit rôle dans « The Entertainer » de Tony Richardson. Ce dernier en fera une star internationale trois ans plus tard avec « Tom Jones ».
Avant de produire « Saturday Night… », Richardson avait déjà réalisé deux longs métrages sous la houlette de sa société Woodfall Film Productions : »Look Back in Anger » (1959) et « The Entertainer » (1960). Et il n’a pas hésité à tester Albert Finney et Shirley Anne Field en leur donnant de petits rôles dans « The Entertainer » avant de leur confier les rôles principaux de « Saturday Nights… ». C’était un pari osé, mais réussit à 100%.
[xrr rating=9/10]
DVD zone 2 FR. Studio Doriane Films. Version originale avec des sous titres en français.