Review of: Quatermass

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On 19 septembre 2021
Last modified:19 septembre 2021

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La conclusion de la série mythique de la SF britannique, encore plus pessimiste et sombre que les précédentes versions des années 50. Noir c'est noir !

La conclusion de la série mythique de la SF britannique, encore plus pessimiste et sombre que les précédentes versions des années 50. Noir c’est noir !

Quatermass (1979)

Réalisé par Piers Haggard

Ecrit par Nigel Kneale

Avec John Mills, Simon MacCorkindale, Barbara Kellerman,…

Direction de la photographie : Ian Wilson / Production Design : Arnold Chapkis / Montage : Keith Palmer / Musique : Marc Wilkinson et Nic Rowley

Produit par Ted Childs pour Euston Films et Thames Television

4x52mn

Science-fiction / Horreur / Thriller

UK

Professeur Quatermass (John Mills), ancien responsable du British Rocket Group, vit désormais reclus en Ecosse. Mais quand sa petite-fille fait une fugue, il décide de profiter d’une demande d’interview pour la télévision à Londres pour partir à sa recherche dans la capitale. Mais à peine arrivé à Londres, il est attaqué par un des gangs qui a pris possession des rues de la capitale. Heureusement, un autre scientifique également invité, Joe Kapp (Simon MacCorkindale), vient à sa rescousse et l’emmène jusqu’au studio. Pendant le direct, alors que Quatermass met en garde contre les dangers de l’exploration spatiale, la navette russo-américaine est détruite, et son intervention fait scandale. Kapp l’emmène alors dans son refuge, où il gère deux antennes qui écoutent l’activité dans l’espace. Mais la proximité de mégalithes semble attirer une secte en quête d’un passage pour aller s’installer sur une autre planète.

« Quatermass » est le quatrième incarnation de la mythique mini-série britannique d’horreur/SF qui a débuté durant l’été 1953, alors que les foyers venaient de s’équiper en masse d’un téléviseur afin de suivre en direct le couronnement de la Reine. L’impact culturel de « Quatermass », créé par l’anglais Nigel Kneale alors scénariste employé par la BBC, a été très fort, et a vu deux autres suites à la télévision (en 1955 et 58), toutes adaptées au cinéma par la Hammer (The Quatermass Xperiment, Quatermass II et Quatermass and the Pit).

Le professeur Bernard Quatermass est un scientifique ultra-rationaliste qui doit faire face à l’inconnu et se battre, non contre des petits créatures vertes aux yeux globuleux, mais contre des puissances qu’il faut comprendre afin de pouvoir l’affronter. Chez Quatermass, ce sont pas les gros canons qui vont aider l’humanité à vaincre.

Ce quatrième épisode arrive donc 20 ans après les séries précédentes, alors que personne ne l’attendait plus. Depuis la SF britannique sur petit écran a vu naitre « Doctor Who » (1963), « The Prisonner » (1967), « Doomwatch » (1971), « Survivors » (1975),… La SF britannique est sombre, très sombre à l’image de son père spirituel, HG Wells.

Mais est-ce que vingt ans plus tard, Quatermass a encore quelque chose à dire qui touche encore son époque ? Au début des années 70, Kneale travaillait à une nouvelle série qui prenne en compte les mutations de la société. Si Quatermass avait marqué son époque c’est qu’il prenait en compte les peurs qui hantaient la société des années 50 (guerre froide, conquête spatiale, nucléaire, ovnis,…). Mais Quatermass et Nigel Kneale ne sont plus tous jeunes.

Ce quatrième serial de Quatermass est le plus pessimiste. Le Londres alternatif que nous montre Kneale est ravagé par la guerre des gangs, la police est corrompue, les vieux s’abritent dans des cimetières de voiture,… Les jeunes sont devenus fous qu’ils se lancent dans la guerrilla urbaine ou suivent une secte qui a pour intention de quitter cette planète. Bref, on est dans un paysage quasi post apocalyptique très seventies.

Kneale accentue les phénomènes de rebellion des jeunes de la fin des années 60 et des années 70. C’est toute une génération qui arrive avec de nouveaux idéaux en rupture avec le consumérisme aveugle de l’après-guerre. Kneale, né en 1926, pose sur le sujet une vision évidemment un peu réactionnaire. Mais ici, la violence de la jeunesse n’est pas due à une réaction face à la société mais à un phénomène extra-terrestre. Comment expliquer autrement une telle ultra-violence ?

Quand je dis un peu réactionnaire, peut-être dois-je préciser que si les jeunes sont hypnotisés et tombent dans l’hyper violence, la génération intermédiaire, celle au pouvoir (les médias, le gouvernement, la police,…) se montre incapable de réagir et sont montrés comme incapables de régler le problème, profitant eux-même du délitement de la société, obligeant les vieux (comme Quatermass lui-même) a devoir reprendre du service pour sauver l’humanité.

Quand la BBC, effrayée devant le budget nécessaire afin de reconstituer l’histoire imaginée par Kneale, et sûrement aussi son pessimisme exacerbé, fait machine arrière, Euston Films, maison de production rattachée à la première chaine privée ITV (via Thames Television), saisit l’opportunité. Un million de livres sont mises sur la table, à des années lumières des budgets de la BBC pour les serials les années 50. Un gros budget mais après tout Quatermass fait partie de la légende.

Cette fois-ci, le professeur Quatermass est incarné par une autre légende des écrans britanniques, John Mills. Un choix qui laisse Kneale dubitatif. Mills ressemble plutôt à un gentil grand-père. Alors que le professeur Quatermass est un scientifique un peu abrupt et qui ne pèche pas par excès de compassion. Et il est vrai que le Quatermass de Mills est très différent des autres incarnations. Plus humain, parfois un peu pathétique dans sa lutte impossible contre ce nouveau danger.

Sorti en septembre 1979, pour marquer le retour d’ITV sur les ondes après une grève industrielle qui aura durer plusieurs mois, « Quatermass » reçoit un accueil mitigé, notamment de la part des critiques. Les épisodes sont vus en moyenne par 11 millions de téléspectateurs, ce qui est loin d’être un score remarquable à l’époque. ITV a du mal à revenir au premier plan et « ‘Quatermass » fait partie des victimes collatérales.

Personnellement, j’aime beaucoup ce « Quatermass » dans son pessimisme jusqu’au boutisme typique de l’époque. L’ensemble est bien écrit et bien rythmé avec des personnages intéressants. Même s’il correspond moins à l’image traditionnelle de Quatermass, j’aime cette vision plus humaine du personnage incarné par John Mills.

La réalisation est elle confiée à Piers Haggard, réalisateur de télévision expérimenté et au parcours diversifié. Au cinéma, on se rappelle de lui surtout pour « The Blood on Satan’s Claw » (1971), un chouette film de folk horror et le mélodrame « A Summer Story » (1988) – pas vu mais de bonne réputation.

Notons que le serial d’ITV est en deçà de la vision de Kneale qui a estimé, non sans raison, que le résultat à l’écran n’est parfois pas assez convaincant. Sa vision était bien plus sombre et violente. Mais on reste dans la télévision grand public et il n’est pas question pour ITV de dépasser certaines bornes. Déjà nombre de critiques de l’époque ont estimé que la série était trop noire pour une heure de grande écoute.

A noter que parallèlement à la mini série, Euston Films avait prévu une version long métrage de 102 minutes intitulée « The Quatermass Conclusion » et aussi une version téléfilm en deux parties, distribuées sur différents territoires.

Sorti en VHS puis en DVD mais depuis longtemps indisponible, « Quatermass » est ressorti en DVD et blu-ray remasterisé d’après la copie 35mm chez l’éditeur anglais Network en 2015. L’image est superbe et rend justice au travail visuel de Piers Haggard et de son équipe. On trouve en bonus notamment la version film « The Quatermass Conclusion » et le tout dispose de sous-titres optionnels en anglais.

Si vous aimez la SF britannique, « Quatermass » reste une oeuvre à découvrir, une conclusion certes un peu moins en harmonie avec son époque que les précédents serials, mais digne de la légende.

DVD et blu-ray UK. Studio Network (2015). Version originale avec sous-titres optionnels en anglais. Bonus : livret, version cinéma,…