Un portrait qui se veut réaliste, sans glamour ni pathos, de la prostitution à la fin des années 70. Mi-documentaire, mi-drame social, « Prostitute » offre un plaidoyer assez efficace pour la légalisation
Prostitute (1980)
Ecrit et réalisé par Tony Garnett
Avec Eleanor Forsythe, Kate Crutchley, Kim Lockett,…
Directeur de la photographie : Charles Stewart
Produit par Tony Garnett pour Kestrel Films
Drame / social
UK
Sandra (Eleanor Forsythe) se prostitue dans les rues de Birmingham. Afin de mieux gagner sa vie elle se fait embaucher dans un salon de massage puis après avoir rencontré une call girl de Londres décide de tenter sa chance dans la capitale.
« Prostitute » est le premier film de Tony Garnett qui a commencé sa carrière comme acteur, assistant scénariste puis producteur pour la BBC dans le cadre de sa fameuse anthologie « The Wednesday Play ». Entre 1966 et 69, il produira dix téléfilms dont le mythique « Cathy Come Home » (1966) réalisé par Ken Loach. Il produira également trois films de Loach pour le grand écran dont « Kes » (1969).
Producteur engagé, Garnett restera très critique de la BBC mais continuera à travailler régulièrement pour la corporation jusqu’en 2007.
« Prostitute » se rapproche du cinéma social-réaliste de Loach, mais a surtout pour ambition de montrer le point de vue des prostituées. De fait, Garnett a fait des recherches et mené des interviews sur Birmingham et Londres. Le résultat ? Une défense de la légalisation de la prostitution et une dénonciation de la pression voire de la corruption policière. Les policiers sont en effet montrés comme étant les premiers ennemis de la prostituée : ils arrêtent et font chanter les prostituées en interprétant et utilisant comme bon leur semble l’interdiction de racolage.
Les prostituées montrées dans le film couvrent en fait deux réalités très différentes : les filles de rue de Birmingham (qui font le trottoir mais restent assez soudées) et les call girls londoniennes (mieux payées et installées mais seules face à l’adversité). Toutefois, à aucun moment les prostituées ne sont montrées comme des victimes forcées de vendre leur corps mais comme des individus qui font un travail et qui d’ailleurs craignent par dessus tout les leçons de morale, les tentatives de rédemption et la prison. Le personnage central de Sandra est d’ailleurs poussé par une ambition professionnelle.
Si la première partie du film, à Birmingham, montre la pauvreté, la pression de la police et notamment le combat pour la légalisation (porté par le personnage de Louise, l’assistante sociale, qui est une amie et co-locataire de Sandra), la partie londonienne se moque avec un certain humour de l’hypocrisie de la haute et de ses fantasmes inavouables.
« Prostitute » est parfois scabreux (le contraire aurait été étonnant vu le sujet et l’angle réaliste choisi) mais jamais gratuit. La sexualité est montrée de façon très factuelle sans tentative d’érotisation. Garnett se tient également à l’écart de toute tentation de glamourisation, tout comme on ne trouvera pas de romance et ni d’effets mélodramatiques (non Sandra n’est pas vraiment belle et ne sera pas sauvée par un riche admirateur et le fait qu’elle ait un enfant n’est pas sur-dramatisé).
Ce qui importe dans « Prostitute », ce sont les personnages, leur expérience, leur réalité. Le film adopte un ton presque documentaire. Dans le casting, les acteurs professionnels côtoient les prostituées, et nombre de dialogues donnent l’impression d’être en partie improvisés.
Le voyage personnel de Sandra ne mène pas à l’optimisme, mais « Prostitution » garde une porte ouverte (la fin est volontairement abrupte). Le film met en avant la légalisation et la médiatisation de la réalité des prostituées comme meilleur moyen de briser l’isolation qu’elles subissent et se garde surtout de tout moralisme : « Le jugement moral est l’ennemi de la compréhension » comme l’explique Tony Garnett dans le livret du DVD édité par le BFI.
DVD zone 2 UK. Studio BFI (2011). Version originale avec des sous-titres anglais. Bonus : documentaire « Taking a part » (1979), livret 26 pages.