« Privilège » reste très actuel par sa dénonciation de la récupération marketing pour des intérêts individuels ou collectifs, économiques ou politiques.

Privilège de Peter Watkins

Privilege (1967)

(Privilège)

Réalisé par Peter Watkins

Ecrit par Norman Bonger et Peter Watkins d’après une histoire de Johnny Speight

Avec Paul Jones, Jean Shrimpton,…

Directeur de la photographie : Peter Suschitzky / Montage : John Trumper / Direction artistique : Bill Brodie / Musique : Mike Leander

Production John Heyman/Peter Watkins, World Film Services

Durée 103 mn

UK

Dans un futur proche, où les partis politiques ont désormais fusionné, Steven Shorter (Paul Jones) est l’ultime star pop britannique. Les foules l’adorent. Durant ses concerts, les femmes se pâment devant le beau jeune homme blond. Dans son spectacle, Steven apparait enfermé dans une prison dressée sur la scène, entourée de policiers qui le harcèlent et finissent par le ruer de coups. Construit autour des thèmes de la violence et la révolte, son spectacle semble répondre à l’état d’esprit des jeunes. Ou est-il une simple catharsis?  Entouré d’une « famille » qui l’exploite comme du bétail, le jeune homme donne sa caution à tout ce qu’on lui demande d’endosser : de la nourriture pour chien à son effigie ou une série de publicités sur les pommes (une campagne d’intérêt national afin de favoriser leur consommation et ainsi écouler un surplus de la production nationale menacée de pourrir sur place). Jusqu’au jour où le gouvernement et l’église s’apprêtent à lancer une croisade pour unifier la nation, et décident qu’après deux ans et demi de rébellion, Steven Shorter doit se repentir et chanter sa croyance en Dieu.

L’édition de « Privilege » en DVD/Blu-ray par le BFI en 2010 a été un événement majeur, car le film était l’une de ces oeuvres dont on a souvent entendu parler mais qui demeurait introuvable car jamais éditée en vidéo et rarement sinon jamais diffusée à la télévision.

Le film n’y va pas par quatre chemins, dénonçant « la mauvaise utilisation du pouvoir dans une époque d’illusion » (pour reprendre les mots du trailer de l’époque). Et ici il s’agit du pouvoir de fascination des idoles pop détourné par le pouvoir capitaliste, politique et religieux afin de tenir et de manipuler la population.

Parmi ces enjeux économiques, politiques, et moraux, Steven Shorter n’est qu’une marionnette qui n’ose se révolter et se réfugie dans un état d’enfant plaintif assisté. Ses actes de rébellion les plus forts consistent à faire la moue à longueur de journée ou encore à imposer à tout le monde une tasse de chocolat chaud pour accompagner une dégustation de homard !

Et même s’il déclare timidement vouloir tour arrêter au directeur du conseil d’administration qui gère ses intérêts, il sera bien présent au stade pour « le plus grand rassemblement nationaliste jamais organisé en Grande Bretagne » où l’on verra le clergé défiler sous le salut nazi, avec le drapeau anglais en brassard, et la croix géante en feu du Klux Klux Klan!

« Je suis une personne! » s’écriera-t-il… mais bien trop tard. Steven Shorter découvrira alors à quelle vitesse on peut passer de l’état de demi-dieu à celui d’un parfait inconnu.

Peter Watkins va loin, très loin dans sa démonstration, utilisant comme dans son précédent film le superbe « The War game », la forme documentaire pour appuyer son propos. Le film du coup vire parfois au pamphlet trop appuyé (la voix off est de trop), et manque cruellement de subtilités. Néanmoins le film demeure une belle réussite, d’une violence idéologique assez étonnante (du moins quand on ne connait pas Watkins, cinéaste engagé s’il en est).

Cette oeuvre reste très actuelle, voire l’est bien plus qu’à l’époque de sa sortie, tant sa dénonciation de la récupération marketing à toutes les sauces que ce soit pour des intérêts individuels ou collectifs, économiques ou politiques, est aujourd’hui bien plus réelle qu’elle ne l’était en 1967.

DVD et Blu-Ray British Film Institute. Collection BFI Flipside. Bonus : Deux courts-métrages de Peter Watkins et le trailer du film. Livret de 28 pages Audio en anglais. Sous titres anglais.

MAJ : A noter que le film est depuis sorti en édition française chez Doriane Films (et donc avec des sous titres français et un livret comprenant une auto-interview de Watkins) :