Un film débordant d’humanité (dans le meilleur comme le pire) et de poésie, des acteurs formidables et une photographie magistrale. Peut-être bien le plus grand film de Carol Reed.
Odd Man Out
(Huit heures de sursis)
Réalisé par Carol Reed
Ecrit par F.L. Green
Avec James Mason, Kathleen Ryan, Robert Newton, Cyril Cusack, Robert Beatty, William Hartnell,…
Directeur de la photographie : Robert Krasker
Musique : William Alwyn
Produit par Carol Reed pour Two Cities Films
Thriller
116mn
UK
Le leader nationaliste irlandais Johnny McQueen (James Mason) est blessé suite à un braquage raté. Il ère dans les rues de Dublin, la police à ses trousses.
Deux ans avant le mythique « The Third Man« , Carol Reed réalise l’un de ses tous meilleurs films : « Odd Man Out ». Eclipsé par le triomphe de « The Third Man », il est pourtant regrettable de ne pas donner à ce thriller existentiel l’attention qu’il mérite.
L’action se déroule sur un temps limité (huit heures). Temps qui sépare les derniers préparatifs d’un casse du dénouement de l’intrigue.
Malgré le contexte hautement politique (la lutte nationaliste en Irlande du Nord), « Odd Man Out » n’est pas du tout un film engagé. C’est un film à hauteur d’homme. Son héros, Johnny McQueen (l’un des plus grands rôles de James Mason) est un chef nationaliste irlandais qui a passé six mois en prison, et après s’en être échappé, a dû rester six autres mois enfermé dans un appartement pour se faire oublier. Malgré les réticences de ses équipiers et de Kathleen, la jeune femme qui s’est occupé de lui et en est amoureuse, il tient à participer au braquage prévu. Mais Johnny va avoir un malaise et en se débattant, reçoit une balle dans l’épaule gauche et tue l’homme qui l’a rattrapé.
Commence alors pour Johnny une fuite dans les rues de Dublin, blessé et en proie à un délire grandissant et rongé par le doute puis la culpabilité d’avoir causé la mort d’un homme. Tandis que la police lance une vaste opération pour le coincer, certains de ses amis tentent de l’aider tandis que d’autres prennent la poudre d’escampette. A travers les nombreuses rencontres qu’il va faire dans sa fuite, il va rencontrer quasiment tout le spectre des sentiments humains : l’indifférence, la compassion, le mépris, la dénonciation, la cupidité,… mais aussi l’amour.
Si la première partie est une « classique » chasse à l’homme, au fil du temps, et des délires grandissants de Johnny McQueen, le film vire vers la poésie et le surréalisme tandis que la neige commence à recouvrir la ville et que Johnny souffre de visions. Les personnages qu’il rencontre sont de plus en plus marginaux (le peintre et son voisin et ennemi juré l’éleveur d’oiseaux sont deux personnages rocambolesques et source de scènes comiques). Les éclairs d’humanité (même imparfaite) qui éclairent le film sont les bienvenues car « Odd Man Out » est sinon très, très sombre.
Formellement, vous aurez droit à un noir et blanc magnifique avec un travail magistral sur le clair-obscure. On constate encore une fois tout le génie du directeur de la photographie Robert Krasker qu’on retrouvera donc derrière les plans de « The Third Man » (mais ici son travail est à mon avis encore plus remarquable !). Les décors sont également travaillés avec un souci du détail remarquable.
Les personnages jouent une part importante dans le succès du film avec notamment le couple tragique incarné avec un immense talent par James Mason et Kathleen Ryan (dont c’était la première apparition à l’écran). Il faut également mentionner tous ces personnages croisés et incarnés par des seconds rôles parfaits : Robert Newton, Cyril Cusack, Robert Beatty ou encore William Hartnell…
« Odd Man Out » est une merveille d’humanité dans le meilleur comme dans le pire. Tout simplement.
Combo blu-ray/DVD. Edition FR (2014). Studio Elephant Films. Version originale sous-titrée et version française.