Une dystopie souvent déstabilisante par son opacité et sa narration fragmentée mais malgré tout fascinante.

Mémoires d'une survivante (1981)

Memoirs of a Survivor (1981)

(Mémoires d’une survivante)

Réalisé par David Gladwell

Ecrit par Kerry Crabbe et David Gladwell d’après le roman Doris Lessing

Avec Julie Christie, Christopher Guard, Leonie Mellinger, Debbie Hutchings, Nigel Hawthorne, Pat Keen,…

Direction de la photographie : Walter Lassally / Production design : Keith Wilson / Montage : Bill Shapter / Musique : Mike Thorne

Produit par Penny Clark

Science-fiction / fantastique

115mn

UK

Dans un futur où la société est déliquéscente et la rue laissée aux gangs de jeunes, D (Julie Christie) tente de survivre et refuse de quitter son appartement alors que tous ses voisins fuient la ville. On lui impose d’accueillir une jeune fille Emilie (Leonie Mellinger). Celle-ci s’éprend d’un jeune homme Gerald (Christopher Guard) qui vient en secours aux plus jeunes, orphelins et abandonnés par la société.

 Dans une société d’un futur indéterminé où les rues sont livrées à l’anarchie, les gens tentent de survivre comme ils peuvent. Nombre font le choix de quitter la ville où les ordures s’amoncèlent dans les rues et où les agressions sont monnaie courante. La nourriture devient de plus en plus difficile à trouver et les coupures d’électricité instaurent un climat d’insécurité. Les familles explosent, et de nombreux jeunes se retrouvent à la rue, se réunissant en gangs.

D (Julie Christie) vit seule dans un immeuble déjà déserté par la plupart de ses occupants. Elle s’évade parfois de la triste réalité en traversant le mur de son salon. Elle se retrouve alors au XIXe siècle dans une vieille maison bourgeoise où vivent un couple d’un certain âge et leurs deux jeunes enfants. Présence invisible, elle observe fascinée leur morne quotidien, leur vie de couple étriquée et leur petite fille délaissée par ses parents.

Sa vie monotone est perturbée quand un fonctionnaire lui impose d’héberger une adolescente orpheline, Emilie (Leonie Mellinger) et son chien. D les accueille avec résignation et finit par s’attacher à Emilie. Elle la laisse conduire sa vie à sa guise même quand celle-ci décide de se rapprocher d’un gang de jeunes. Le leader du groupe Gerald (Christopher Guard) est un idéaliste qui veut créer une communauté auto suffisante pour accueillir les orphelins qui errent dans les rues.

Emilie est amoureuse de Gérard, fascinée par son altruisme, mais la dureté de la vie communautaire, et les tromperies de Gérard qui couche avec d’autres filles du groupe, la poussent à se réfugier régulièrement chez D. D’autant que Gérard continue à recueillir tous les enfants qu’il trouve dans la rue, au risque de mettre en danger l’équilibre très fragile de la communauté. Il atteindra le point de non retour quand il voudra prendre en charge des enfants sauvages réfugiés dans le métro qui attaquent les habitants pour survivre, allant jusqu’à tuer. L’idéalisme de Gérard, qui confine à la folie (car niant la réalité), finira par provoquer l’effondrement de la communauté.

« Memoirs of a Survivor » est tiré d’un roman de Doris Lessing publié en 1974. Lessing est une écrivaine britannique dont une partie de l’oeuvre relève de la Science Fiction et qui a reçue le prix Nobel de littérature en 2007. « Memoirs… » est une dystopie, c’est à dire un univers où le bonheur de l’individu est écrasé par une société néfaste.

Le film reprend la construction complexe et fragmentaire du livre, mais retire volontairement pas mal d’explications contextuelles. On sait très peu de choses sur la dite société qui a permis à l’anarchie de s’installer. L’accent est mis dans le film sur la rupture générationelle. Sans éducation, sans cadre, la jeunesse retourne vers un état quasi sauvage, amoral, où la survie devient le seul objectif.

Comme souvent chez Lessing, on retrouve une forte conviction féministe. Chez le père de la famille du XIXe, comme chez Gérard, on trouve une vision paternaliste autoritaire qui empêche ces deux personnages d’écouter les avertissements et les préoccupations des femmes qui les entourent.

L’adaptation et la réalisation sont signées David Gladwell. Originaire de Gloucester où il est née en 1933, Gadwell s’est fait remarquer par les cinéastes du Free Cinema (Karel Reisz et Lindsay Anderson) avec son deuxième court métrage « Miss Thompson Goes Shopping » (1955). Le documentariste Basil Wright lui ouvrira les portes du « British Transport Films », ce qui lui vaudra notamment de travailler avec John Schlesinger sur le documentaire « Terminus » en 1961 (disponible en France dans le coffret « John Schlesinger, la trilogie anglaise » chez Tamasa Diffusion). A côté de son oeuvre documentaire, il travaille notamment comme monteur sur de prestigieux longs de fiction « If… » (1968) et « O Lucky Man! » (1973) pour Lindsay Anderson ou encore « Bombay Talkie » (1970) pour James Ivory.

Le premier long métrage de fiction de Gladwell, « Requiem for a Village » (1973) s’intéresait à la transformation de la ruralité et à la rupture générationelle (ce dernier thème qu’on retrouve donc au coeur de « Memoirs… »). Il est aujourd’hui disponible dans l’excellente collection Flipside du BFI.

‘Memoirs of a Survivor » (1981) est le deuxième et dernier film de fiction de Gladwell. Présenté à Cannes dans le cadre de la sélection « Un certain regard » en 1981, ce film de SF que certains pourront trouver trop opaque et d’autres fascinant (voir les deux en même temps !), est aujourd’hui un peu oublié. C’est dommage. « Memoirs of a Survivor » mérite d’être redécouvert, même s’il n’est pas toujours facile d’accès.

Dans le rôle principal, on ne présente plus l’excellente Julie Christie qui a notamment travaillé à plusieurs reprises avec Schlesinger (« Billy Liar« , « Darling » et « Far From the Madding Crowd »). Elle livre ici une très belle prestation dans le rôle de l’énigmatique D. Elle est entourée de deux jeunes acteurs talentueux : Christopher Guard (qui avait déjà à son actif une belle carrière à la télévision britannique) et la débutante Leonie Mellinger (elle tourne la même année dans une mini série adaptée du roman de D.H. Lawrence « Sons & Lovers »).

DVD zone 2 UK. Studio Network (2014). Version originale sans sous-titres.

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