Review of: Long Shot
Comédie:
Maurice Hatton

Reviewed by:
Rating:
4
On 3 août 2020
Last modified:14 août 2020

Summary:

Comment faire un film indépendant à la fin des années 70 en Grande-Bretagne ? Une satire réjouissante du milieu du cinéma avec des grands noms au générique (Wenders, Boorman, Frears,...)

Comment faire un film indépendant à la fin des années 70 en Grande-Bretagne ? Une satire réjouissante du milieu du cinéma avec des grands noms au générique (Wenders, Boorman, Frears,…)

Long Shot (1978)

Réalisé par Maurice Hatton

Ecrit par Eoin McCann d’après une histoire Maurice Hatton

Avec Charles Gormley, Neville Smith, Ann Zelda, Wim Wenders, Stephen Frears, Alan Bennett, Maurice Bulbulian, Susannah York, John Boorman, Sanford Lieberson, Bill Forsyth…

Montage : Howard Sharp / Musique : Terry Dougherty

Produit par Maurice Hatton pour Mithras Films

Comédie dramatique

UK

Charles (Charles Gormley), producteur de documentaires, et Neville (Neville Smith), scénariste télé, rêvent de sortir ensemble un premier long métrage cinéma. Leur projet intitulé « Gulf and Western » est une histoire de revanche et de gros sous dans l’univers impitoyable du pétrole à… Alberdeen en Écosse. Le pitch est audacieux et le scénario semble plaire. Afin de réunir les fonds, ils souhaitent attirer le réalisateur américain Sam Fuller. Et ça tombe bien, car une rétrospective en sa présence est organisée durant l’Edinburgh Film Festival de 1977. Mais Fuller se fait désirer et, tandis que Neville peaufine le script durant une énième séance de réécriture et lutte contre sa dépression, Charles tente d’intéresser d’autres réalisateurs au projet, de Wim Wenders à John Boorman, mais aussi un grand studio hollywoodien, la Fox (qui alors cartonne sur les écrans avec « Star Wars ») ou encore l’actrice Susannah York.

« Long Shot » est une comédie dramatique aux allures de documentaire qui vous permet de voir au plus près toutes les difficultés pour faire décoller la production d’un film. Tâche d’autant plus compliquée qu’il s’agit ici d’une production indépendante et qu’à la fin des années 70, le cinéma en Grande-Bretagne est en berne. Du coup l’idée principale de Charles, le producteur du duo, est de recruter un réalisateur connu qui va séduire les potentiels investisseurs.  Après il a deux possibilités, soit monter une co-production internationale à petit budget (300.000 livres) mais à forte valeur ajoutée fiscale pour l’investisseur. Ou sinon s’adosser à un studio américain pour tourner une grosse production à un million de livres. Charles a des doutes sur cette dernière option, mais il aura quand même besoin d’un studio hollywoodien pour assurer une distribution internationale de qualité.

Mais évidemment entre les rêves et la réalité il y a un gouffre. À mesure qu’il présente son projet, Charles se rend compte qu’il va devoir à la fois offrir au réalisateur et aux acteurs la possibilité d’intervenir sur le script (et risquer ainsi de se mettre à dos Neville) et peut-être même de laisser son fauteuil de producteur au réalisateur ou au studio. Charles et Neville vont-ils se faire bouffer tout cru par la machine du cinéma ?

« Long Shot » est réalisé avec un tout petit budget et de la pellicule 16mm périmée et très granuleuse, ce qui renforce encore plus son aspect documentaire sur le vif. Tout est fait pour mélanger fiction et réalité. Plusieurs grands noms du cinéma y jouent leur propre rôle : les réalisateurs Wim Wenders et John Boorman, l’actrice Susannah York ou le producteur de la Fox, Sanford Lieberson. D’autres jouent des rôles, Stephen Frears interprète un fabricant de biscuit qui s’improvise taxi, Alan Bennett le médecin de Neville,…

Il y a une belle dose d’humour satirique pince-sans-rire. Le réalisateur rajoute entre chaque scène un intertitre ironique présentant la scène à venir. Dans le film, personne au festival ne semble savoir quand et même si Sam Fuller va vraiment venir (une jeune femme qui fait partie de l’organisation demande  qui est ce Sam Fuller, « un journaliste ? »). Charles offre continuellement la possibilité à tout un chacun d’intervenir sur le scénario tellement il a peur que le projet ne voie jamais le jour. Neville finit par s’inventer des problèmes cardiaques tellement il en a marre d’être seul (et oui, l’écriture est un métier solitaire) et semble déspéréré quand on lui propose pour la énième fois d’écrire un téléfilm sur les classes populaires (quand il réplique « Je ne sais pas faire que ça », on lui répond  « Oui mais vous le faites si bien ! »)

Le réalisateur de « Long Shot », Maurice Hatton sait de quoi il parle. Il a lui même réalisé son premier film en 1970 (« Praise Marx and Pass the Ammunition ») et depuis, comme beaucoup de cinéastes britanniques de la période, il a passé le reste de la décennie à la télévision. C’est aussi le cas des deux acteurs principaux, Charles Gormley et Neville Smith. Gromley était scénariste et producteur et a commencé dans le film institutionnel avec Bill Forsyth – qui joue d’ailleurs un petit rôle dans « Long Shot ». Ironiquement, Forsyth deviendra un réalisateur star avec « Local Hero » (1983) dont le thème est très proche du projet de Neville et Charles, « Gulf and Western ». Quant à Neville Smith, s’il avait une vraie carrière d’acteur, c’était aussi un scénariste qui a écrit pour la télévision mais aussi pour le cinéma (on lui doit justement le scénario du premier film de Stephen Frears « Gumshoe » en 1971).

Bien accueilli à sa sortie par la critique, « Long Shot » avait disparu des radars. Aujourd’hui on peut le voir en Blu-Ray  grâce à la collection Flipside du BFI. Evidemment la qualité d’image reste médiocre (vu la source d’origine, on ne s’en étonnera guère), mais le film de Maurice Hatton est une très bonne satire sur l’univers impitoyable du cinéma indépendant.  Une belle découverte.

Combo Blu-Ray/DVD. Studio BFI video, collection Flipside (2019). Version originale avec des sous-titres optionnels en anglais. Bonus : livret, courts-métrages