Un remake du chef d’oeuvre de Kurosawa qui garde en partie la poésie désespérée de l’original grâce à la prestation mémorable de Bill Nighy
Living (2022)
(Vivre)
Réalisé par Oliver Hermanus
Ecrit par Kazuo Ishiguro d’après Kurosawa, Shinobu Hashimoto et Hideo Oguni
Avec Bill Nighy, Aimee Lou Wood, Alex Sharp, Jamie Wilkes, Patsy Ferran, Tom Burke,…
Direction de la photographie : Jamie Ramsay / Production design : Helen Scott / Montage : Chris Wyatt / Musique : Emilie Levienaise-Farrouch
Produit par Elizabeth Karlsen et Stephen Woolley pour Number 9 Films
Drame
102mn
UK / Japon / Suède
Londres, années 50. C’est le premier jour de Peter Wakeling (Alex Sharp) dans un service de la mairie sous la supervision de Bill Nighy (Williams), vieux fonctionnaire et bureaucrate exemplaire. Quand Williams part plus tôt un après midi et ne revient pas le lendemain, ses subalternes s’affolent. Pour quelle raison le plus pointilleux d’entre tous manque-t-il soudainement à l’appel ?
Pour être tout à fait honnête, il m’est difficile d’avoir un avis objectif et clair sur « Living ». Quelques mois plus tôt j’ai découvert « Ikiru » (1952), le film d’Akira Kurosawa dont « Living » est le remake. Et dans ma tête « Ikiru » est devenu de suite un classique du cinéma existentialiste à l’égal d’un « It’s a Wonderful Life » (1946) de Frank Capra. L’un de ces films qui vous remue profondément les entrailles et vous fait pondérer l’impact que vous avez sur terre lors de votre bref passage.
Mais là où Capra a recours au fantastique pour redonner un sens à la vie d’un homme d’affaires au bord du gouffre, Kurosawa lui prend l’homme dont la vie est la plus dénuée de sens, un bureaucrate, qui va apprendre qu’il ne lui reste plus que quelques mois à vivre et décide de se lancer dans un projet avec toute son âme, un petit projet mais important pour la communauté, la construction d’un parc de jeu pour des enfants dans un quartier défavorisé.
Le romancier et scénariste britannique d’origine japonaise, qui a reçu le prix Nobel de littérature en 2017, Kazuo Ishiguro (The Remains of the Day, Never Let Me Go) reprend les grands moments et la structure du scénario de Kurosawa, Hashimoto et Oguni. Il s’agit d’une adaptation fidèle mais condensée (le remake fait 40 minutes de moins que l’original). On perd évidemment en détails et subtilités (la relation de Williams avec son fils auquel il ne parle plus et celle avec sa jeune subalterne avec laquelle il essaie de retrouver un peu de la jeunesse et de l’optimise qui l’ont quitté depuis longtemps).
Difficile de faire un remake d’un chef d’oeuvre. Le sud africain Oliver Hermanus n’a pas la subtilité et la maitrise de Kurosawa. On ne lui en veut pas trop. Et par contre Bill Nighy est parfait dans le rôle de Williams, touchant sans être pathétique comme son équivalent japonais Kanji interprété par Takashi Shimura. C’est la grande différence entre les deux films. Williams ne doit pas traverser le degré d’humiliation et d’auto flagellation que s’impose en partie Kanji lui-même mais qui est aussi nécessaire s’il veut arriver au bout de son projet.
Sinon l’adaptation à l’Angleterre des années 50 marche parfaitement. « Ikiru » étant basé sur l’impossibilité qu’a le personnage principal de partager et afficher ses émotions (il a honte de son cancer mais aussi de sa vie trop rangée), on retrouve dans la société anglaise cette retenue, cette politesse excessive qui fait que l’individu, piégé, n’arrive pas à préserver son individualité et d’être autre chose qu’un simple rouage dans un mécanisme aussi complexe qu’absurde. Jusqu’à ce que l’approche de sa mort ne l’oblige à faire face à lui-même.
« Living » réussit à garder en partie la poésie désespérée de « Ikiru » même s’il a tendance à la diluer en voulant insuffler un peu d’optimisme, notamment via le personnage de la subalterne de Williams, qui lui apporte un bref moment de bonheur mais qui dans l’original disparait brusquement, alors qu’ici le personnage ne rompt pas avec Williams et est présent jusqu’à la fin du film.
Dans les salles française depuis le 28 décembre 2022