Un documentaire souvent complaisant mais assez fascinant sur la sorcellerie telle qu’elle était vue et pratiquée par le « roi des sorciers », Alex Sanders

Legend of the Witches (1970)

Ecrit et réalisé par Malcolm Leigh

Narration par Guy Standeven

Direction de la photographie : Robert D. Webb / Montage : Judith Smith

Produit par Olive Negus-Fancey pour Border Films

Documentaire

72mn

UK

Documentaire en noir et blanc qui se veut sérieux sur les origines et la pratique contemporaine de la sorcellerie en Angleterre, « The Legend of the Witches » sort sur les écrans britanniques en double bill avec le film de sexploitation allemand « Do you Want to Remain a Virgin Forever ? ». Un choix qui peut paraitre étonnant. Mais la productrice britannique du film, Olive Negus-Fancey est une spécialiste des films de sexploitation, et après tout « The Legend of the Witches » est suffisamment provoquant, contient de nombreuses scènes de pratique où les participants sont nus, et se retrouve logiquement… classé X.

Bien que non mentionné au générique, le film s’appuie sur les théories et les pratiques du sorcier britannique Alex Sanders qui apparait à l’écran en maitre de cérémonie lors des séquences de rituels reconstitués pour les caméras. Avec sa femme Maxine, ils ont d’abord établit leur assemblée à Manchester avant de s’installer à Londres dans le quartier de Notting Hill de 1967 à 1971 pour populariser la sorcellerie auprès des jeunes gens du swinging London et des hippies.

Sanders, sorcier mais aussi homme de spectacle, avait une vision très personnelle de la sorcellerie, et n’hésitait pas à aller piocher dans d’autres cultures ou des pratiques qui n’avaient pas grand chose à voir avec le canon de la sorcellerie traditionnelle. Mais c’est justement cet éclectisme et son sens du spectacle qui faisait son succès.

Il faut dire que des deux côtés de l’Atlantique, la sorcellerie et les religions païennes ont le vent en poupe de la fin des années 60 au milieu des années 70. Intérêt qui bien sûr se répercute au cinéma. Côté british, sortent ainsi par exemple « Eye of the Devil » (1966), « The Witches » (1966) ou encore « The Devil Rides Out » (1968), « Witchfinder General » (1968) et « The Wicker Man » (1973) – pour ne citer qu’eux.

Pour son premier documentaire, Malcolm Leigh s’appuie donc largement sur le sorcier alors le plus célèbre d’Angleterre, Alex Sanders, récemment auto-proclamé le roi des sorciers ! Ce dernier prend un plaisir évident à partager sa vue de la sorcellerie et de sa proximité avec le christianisme, et met en avant le spectacle de ses rituels (rite d’initiation, messe noire,…). Leigh complète son documentaire avec des séquences de nature pendant qu’une voix off nous explique la création du monde selon les sorciers, de nombreuses reproductions de gravure et de la tapisserie de Bayeux, une visite dans un musée de la sorcellerie en Cornouaille ou encore (bien qu’un peu hors sujet) une chasse aux fantômes contemporaine dans une maison hantée (dans un mélange d’ésotérisme et de pseudo-science également très à la mode).

L’intégralité du film est commenté par une voix off (le multi-récidiviste Guy Standeven), un brin agaçante, qui nous explique et commente ce qu’on voit à l’écran. On regrette un manque de prise de son direct, surtout pendant les rituels.

Malcolm Leigh livre en tout cas un beau document contemporain et une magnifique tribune à Alex Sanders, alors à la recherche de publicité pour attirer de nouveaux adeptes. D’ailleurs ce même Sanders ouvrira à nouveau ses portes l’année suivante à un grand spécialiste du cinéma d’exploitation, Derek Ford, pour le docudrama « Secret Rites » (1971).

Les deux films « Legend of Witches » et « Secret Rites » ont été édités dans le même volume par le BFI dans sa collection BFI Flipside. L’occasion de voir deux raretés, témoignages d’une fascination aussi intense que brève d’une société qui se voulut non conformiste… avant de passer à des valeurs plus matérialistes.

Combo Blu-ray/DVD. Edition BFI, collection BFI Flipside n°039. Versions originales avec sous-titres optionnels en anglais. Bonus : livret de 36 pages, documentaires et cours métrages, plus commentaire audio pour « Secret Rites »