Un drame sensible et émouvant sur les enfants des rues errant dans un Londres post-Blitz, porté par des jeunes acteurs formidables

Innocent Sinners (1958)

Réalisé par Philip Leacock

Ecrit par Neil Paterson et Rumer Godden d’après le roman de Rumer Godden

Avec June Archer, Christopher Hey, Brian Hammond, Flora Robson, Catherine Lacey, Susan Beaumont, Lyndon Brook,
Edward Chapman,…

Direction de la photographie : Harry Waxman / Direcfteur artistique : Cedric Dawe / Montage : John D. Guthridge / Musique : Philip Green

Produit par Hugh Stewart pour Rank Organisation Film Productions

Drame

95mn

UK

Dans le Londres de la deuxième partie des années 50 encore marqué par les stigmates du Blitz, les terrains vagues et les bâtiments en ruines sont autant de terrains de jeux pour les enfants des classes populaires. Lovejoy (June Archer), une jeune fille laissée à des parents par une mère actrice (ou danseuse) qui ne se soucie guère d’elle, a trouvé un moyen de redonner des couleurs à une vie trop grise. Récupérant un sachet de graines trouvé par terre par Sparkey (Brian Hammond), petit garçon d’une vendeuse de journaux à la criée, elle décide de se créer un petit jardin parmi les ruines . Elle y rencontrera Tip (Christopher Hey), chef d’un gang juvénile, qui l’aidera à réaliser son rêve.

Qualifiée d’arrogante et indépendante par certains adultes, Lovejoy est une jeune fille qui cache ses douleurs sous un air bravache. Elle vole de l’argent à l’Eglise dans une boite de dons mal fermée pour s’acheter des outils de jardinage. Mais obligée de délocaliser son petit jardin dans les ruines attenant à l’église, elle sent sur elle le regard de la statue de la Vierge, témoin du larcin. Aidée par Tip, elle fera tout pour rembourser la mère de Jésus. Mais retombe dans la délinquance quand, avec Tip, elle va « emprunter » du bon terreau dans un jardin public (ce qui cette fois va lui causer de gros ennuis !).

Le réalisateur Philip Leacock a commencé sa carrière comme assistant caméra et a réalisé quelques documentaires, notamment pour le fameux Crown Film Unit, avant de passer à une fiction teintée de réalisme, dont les plus célèbres exemples restent « The Brave Don’t Cry » (1952) sur les accidents dans les mines et « Reach for Glory » (1962) sur un groupe d’adolescents durant la seconde guerre mondiale.

Ici aussi, Philip Leacock montre tout son talent pour filmer des scènes réalistes de rue. Les trois enfants principaux, dont c’était la première apparition à l’écran, sont formidables. Et c’est tant mieux, car le film repose largement sur les frêles épaules.

« Innocent Sinners » s’ouvre sur le personnage d’Olivia Chesney (la toujours magnifique Flora Robson) qui apprend qu’elle n’a plus beaucoup de temps à vivre et se rend compte qu’elle n’a jamais vécu, simple spectatrice de la vie des autres. Un démarrage qui fait forcément penser au film de Kurosawa « Iku » (Vivre) sorti six ans plus tôt. Le héros de Kurosawa, fonctionnaire, va mettre toute son énergie restante pour qu’un petit jardin public voit le jour dans les quartiers pauvres de Tokyo. Mme Chesnay, personnage secondaire et non central, jouera un rôle important dans la vie de Lovejoy, Un élan de générosité qui va tout changer pour la petite fille.

Ce sont peut-être des coïncidences, mais il n’est pas impensable que l’écrivaine anglaise Rumer Godden, dont le livre « An Episode of Sparrows » est ici adapté à l’écran, ait vu le film de Kurosawa. A noter par ailleurs que l’écrivaine n’est pas une inconnue pour les amoureux de cinéma. Quelques uns de ses livres ont connu des adaptations devenus célèbres : « Black Narcissus » (Michael Powell et Emeric Pressburger, 1947) et « The River » (Jean Renoir, 1951).

Concernant ce « Innocent Sinners », il faut se contenter à ce jour d’un DVD anglais (sans sous-titres). On peut espérer que le film soit enfin réédité en blu-ray. Croisons les doigts car il s’agit d’un très joli film qui mérite le coup d’oeil.