Un conte de fées horrifique cruel et sardonique signé par Philip Ridley. Un tour de force parfois maladroit par excès d’ambition
Heartless (2009)
Ecrit et réalisé par Philip Ridley
Avec Jim Sturgess, Luke Treadaway, Clémence Poésy, Justin Salinger, Noel Clarke, Joseph Mawle, Eddie Marsan, Timothy Spall,…
Direction de la photographie : Matt Gray / Production design : Ricky Eyres / Montage : Chris Gill et Paul Knight / Musique : David Julyan & Nick Bicât
Produit par Richard Raymond et Pippa Cross
114mn
UK
Jamie Morgan (Jim Sturgess) est un jeune homme introverti qui vit chez sa mère dans le quartier populaire du East End à Londres. Une marque de naissance rouge qui lui bouffe le visage en fait un monstre de foire et il évite au maximum le contact avec les autres, parcourant les terrains vagues et les rues la nuit avec son appareil photo argentique, don de son défunt père. Autour de lui, les gangs font des ravages mais un soir alors qu’il suit une figure qu’il croit être celle d’un membre d’un gang, il fait face à des créatures démoniaques. Quand il apprend à la télé qu’un meurtre sauvage d’un père et de son fils vient d’être commis par des membres de gang masqués, il commence à se poser des questions. Et si ces meurtriers n’étaient pas humains ?
Dix-neuf ans après son premier film le cultissime « The Reflecting Skin » et quatorze ans après son deuxième film « The Passion of Darkly Noon« , le très rare Philip Ridley revient enfin au cinéma pour son troisième long métrage ! Un événement donc, mais qui aura laissé perplexe une partie de ses fans.
« Heartless » est globalement un film d’horreur, violent et parfois gore, mais il est loin de n’être que ça. Conte de fées surréaliste bourré de références et d’humour noir où un pacte faustien transforme Jamie, un brave garçon sensible, en meurtrier sauvage. « Heartless » est une réflexion sur la violence innée en tout un chacun, sur le point de basculement. Il aurait pu très bien devenir un film de vigilante comme un autre fameux film sorti la même année « Harry Brown » avec Michael Caine qui se déroule également dans le East End.
La violence est pour Jamie comme une force créatrice, une voie vers la vérité, un fantasme, une fascination. Mais c’est bien entendu lui d’abord qu’il veut détruire. Et comme sa conscience ne peut pas assumer le suicide, c’est son inconscient qui prend le relais.
On peut reprocher à « Heartless » de manquer parfois de subtilité, d’en faire parfois trop, de se perdre dans ses jeux de réalité/fantasme, de multiplier les symboles à ne plus savoir qu’en faire…
On pourra aussi à reprocher « Heartless » de ne pas surprendre suffisamment le spectateur (il n’y a pas de grand effet de révélation sur le final), mais Ridley n’essaie pas de faire des effets de manche comme un autre fan de Hitchcock, le M. Night Shyamalan de « The Sixth Sense » et « The Village ». Malgré quelques scènes maladroites qui font parfois penser que Ridley veut jouer avec le suspense et les attentes du spectateur, ce n’est certainement pas le point fort ni le but principal du film.
On aimera ou on détestera le résultat. Pourtant, j’avoue éprouver une certaine fascination pour « Heartless ». Magnifiquement photographié, interprété de main de maitre par un sacré casting, imprégné d’humour noir (qui rappelle Hitchcock et notamment son « Frenzy« ), le tout est rythmé par des chansons composées spécialement par Nick Bicât (compositeur des musiques des précédents films de Ridley) et aux paroles écrites par Ridley lui-même. Chansons qui participent à la narration du film.
Largement incompris, ce film-événement est passé trop inaperçu malgré un système de distribution original à l’époque. Il est sorti de façon quasi simultanée dans un nombre limité de salles avant d’être distribué dans la foulée quelques jours plus tard en blu-ray, DVD et en VOD.
Si l’on prend « Heartless » comme un conte de fées horrifique baignant dans les légendes urbaines, il fonctionne parfaitement. Jamie c’est à la fois Cendrillon, Faust, Jack l’Eventreur,… Et la morale (finale ?) vous est assénée avec un rictus par le Diable lui-même : Seule la souffrance est éternelle.
DVD et Blu-ray FR. Studio Free Dolphin Entertainment (2011). Version originale sous-titrée en français et version française. Bonus : Dynamite Sky, le making of, Rencontre avec Philip Ridley, Jim Sturgess Live (The Other Me, Heartless), Commentaire audio du réalisateur