Mike Leigh revient avec un film déchirant et débordant d’humanité sur les ravages de la dépression, porté par une magnifique Marianne Jean-Baptiste

Hard Truths (2024)

(Deux soeurs)

Ecrit et réalisé par Mike Leigh

Avec Marianne Jean-Baptiste, Michele Austin, David Webber, Tuwaine Barrett,…

Direction de la photographie : Dick Pope / Production design : Suzie Davies / Montage : Tania Reddin / Musique : Gary Yershon

Produit par Georgina Lowe

Drame

97mn

UK / Espagne

Patsy (Marianne Jean-Baptiste) a peur. De tout. Des pigeons ou d’un renard qui fait intrusion dans le petit jardin de sa maison proprette de banlieue, de la saleté, de sa vie, de la vie. Epuisée, agacée par un rien. Elle se plaint constamment, elle parle avec agressivité et reproches à son mari, Curtley (David Webber) et à son fils de 22 ans, Moses (Tuwaine Barrett) qui reste enfermé dans sa chambre. Mais le pire, c’est quand elle sort de chez elle. Elle créé des conflits avec les « gens » par lesquels elle est persuadée d’être persécutée, que ce soit dans un magasin ou chez le médecin. Pasty est profondément dépressive et elle a l’impression que tout le monde la hait, même sa soeur Chantelle (Michele Austin).

Il serait facile de détester Patsy. Pourtant, et c’est la magie de Mike Leigh et de son interprète, Marianne Jean-Baptiste, on n’arrive pas à détester cette personne en apparence si détestable. Car on voit bien qu’elle souffre et que le fait de créer des conflits autour d’elle est sa manière d’externaliser sa douleur. Son mari courbe le dos, son fils s’enferme dans un silence quasi autistique. Le silence. Car dans cette famille, il n’y a plus aucune communication. Et le contraste est immense avec sa soeur, Chantelle, coiffeuse de son état qui vit seule et dans un petit appartement mais heureuse avec ses deux filles.

Mike Leigh ne donne pas de raison claire à la dépression de Patsy. Mais on comprend par petites touches. Une relation compliquée avec sa mère, un mari qu’elle a épousé par peur de rester seule plus que par amour, et un fils coupé du monde qui l’entoure et qui renforce sa culpabilité. Mike Leigh ne donne pas non plus de solution. Juste un constat de la souffrance jusqu’à la rupture ?

« Hard Truths » est un portrait de la dépression arrivée à son stade ultime de destruction à force de silences, mais ce n’est pas un portait clinique, non c’est un portait déchirant d’humanité. Et le spectateur en arrive à sentir de la compassion pour Patsy, Curtley et Moses qui répondent chacun différemment à cette dépression contagieuse dans laquelle ils se retrouvent enfermés. Sans qu’on puisse dire que c’est la faute de Pasty ou de Curtley d’ailleurs. A aucun moment, le film ne se permet de tendre un doigt accusateur vers l’un de ses personnages.

Comme d’habitude chez Mike Leigh, on sent que le film est le résultat d’un travail minutieux avec les acteurs qui sont tous formidables. Mais a-t-on déjà vu un mauvais acteur chez Mike Leigh, même dans les petits rôles ? Non. Parce que sa méthode de travail implique une implication totale des acteurs dans la « fabrication » de leur personnages et donc du film (puise qu’ici, et comme toujours chez le réalisateur, les personnages font le film).

Agé de 81 ans, Mike Leigh n’a rien perdu de son génie à casser les pré-requis habituels du cinéma, à commencer par l’intrigue. « Hard Truths » n’a pas besoin d’intrigue, il pas besoin d’explications, ni même de dénouement.

C’est en tout cas avec beaucoup de plaisir qu’on retrouve Marianne Jean-Baptiste chez Mike Leigh, dont la carrière a été lancée par le réalisateur dans « Secret & Lies » (Secrets & Mensonges ») en 1996 et pour laquelle elle avait été nominée aux Oscars. Sa prestation dans « Hard Truths » lui a déjà valu plusieurs récompenses amplement méritées.

« Deux soeurs » (le titre français) sortira dans les salles hexagonales le 2 avril 2025.