Instantané d’une époque révolue ou peut-être pas tant que ça. Si la pellicule et les palais du 7e art ont quasiment disparu, les inégalités de la « vraie » vie restent
Empire of Light (2022)
Ecrit et réalisé par Sam Mendes
Avec Olivia Colman, Micheal Ward, Colin Firth, Toby Jones, Tom Brooke, Tanya Moodie,…
Direction de la photographie : Roger Deakins / Production design : Mark Tildesley / Montage : Lee Smith / Musique : Trent Reznor et Atticus Ross
Produit par Pippa Harris et Sam Mendes pour Neal Street Productions et Searchlight Pictures
Drame / romance
115mn
UK / USA
Le cinéma Dreamland, monument art déco consacré au 7e art, se situe sur le bord de mer de la ville de Margate dans le sud de l’Angleterre. Fondé en 1927, le cinéma a fermé ses portes en 2007. Trop grand, trop démesuré, trop cher à entretenir. Depuis, il se tient dignement, impassible, face à la mer… mais reste vide. Classé, il faudrait une autorisation du parlement pour le raser. Au moins n’a-t-il pas été transformé en salle de bingo…
Le Dreamland, ici rebaptisé Empire, méritait bien cet hommage introductif. Il s’agit après tout du repère central de « Empire of Light », là où tout commence et finit, que ce soit dans la vaste entrée avec le stand de friandises qui trône au milieu, les majestueux escaliers qui mènent aux deux somptueuses salles, ou encore le dernier étage, fermé et désormais occupé par des pigeons, qui se compose de deux autres salles et d’un vaste espace dinatoire vitré avec vue sur la mer et où trône encore un piano à queue.
Au début des années 80, Hilary (Olivia Coleman) est la manager du cinéma. Non qu’elle profite de la magie du lieu, les films étant réservés pour elle aux clients. Dépressive, solitaire, « utilisée » sexuellement par son patron (Colin Firth), Hilary se sent vidée. L’arrivée d’un jeune homme noir Stephen (Micheal Ward), et la relation amoureuse qui s’ensuit, lui offre un échappatoire. Mais l’oblige aussi à prendre conscience de la réalité extérieure, témoin malgré elle de la violence raciale qui bat son plein et dont est victime Stephen.
Pour son neuvième film, Sam Mendes, qui en signe également le scénario, nous offre un portrait sensible de femme abimée, incarné avec brio, comme toujours, par Olivia Coleman et une romance originale qui pourrait presqu’apparaitre improbable (il reste assez rare de voir à l’écran des histoires romantiques entre des femmes mures et des jeunes hommes – en plus de couleur de peau différente), mais la romance en question est jouée avec subtilité et alchimie par les deux acteurs concernés (Coleman et Ward).
C’est aussi une déclaration d’amour nostalgique à un certain type de salles de cinéma, ou plutôt devrait-on dire aux palaces du 7e art, qui ont éclôt dans les années 20 et qui ont fermé progressivement, avec une hécatombe marquée dans les années 70 et 80, grande période de désertion des spectateurs. Mendes fait un clin d’oeil au court espoir de renaissance du cinéma britannique avec l’avant première régionale d’un certain « Chariots of Fire » mais les extraits de films montrés dans « The Empire of Light » sont bien américains (Still Crazy, Being There,…).
Le film de Mendes n’est pas toujours convaincant. Il tombe parfois dans le mélo, s’égare dans des lenteurs et semble hésiter dans les directions qu’il veut prendre et ce qu’il veut dire au spectateur d’aujourd’hui. Mais il est également difficile de quitter l’Empire sans un petit pincement au coeur.