Pas facile de devenir cinéaste quand on n’a pas de relations et qu’on fait partie d’une minorité. La route est longue et cahoteuse, mais Kwabena arrivera-t-il à réaliser son rêve ?
Dreaming Whilst Black (2023)
Créée par Adjani Salmon et Laura Seixas
Réalisé par Koby Adom, Joelle Mae David, Jermain Julien et Sebastian Thiel
Avec Adjani Salmon, Dani Moseley, Rachel Adedeji, Babirye Bukilwa, Demmy Ladipo, Jo Martin,…
Direction de la photographie : Nathalie Pitters et Jon Muschamp / Production design : Angel Parmar / Montage : Ash White / Musique : Adem Ilhan
Produit Nicola A. Gregory pour A24 et BBC
Comédie
6 épisodes (série 1)
UK
Kwabena (Adjani Salmon), un Anglais d’origine jamaïcaine, rêve de devenir cinéaste. Il a un projet de long métrage qui lui tient à coeur : « Jamaica Road » qui raconte l’histoire d’amour de deux immigrés jamaïcains qui arrivent en Angleterre après la seconde guerre mondiale, la fameuse génération Windrush. Mais pour faire un film, il faut des connections, réussir à pitcher son film et à obtenir des fonds. Et pour l’instant, Kwabena travaille dans les bureaux d’une agence de recrutement dont il va pas tarder à se faire virer.
La série raconte aussi bien la difficulté de percer dans le milieu du cinéma que celle vivre au quotidien en tant que membre d’une minorité. Dans les deux cas, il y a cette idée qu’on peut réussir à aller jusqu’au bout mais la route n’est pas vraiment de tout repos.
Pour ce qui est de la satire du milieu de la production cinématographique et télévisuelle, Salmon montre bien, plus que l’hypocrisie, les petites concessions qu’on doit faire pour monter un projet qui n’existera qu’il se bénéficie des bons appuis. D’un film d’époque sur une histoire d’amour belle mais compliquée, il va se retrouver à écrire et filmer un court métrage sur l’histoire de son cousin, un jeune rappeur plein d’espoir en l’avenir mais qui se retrouve en prison. Un sujet bien plus vendeur !
Mais au-delà, Salmon montre avec une certaine sensibilité et subtilité tous les petits coups qu’on doit se prendre quand on fait partie d’une minorité et qu’on est chaque fois dans le milieu professionnel ramené à ses origines et sa couleur de peau. Tout ça sous couvert bien souvent d’inclusivité, voire de discrimination positive ! Mais in fine les promotions restent plus compliquées à compétence égale. Et même quand les collègues et patrons blancs essaient de bien faire, ils se retrouvent à faire des maladresses dues à leurs préjugés bien installés dans leur inconscient (et ça que ce soit dans les entreprises traditionnelles ou dans le milieu du cinéma).
La série aborde aussi un sujet rarement traité : les différences et différents entre les Noirs jamaïcains et les Noirs africains (Nigérians principalement). On parle souvent de l’un ou de l’autre, ici on parle des deux communautés, de ce qui les rassemble et de ce qui les sépare.
Enfin, la série aborde le « racisme » social (surtout quand Kwanabe se retrouve à faire de la livraison de repas à domicile, on lui parle tout de suite différemment, et il fait tout pour le cacher). Pauvre et noir, ça reste la double peine !
Par l’écriture et l’interprétation (notamment Adjani Salmon dans le rôle principal), « Dreaming Whilst Black » est souvent très drôle, attachant et vise juste dans ses moments satiriques, tout en étant moins didactique et plus subtile que le laisse entendre ma description rapide de la série.
« Dreaming Whilst Black » a d’abord vu le jour en tant que websérie en 2018 avant de devenir un pilote pour BBC Three en 2021. Multi-récompensé le pilote deviendra une série en 2023 co-produite par A24 et Big Deal Films. La série est diffusée sur BBC à partir de juillet 2023. Aux Etats-Unis, elle a été proposée sur Paramount + et Showtime et en France sur OCS. Une deuxième saison a été commandée en février 2024 et c’est tant mieux, parce que six épisodes ça reste très court pour aborder les sujets susmentionnés. Et bon sang, on veut savoir si Kwabena arrivera à tourner « Jamaica Road » !