Une description brutale de la misère des quartiers populaires londoniens pendant la période victorienne marquée par la rencontre de deux géants : Boris Karloff et Christopher Lee

Corridors of Blood (1958)

Réalisé par Robert Day

Ecrit par Jean Scott Rogers

Avec Boris Karloff, Betta St. John, Christopher Lee, Finlay Currie, Francis De Wolff, Adrienne Corri, Francis Matthews, Yvonne Romain, Nigel Green,…

Direction de la photographie : Geoffrey Faithfull / Direction artistique : Anthony Masters / Montage : Peter Mayhew / Musique : Buxton Orr

Produit par John Croydon et Charles F. Vetter pour Amalgamated Productions, Producers Associates

Tourné aux MGM British Studios

Crime / Horreur

83mn

UK / USA

Londres, au milieu du XIXe siècle. Le Dr Bolton (Boris Karloff) est un chirurgien estimé à Londres. Les étudiants et ses confrères se pressent dans l’auditorium pour admirer le chirurgien à l’oeuvre qui a la réputation d’être plus rapide que tous les autres. Pour le Dr Bolton, l’important est que son patient souffre le moins longtemps possible. Mais il rêve surtout de pouvoir supprimer la douleur intense éprouvée par les patients lors des opérations chirurgicales faites à vif et sans le moindre anesthésiant, et qui fait perdre la tête à certains.  « La douleur et le scalpel vont de pair » répliquent ses paires devant son insistance à vouloir éradiquer la douleur. Le soir quand il rentre chez lui, le Dr Bolton teste différentes formules sur lui. Mais ne va-t-il pas trop loin ? Son fils (Francis Matthews) et sa nièce (Betta St. John) sont inquiets.

Le Dr Bolton tient également une permanence un après midi par semaine dans un quartier pauvre et coupe gorge de Londres, le Seven Dials qui n’a rien à envier à Whitechapel. Il attire l’attention du propriétaire d’un rade où l’alcool coule à flots et les filles ont la jambe légère. Le propriétaire Black Ben (Francis De Wolff) et sa femme Rachel (Adrienne Corri) ont monté un commerce de vente de cadavres avec l’aimable intervention de l’inquiétant Resurrection Joe (Christopher Lee). Mais bon pour les vendre « légalement » à l’hôpital encore faut-il un certificat de décès !

« Corridors of Blood » commence comme un drame médical où le bon Dr Bolton tente de persuader ses confrères et supérieurs, peu intéressés, que douleur et chirurgie ne sont pas inséparables. Au point de passer pour un savant fou. Puis le film dévie vers le film criminel horrifique avec cette histoire de cadavres et les expériences que le Dr Bolton mène sur lui-même et qui le transforment peu à peu en Mister Hyde.

« Corridors of Blood » rend avec une rudesse assez exceptionnelle pour l’époque la misère dans les quartiers populaires de Londres durant l’ère victorienne. Les amputés, les prostituées, les alcooliques, les enfants forment une foule de morts vivants recouverts de guenilles, un univers où la vie d’un miséreux n’a que la valeur de ses habits en loque.

Dans le rôle du docteur Bolton, on retrouve le légendaire acteur anglais Boris Karloff qui a fait sa carrière outre-atlantique dès 1919 et est devenu la star de l’horreur grâce à Universal et son « Franskenstein » (1931). Dans les années 50, passé de mode outre-atlantique il remet un pied en Angleterre où il enchaine des rôles à la télévision et au cinéma.

« Corridors of Blood » est le deuxième film qu’il tourne en Angleterre avec Amalmated Productions après « The Haunted Strangler » (1958) également réalisé par le très compétent Robert Day. Ici le scénario de Jean Scott Rogers, une scénariste à laquelle on doit le soap médical de ATV (« Emergency-Ward 10 ») a été « un peu » modifié par les producteurs pour délivrer la dose de crimes et d’horreur qui convenait à leur goût à l’image de leur acteur principal (au grand dam de celui-ci).

Le personnage de l’assassin vicieux Resurrection Joe (qui apporte la dimension horrifique au film) est interprété par un jeune acteur prometteur, Christoper Lee, sorti tout droit de « The Curse of Frankenstein » (1957) de la Hammer. Les deux plus célèbres interprètes de la créature créée par Mary Shelley se croisent pour la première fois à l’écran. Un moment historique donc !

Un peu déséquilibré entre une première partie sérieuse et une seconde qui vire vers le film d’exploitation, « Corridors of Blood » reste un chouette film, grâce à son ambiance très travaillée, et sa description de la misère humaine (ainsi que de l’indifférence des classes supérieures – ici représentées par la direction de l’hôpital).

Heureusement, ce film à l’époque non sorti en France, est aujourd’hui disponible en DVD (la qualité de l’image n’est pas exceptionnelle mais reste convenable).

DVD zone 2 FR. Studio Movinside (2017). Version originale sous-titrée en français. Bonus : présentation du film par Marc Le Toullec