Longtemps considéré comme un pur nanar, « Zardoz » est pourtant une fable philosophique pessimiste qui mérite d’être prise au sérieux et reste le film le plus personnel de John Boorman
Zardoz (1974)
Ecrit et réalisé par John Boorman
Avec Sean Connery, Charlotte Rampling, Sara Kestelman,…
Direction de la photographie : Geoffrey Unsworth / Production design : Anthony Pratt / Musique : David Munrow / Montage : John Merritt
Produit par John Boorman
SF
UK / USA / Irlande
Une tête bouge à l’écran sur un fond noir, un tissu bleu sur la tete, une barbe et une moustache dessinées au feutre. « Je suis Arthur Frayne et je suis Zardoz. Je vis depuis 300 ans et j’attends la mort avec impatience mais je ne la connaitrai pas. je suis immortel… Dans ce conte, je suis faux Dieux de mon métier et magicien par nature. Merlin est mon héros… Je suis celui qui tire les ficelles.. Et vous, pauvres créatures, qui vous a tiré de la glaise ?…Dieu est-il également dans le show-business ? ».
Un paysage désolé, « un film de John Boorman situé dans l’année 2293 ». Des hommes à cheval et à pied, certain masqués à l’image de la tête qui vole dans les cieux et qui atterrit près d’eux. « Dieu soit loué à Zardoz ». Une voix s’adresse à eux. Ils « ont été arrachés à l’animalité pour tuer les « brutes » qui se multiplient et sont légion ». C’est pour ça que leur Dieu leur a confié les armes, outils du bien qui doit luter contre les pénis, outils du mal qui « répandent le fléau de la vie sur terre ». Le message est clair : « Allez et tuez » ! La tête crache les armes dont s’empare les exterminateurs. Parmi eux Zed (Sean Connery) qui brandit un pistole et tire en direction de la caméra.
Mais Zed n’est pas un exterminateurs parmi d’autres. Il réussit à s’introduire dans la tête volante dans l’espoir de découvrir la vérité. En tuant son « Dieu », il va découvrir un autre monde, le « vortex », un monde sophistiqué et paisible, le paradis promis ? Mais que cache cette nouvelle réalité ?
« Zardoz » est un film que seules les années 70 ont pu produire. Une fable philosophie insensée, démesurée, écrite, réalisée et produite par un seul homme, l’anglais John Boorman. Celui-ci, grâce au triomphe de « Delivrance » (1972), qu’il avait également réalisé et produit, a désormais les mains libres.
L’échec fut cinglant et pendant des décennies, « Zardoz » fut relégué au statut de pur « nanar » à gros budget, symbole d’un Hollywood qui aurait perdu pied avec la réalité. La dégaine improbable d’un Sean Connery, moustachu aux cheveux longs, affublé d’un slip rouge, le torse bardé de cartouchières rouges également et les jambes parées de longues bottes en cuir, un sujet de moqueries parfait pour les décennies futures.
Pourtant, même si « Zardoz » peut agacer par sa présomption et son imagerie très seventies, il serait idiot de l’en réduire à une somme de défauts. « Zardoz » reste une petite merveille d’inventivité et de satire sur la recherche du progrès infini qu’il soit politique (démocratie) ou scientifique (immortalité). Un monde soit-disant parfait exclut-il toute forme d’inégalité ? Si « tout le monde » a accès à la perfection, il faut quand même des « ouvriers » pour assurer la production. Et si tout le monde est immortel, comment luter contre « l’ennui » ? L’humain peut-il supporter une vie infinie et parfaite ?
« Zardoz » offre une vision pessimiste de l’évolution de l’humanité et de sa quête sans fin pour plus de confort, pour moins de souffrance, pour plus de contrôle. En ceci, « Zardoz » est un film nihiliste, dont la philosophie préfère l’acceptation de la douleur inée à l’existence plutôt que la recherche d’une perfection inatteignable et corruptrice.
Bref, il est plus facile de se moquer de « Zardoz » que d’en tirer l’impitoyable logique.
« Zardoz » est sans aucun doute le film le plus personnel de Boorman dans sa version pessimiste et qui trouve quelque part l’explication de sa dureté dans l’autobiographique « Hope and Glory » (1987). Chez Boorman, il y a toujours cet enfant marqué par le blitz et la découverte, bien trop jeune, de la dureté de la vie et du coeur des hommes.
DVD et blu-ray FR. Studio Movinside (2017). Version originale et sous-titrée en français
C’est la première fois que je vois ce film. En raison de la réputation qu’il traîne, j’y suis rentrée avec quelques réticences. Mais dès les premières images on est pris par le caractère démesuré et la folie qui le traverse. Une fois familiarisé avec celle-ci, on s’aperçoit qu’il porte un message à la fois philosophique et politique d’une grande profondeur et d’un pessimisme radical. Ces êtres qui vivent dans un univers de violence cherchent des réponses à des questionnements sur la vie et la mort, auquel le film n’apporte pas de solution. Au lecteur de s’y atteler. Là aussi réside la grande liberté qui traverse le film.
Le thème de la religion y est abordé de façon cryptique. Dans la logique panthéiste du réalisateur, on pourrait lire dans ce film le rejet des religions sanglantes et coercitives, telle celle de Zardoz.
Boorman déploie dans ce film tout son immense talent de créateur d’imaginaires qu’on retrouvera dans d’autres chefs-d’œuvres comme Excalibur ou La forêt d’émeraude. L’univers de Zardoz est époustouflant de beauté, celle des sublimes paysages d’Irlande, celles des personnages hommes et femmes qui le peuplent (on découvre notamment une Charlotte Rampling dans toute la splendeur de sa jeunesse).
Evidemment, on peut comprendre que dans cet accoutrement Sean Connery ait été l’objet de moquerie. Personnellement, je trouve que l’acteur, avec son grand talent et son élégance innée, sauve la mine, et ma foi, il n’est pas du tout désagréable à regarder, et puis ça introduit une sorte d’humour dans ce monde impitoyable de violence, qui me convient parfaitement.
Finalement, c’est un film qu’il faudrait revoir plusieurs fois pour se débarrasser de la réputation qui l’accompagne et se pencher sur la richesse de la pensée qui le traverse, celle de son créateur, profonde et pessimiste, qui renvoie à des penseurs majeurs comme Nieztsche.
Mais pour en apprécier toute la beauté et la richesse, il faudrait le revoir impérativement sur grand écran.