Un film dur et efficace sur les dilemmes moraux en temps de guerre. L’une des plus belles réussites de la Hammer

yesterdays-enemy1959-baker

Yesterday’s Enemy (1959)

(Section d’assaut sur le Sittang)

Réalisé par Val Guest

Ecrit par Peter R. Newman

Avec Stanley, Baker,Gordon Jackson, Guy Rolfe, Leo McKern, Bryan Forbes,…

Directeur de la photographie : Arthur Grant

Produit par Michael Carreras pour Hammer Film Productions

Tourné aux studios Bray et Shepperton

Guerre / drame

94mn

UK

En Birmanie pendant la seconde guerre mondiale, un officier britannique, le capitaine Langford (Stanley Baker) décide de faire exécuter deux villageois innocents afin de faire parler un informateur et dans l’espoir de sauver son bataillon.

yesterdaysenemy1959En 1958, la Hammer est en plein boom gothique après le triomphe de « The Curse of Frankenstein » l’année précédente et la sortie de « Dracula » et de « The Curse of Frankenstein ». Néanmoins la firme ne s’est pas mise du jour au lendemain à ne plus produire que de l’horreur gothique (et pour être honnête ça n’a jamais été le cas). La production diversifiée de la Hammer comprenait notamment des films de guerre et cette fameuse année de 1958 a vu aussi le succès public de la comédie militaire « Up the Creek » ou encore de « The Camp on Blood Island », deux films signés par Val Guest.

« The Camp on Blood Island » a eu le droit à son lot de polémique. Certains ont cru y voir une tentative d’exploitation des crimes de guerre japonais pour faire un nouveau type d’horreur, et la presse britannique aussi bien que les officiels japonais ont été scandalisés.

La Hammer va en tout cas trouver le moyen de se rattraper en produisant un nouveau film de guerre qui sera présenté en première mondiale au Japon.

Tout commence le 14 octobre 1958 quand le producteur et fils du co-fondateur du studio, Michael Carreras voit à la BBC un téléfilm qui l’intrigue. « Yesterday’s Enemy » suit le dilemme moral d’un gradé britannique en Birmanie pendant la seconde guerre mondiale. A la tête d’un bataillon perdu dans la jungle, il va choisir de sacrifier la vie de deux villageois innocents pour faire parler un informateur et tenter de sauver son bataillon. Quand malgré tout, ils seront fait prisonniers par les Japonais, ceux-ci vont à leur tour utiliser le chantage pour recueillir des informations. Le téléfilm, audacieux, s’intéresse à la problématique de la morale en période de conflit et à la notion de crime de guerre.

Contrairement à « The Camp on Blood Island », ici les Japonais ne sont pas montrés comme étant plus cruels que les Britanniques. En temps de guerre, tout est-il pour autant permis ? Bien entendu le téléfilm avait soulevé la polémique à sa diffusion, certains y voyant une critique cinglante du comportement des officiers britanniques, mais globalement la presse l’avait bien accueilli.

Comme l’auteur du scénario, Peter R. Newman l’expliquera par la suite :

« Bien sûr que je ne suis pas anti britannique. D’un autre côté, je tiens à montrer que la guerre n’est pas vraiment un récit d’aventures tel qu’on peut en lire dans un magazine pour jeunes garçons. La question principale posée par le scénario est celle-ci : Est-ce que certaines injustices, qu’on appelle à défaut de meilleur terme des crimes de guerre, peuvent être défendus ? Le but justifie-t-il les moyens ? »

Carreras se rapproche alors de Newman qui est passé par l’armée et a fait les globe-trotters avant de tenter une carrière d’auteur de théâtre (tout en accumulant les petits boulots).  Un accord est rapidement trouvé, et Newman s’attelle à une nouvelle version du script pour la Hammer. Val Guest, un réalisateur tout terrain habitué du studio, n’interviendra pas cette fois-ci sur le scénario (ce qui est rare chez lui).

Au niveau du casting, certains acteurs au générique du téléfilm reprennent leur rôle comme Gordon Jackson et Burt Kwouk. Mais évidemment une tête d’affiche est requise et le choix se porte sur l’acteur viril gallois Stanley Baker qui s’était fait remarqué notamment au générique du thriller « Hell Drivers » (1957).

Le tournage a lieu aux studios Bray de la Hammer (pour la partie marécages), mais la Hammer se rend rapidement compte que le studio n’est pas adapté à la reconstitution réaliste d’un village dans la jungle. Les trois quarts du film seront donc tournés en un mois aux studios de Shepperton.

Le film, qui passe même haut la main devant les censeurs qui ne demanderont aucune coupure et lui attribueront un certificat A (recommandé aux adultes), aura un joli succès publique et critique, et cette fois-ci notamment au Japon et aux Etats-Unis.

Le résultat est en tout cas assez impressionnant. « Yesterday’s Enemy » est un film sauvage, sans pitié pour ses personnages.  On peut bien-sûr lui rapprocher son côté théâtral (que ce soit au niveau des dialogues ou des décors). On peut aussi trouver que la présence du prêtre et du journaliste, qui sont là pour incarner la société civile et sa vue morale de la guerre, est assez artificielle. Reste que la dénonciation de la vision romantique de la guerre est très efficace et la production de grande qualité.

Au niveau de la production, la Hammer a fait de toute évidence attention au moindre détail. On apprécie le réalisme (renforcé par le choix de ne pas utiliser de musique et des acteurs concernés par leur rôle) ainsi que la sobriété de la mise en scène de Val Guest. Malgré les décors de studio, le film vous projette sans mal dans la jungle, aux côtés des militaires britanniques.

« Yesterday’s Enemy » est probablement le plus grand succès critique de la Hammer, et pourtant le film est aujourd’hui largement oublié. Sony a néanmoins rendu hommage au film en sortant en 2009 un DVD UK de qualité comprenant une belle copie du film et un livret rédigé par Marcus Hearn, critique et historien du cinéma spécialiste de la Hammer. A noter que le DVD comprend également des sous-titres en anglais.

DVD zone 2 UK. Studio Sony Pictures Home Entertainment. Version originale avec des sous-titres anglais. Livret d’une dizaine de pages.