Une lecture libre, organique, épurée et inspirée du roman d’Emily Brontë autour d’une histoire d’amour sombre et cruelle

Wuthering Heights (2011)

(Les hauts de Hurlevent)

Réalisé par Andrea Arnold

Ecrit par Andrea Arnold et Olivia Hetreed d’après Emily Brontë

Avec Kaya Scodelario, James Howson, Shannon Beer, Solomon Glave, Paul Hilton, Lee Shaw,..

Direction de la photographie : Robbie Ryan / Production design : Helen Scott / Montage : Nicolas Chaudeurge

Produit par Robert Bernstein, Kevin Loader et Douglas Rae

Drame / Romance

129mn

UK / Belgique

Classique de la littérature anglaise, « Wuthering Heights » (Les hauts de Hurlevent) d’Emily Brontë fait partie de ces livres qui sont très régulièrement portés à l’écran (la première adaptation a été tournée en Grande-Bretagne en 1920). On pouvait être surpris à l’époque de voir la réalisatrice Andrea Arnold se pencher sur cette romance gothique après « Red Road » (2006) et « Fish Tank » (2011). Mais ce n’était pas forcément une mauvaise nouvelle tant on était en droit d’attendre une adaptation qui dérive du classicisme empesé qui accompagne parfois ce genre de productions.

« Wuthering Heights » raconte l’histoire d’un jeune bohémien recueilli par un fermier anglais, Earnshaw qui le baptise du nom d’Heathcliff. Ce dernier se rapproche de la fille, Cathy, mais doit subir le rejet et les humiliations du fils, Hendley. Quand Earnshaw meurt, la vie de Heathcliff devient un enfer. Cathy, de son côté, se rapproche d’Edgar Linton, un jeune homme d’une famille bourgeoise vivant à proximité.

On est propulsé dès le départ dans un monde organique, viscéral fouetté par les vents et la pluie du North Yorkshire. La ferme des Earnshaw est une maison de pierre rustique et sombre. Le film est divisé en deux parties presqu’égales entre la vie du jeune Heathcliff chez les Earnshaw, puis son retour quelques années plus tard pour revoir Cathy qu’il n’a pu oublier. Le moment des retrouvailles entre Cathy et Heathcliff est la seule scène baignée dans le soleil, court moment de bonheur dans cette histoire tragique.

Le cadrage est en 1/37, format académique guère courant de nos jours, mais ici utilisé à fort bon escient pour se recentrer sur les personnages et sur les détails. Les sublimes paysages merveilleusement photographiés s’en retrouvent cadenassés. La caméra est tenue à l’épaule, les bruits de l’environnement amplifiés, ce qui favorise une immersion un brin claustrophobe. On pourrait presque sentir les odeurs !

Andrea Arnold et Olivia Hetreed, sa co-scénariste, rognent l’histoire du roman jusqu’à l’os en se séparant des personnages, de pans entiers de l’histoire, des tonalités fantastiques du roman jusqu’au mode de narration (ici directe). A tel point que les amoureux du roman de Brontë peuvent se sentir trahis, et que ceux qui ne connaissent pas l’oeuvre peuvent être décontenancés par une narration en pointillés. Pourtant l’essentiel est bien là. Une histoire d’amour cruelle qui passe par l’innocence trompée, l’humiliation, la violence, la vengeance et… le vide.

Une histoire d’amour peu conventionnelle où les deux protagonistes sont tiraillés par leurs sentiments et se traitent avec une égale cruauté. Difficile par conséquent d’éprouver de la compassion pour deux personnages qui n’en ont guère. Que ce soit en 1847, date à laquelle Emily Brontë publie sous un pseudonyme masculin son premier roman, jusqu’à aujourd’hui, cette histoire garde, intact, son côté choquant et âpre. En cela, ce « Wuthering Heights » est probablement la plus fidèle à l’esprit du roman, même s’il s’en écarte d’un point de vue strictement formel.