Donald Cammell signe un thriller horrifique qui emprunte au Giallo mais y rajoute une touche lynchéene et existentielle.
White of the Eye (1987)
Réalisé par Donald Cammell
Ecrit par Donald Cammell et China Kong d’après le roman de Margaret Tracy
Avec David Keith, Cathy Moriarty, Alan Rosenberg, Art Evans, Alberta Watson,…
Directeur de la photographie : Larry McConkey
Musique : Nick Mason et Rick Fenn
Produit par Sue Baden-Powell, Cassian Elwes, Elliott Kastner et Brad Wyman
Horreur / thriller
Durée 111mn
UK
Dans un village perdu au sein du desert de l’Arizona, des femmes aisées sont assassinées sauvagement et mutilées. Paul White (David Keith), un génie de l’électronique, se retrouve sur la liste des suspects. Parallèlement, sa femme Joan (Cathy Moriarty) découvre qu’il la trompe.
Paul White est un petit génie de l’électronique capable de vous réparer n’importe quel système audio et de vous faire une installation aux petits oignons en fonction de votre espace. Il sent le son, il le vit. Et des clients il en a, car s’il vit dans un coin paumé de l’Arizona, la communauté accueille des gens aisés.
Son petit monde s’écroule quand il se retrouve parmi les suspects pour une histoire de meurtres horribles de jeunes femmes. Sa vie se retrouve alors scrutée et ses infidélités sont révélées. Son adolescence placée sous le signe de la délinquance refait surface. Et son amour de la chasse devient également douteux.
Par coups de flashbacks, on assiste à la rencontre entre Paul et sa future femme Joan, et on fait la connaissance d’un troisième larron Mike (Alan Rosenberg), petit ami de Joan jusqu’à ce que Paul débarque dans la vie du couple venu tout droit de New York et interrompt leur road trip vers la côte est.
Paul est-il coupable de ces crimes odieux ? Où alors Joan se venge-t-elle de son mari en massacrant ses maitresses ? Encore que ce Mike n’a pas l’air très net…
Autant le dire tout de suite, le film ne brille pas par son suspense. D’autant que la construction narrative est volontairement hachée, déstabilisante (tout comme cet étrange commissaire), avec des bouts de scènes qui pourraient relever plus du rêve que de la réalité – donnant un côté indiscutablement lynchéen au film. Par contre cette construction renforce son ambiance bien particulière. Evidemment le son a une grosse importance dans le film. Les paysages arides de l’Arizona (superbement filmés) avec en fond sonore la musique composée par le Pink Floyd Nick Mason et Rick Fenn font leur effet. Dans cette immensité désertique, la petite ville et ses résidences privées ultra luxe paraissant déplacées, sortir d’un autre monde. Paul lui semble à l’unisson avec ce décor sauvage.
La fin, spectaculaire et sur fond de musique wagnerienne, se discute. Mais après tout, on est dans un film de genre porté par le regard d’un auteur. Je ne vois pas la fin comme une concession commerciale au spectaculaire mais comme une apothéose visuelle et sonore à un délire somme toute assez ambitieux.
Film sur le désir inné chez l’homme de laisser sa marque mais aussi sur ses relents d’auto-destruction (ce qui n’est pas forcément contradictoire !), « White of the Eye » est un film, certes parfois maladroit, mais qui marque suffisamment pour qu’on essaie d’aller au-delà de ses apparences.
« White of the Eye » est le troisième et avant-dernier film de Daniel Cammell, un réalisateur écossais dont le titre de gloire reste d’avoir co-écrit et co-réalisé le classique « Performance » (1970) avec Nicolas Roeg. Après cela, en vingt six ans, il n’a tourné que trois autres longs, dont le dernier « Wilde Side » a été massacré en post-production. Une véritable tragédie pour Cammell qui conduira apparemment à son suicide en avril 1996.
Pour la petite histoire, signalons que Marlon Brando, ami de Cammell (avec qui il a eu plusieurs projets de films avortés) a écrit à la commission de censure américaine pour que le film se voit attribuer un R plutôt qu’un X qui aurait fortement limité son exposition en salles.
Blu-ray UK. Studio Arrow (2014). Version originale sous-titrée en anglais. Nombreux bonus.