Un film étrange, poétique et cruel. Une mise en abîme des sentiments humains et de la sexualité
Under the Skin (2013)
Réalisé par Jonathan Glazer
Ecrit par Walter Campbell d’après le roman de Michel Faber
Avec Scarlett Johansson, Paul Brannigan,…
Directeur de la photographie : Daniel Landin
Produit par Nick Wechsler et James Wilson
Science fiction
108 mn
UK / USA / Suisse
Une extraterrestre (Scarlett Johansson) arrive sur Terre pour séduire des hommes avant de les faire disparaître.
Ex réalisateur de clips pour Radiohead et Blur, Jonathan Glazer s’était fait un nom dans la réalisation avec son premier long « Sexy Beast » (2000), un thriller noir qui a acquis un petit statut culte et a valu un regain d’intérêt envers Ben Kingsley, acteur britannique très doué marqué par son rôle dans « Gandhi » mais qui s’est perdu dans des rôles insignifiants et un cabotinage éhonté.
Depuis, Glazer s’est fait discret, a sorti le thriller paranormal « Birth » (2004), loin d’être inoubliable, avec Nicole Kidman et depuis c’est le silence total. Il revient aujourd’hui avec un projet très personnel qui est resté en gestation pendant dix ans « Under the Skin ».
Le script, adapté librement d’un roman de Michel Faber, a été maintes fois revu.
L’idée de voir la star américaine Scarlett Johansson parcourir l’Ecosse en femme fatale extraterrestre avait de quoi intriguer. Depuis sa sortie, « Under the Skin » fait débat. Nombre de spectateurs reprochent au film sa longueur, son opacité et sa dureté.
En effet, « Under the Skin » est à la limite du film expérimental. Rien n’est fait pour faciliter l’accessibilité. Jonathan Glazer favorise les longs plans, limite les dialogues au maximum, insère des scènes difficiles voir insoutenables (celle de la noyade en bord de la mer), sous-entend son intrigue et laisse la porte ouverte à de nombreuses interprétations.
Tout est centré autour du personnage de l’extra-terrestre incarnée par Scarlett Johansson. Ou plus exactement la réalité est vue à travers ses yeux, sans filtre. A priori dépourvue de sentiments, on sent au fil du film que la réalité est plus complexe. Ses relations avec les hommes (et les femmes de manière plus indirecte) rencontrés nous propose aussi une vision (a priori) dure et froide de l’humanité, de ses sentiments, du désir sexuel.
Scarlett Johansson est admirable dans ce rôle. Un vrai tour de force. A la fois vénéneuse et sensible, belle et laide,… Elle est tout et son contraire.
« Under the Skin » est un drame métaphysique sur la condition humaine plus qu’un film de science fiction tel qu’on le conçoit habituellement. D’ailleurs Jonathan Glazer s’est efforcé d’écarter tous les écueils du genre, à commencer par l’excès d’effets spéciaux, la présence de gadgets futuristes ou des explications fumeuses et pseudo scientifiques sur l’ordre galactique. Les scènes d’assimilation où les proies sont avalées puis digérées par une substance noire pour nourrir une quelconque matrice font plus penser à des scènes de danse contemporaine qu’à un film de SF.
Le film propose dans sa globalité un univers très particulier avec une maitrise de l’image, du son et de la narration que je trouve remarquables.
Osé, déstabilisant, sujet à de nombreuses interprétations, mais le résultat est implacable. Soit vous rentrez dans le film, commencez à comprendre l’évolution du personnage, soit vous vous désintéressez de son sort et de son mode de pensée, et là le film devient assez insupportable. Bref, un film à adorer ou à détester mais d’une poésie noire à apprécier pour le coup sur grand écran.