L’excentricité et les excès des années 70 dans un opéra rock déjanté porté par l’inventivité visuelle de Ken Russel et un casting all star
Tommy (1975)
Réalisé par Ken Russell
Ecrit par Ken Russell d’après l’opera rock de Pete Townshend
Avec Roger Daltrey, Ann-Margret, Oliver Reed, Elton John, Robert Powell, Keith Moon, Jack Nicholson, Tina Turner, Eric Clapton,…
Direction de la photographie : Dick Bush et Ronnie Taylor / Direction artistique : John Clark / Montage : Stuart Baird
Produit par Ken Russell et Robert Stigwood
Drame / Musical
111mn
UK
Tommy (Roger Daltrey) est né le jour de la victoire le 7 mai 1945. Son père (Robert Powell), pilote d’avion, est porté disparu pendant un raid. Mais alors que sa mère Nora (Ann-Margret) s’installe avec Frank (Oliver Reed), son père ré-apparait et suite à une dispute est tué par Frank devant les yeux de Tommy. Suite au choc, celui-ci devient aveugle, sourd et muet.
Si les années 70 sont plutôt mornes pour le cinéma britannique avec une chute drastique de la production, elles n’ont pas empêché Ken Russuel de produire huit films sur la période (dont trois en 1971 !). Il signe « Tommy » entre deux biographies de compositeurs célèbres : « Malher » (1974) et « Lisztomania » (1975).
Adapter l’opéra rock des Who, « Tommy » (leur quatrième album sorti en 1969) est l’idée du producteur australien Robert Stigwood. Ce dernier, également impressario (notamment de « Cream » et des Bee-Gees), avait déjà produit avec succès un autre opéra rock, « Jesus Christ Superstar » (1973). Et il continuera dans les films musicaux avec pas moins que « Grease » (1977), « Saturday Night Fever » (1978) et « Stayin’ Alive » (1983) !
« Tommy » est un très gros succès à l’époque de sa sortie. Il faut dire que l’album dont est tiré le film était celui qui a fait explosé la carrière des Who et s’est vendu (à date de 2012) à 20 millions d’exemplaires. Et que le casting est composé de nombres de stars du rock de l’époque : Tina Turner (assez incroyable dans son rôle d’Acid Queen !), Elton John (inoubliable en pinball wizard !) sans parler d’Eric Clapton en prêtre rockeur !
Dans le rôle de la mère, le producteur a la bonne idée d’aller chercher la suédoise Ann-Margret, actrice, chanteuse et sex symbol des années 60. Ann-Magrett convainc par son énergie, ses qualités de chanteuse et sa resistance (Ken Russell lui impose quand même un bain de « baked beans » et de chocolat !). Dur, dur pour Oliver Reed, pas vraiment un chanteur né, de pousser la chansonnette, et d’être au niveau de ses partenaires d’écran. L’enregistrement de ses parties chantées se révélera un vrai calvaire ! Dans un petit rôle, Jack Nicholson, autre acteur peu connu pour ses qualités vocales, s’en tire heureusement apparemment bien mieux.
Dans le rôle principal, le chanteur des Who, Roger Daltrey, a ce qu’il faut de charisme pour justifier le choix de lui laisser prendre le rôle principal dans l’adaptation cinématographique même s’il s’agit de son premier rôle au cinéma. Ken Russell sera d’ailleurs suffisamment satisfait du résultat pour lui proposer le rôle principal dans son film suivant « Lisztomania ». Dans un genre différent, on l’a également vu dans le rôle titre du film criminel « McVicar » (1980) qu’il produira également.
Le pitch du film peut laisser perplexe (même pour un film des années 70). Et si déjà l’album des Who proposait une histoire assez incroyable, on ne peut pas dire que Ken Russell l’ait assagi. Non que ça soit son genre d’ailleurs ! « Tommy » est une merveilleuse capsule temporelle dans l’exentricité et les excès des années 70… C’est parfois un peu long, pas toujours facile à suivre, mais que ce soit au niveau musical ou visuel, le film démontre une sacrée inventivité.
On peut difficilement parler de comédie musicale même si tout le film est chanté (ou presque). « Tommy » est un portrait assez impitoyable d’un jeune garçon abusé et maltraité (notamment sexuellement par un oncle pervers incarné à l’écran par… Keith Moon, le batteur des Who). Même si Tommy trouvera une certaine rédemption grâce au flipper, ça ne sera que de courte durée.
A noter pour ceux qui sont intéressés par les Who et les opéra rock ou tout simplement les bons films, que l’adaptation cinématographique de « Quadrophenia » (1979) est fortement recommandable.
Blu-ray Sony Pictures (2010). Version originale avec des sous-titres français.