Une perle du film noir britannique signée Alberto Cavalcanti avec un Trevor Howard magistral. Brutal, sombre et haletant.

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They Made Me a Fugitive (1947)

(Je suis un fugitif)

Réalisé par Alberto Cavalcanti

Ecrit par Noel Langley d’après le roman de Jackson Budd

Avec Trevor Howard, Sally Gray, Griffith Jones, René Ray, Jack McNaughton,…

Directeur de la photographie : Otto Heller

Musique : Marius-François Gaillard

Produit par Nat A. Bronstein

Tourné aux studios Alliance, Hammersmith (Londres)

Crime

101mn

UK

Londres, 1947. Clem Morgan (Trevor Howard), ex-pilote de la Royal Air Force, s’associe à des trafiquants du marché noir. Après guerre, le rationnement profite aux trafics en tous genres. Mais la conscience morale de Morgan déplaît à Narcy (Griffith Jones), le meneur des malfrats qui cachent la marchandise dans des cercueils. Trahi par la bande, Morgan se retrouve en prison d’où il s évade pour prendre sa revanche.

jesuisunfugitif1947« They Made me a Fugitive » est l’un des derniers films britanniques d’Alberto Cavalcanti où il s’est installé entre 1933 et 1950. Pendant cette période il aura une influence remarquable sur le cinéma britannique à travers sa participation au GPO Film Unit puis aux studios Ealing. En 1946-47, il claque la porte des studios Ealing et signera encore trois films avant de repartir pour le Brésil en 1950.

« They made me a Fugitive » est un film noir sans concession sur l’immédiat après-guerre.

Alors que la paix est revenue, le crime est lui florissant grâce au terreau du rationnement. Le marché noir bat son plein. Le mafieux Narcy (Griffith Jones), avec son apparence de gentleman tiré à quatre épingles, est de ceux qui exploitent le système pour s’enrichir. Derrière la couverture de son magasin de pompes funèbres, il transporte des cercueils remplis d’alcool, de bas ou encore de cigarettes. Le début du film a un ton proche de la comédie noire à la sauce Ealing, quand on voit les croque-morts rentrer le cercueil dans l’échoppe sous l’oeil bienveillant d’un policier, une vieille dame digne qui ouvre la porte… pour s’apercevoir quelques instants plus tard que leur commerce n’a rien d’honnête.

Parallèlement, l’ancien pilote de la prestigieuse Royal Air Force, Clem Morgan (Trevor Horward) trouve quelques difficultés à revenir à la vie civile. Il peine à survivre et se noit dans l’alcool. Aussi quand Narcy lui propose de participer à son trafic, il met sa morale de côté et accepte. Mais les tensions entre les deux hommes naissent bientôt quand Clem se rend compte que Narcy transporte aussi occasionnellement de la drogue et qu’il lorgne sur sa petite amie.

Narcy va alors tendre un piège à Clem pour s’en débarrasser. Mais quand Sally (Sally Gray) l’ex-petite amie de Narcy va voir Clem en prison et lui avoue que Narcy lui a tendu un piège et sort désormais avec sa compagne, son sang ne fait qu’un tour, et il ne tarde pas à organiser son évasion.

Trevor Horward (qui ici signe l’un de ses plus beaux rôles même s’il ne fait pas du tout les 27 ans qu’est supposé avoir le personnage !) campe un homme blessé et trahi qui a soif de revanche. Clem n’est cependant pas le héros tout blanc de l’histoire. Même si dans une scène surréaliste et incroyablement noire, il refuse de tuer le mari de la femme chez qui il s’est réfugié (« Je ne suis pas un assassin »), on le sent sur le fil du rasoir. L’envie de revanche fait ressortir sa brutalité. Clem veut que le sang coule.

Des scènes mémorables, une tension omniprésente… « They Made me a fugitive » est une perle du film noir à la brutalité sans concession. Le tout est saupoudré d’humour noir à froid qui ne fait que ressortir davantage la cruauté de l’ensemble. La romance entre Clem et Sally elle-même semble toxique.

Cavalcanti utilise tous ses talents de documentariste et de mise en scène de fiction pour rendre la traque de Clem réaliste et haletante (Le film bénéficie en outre de la superbe photographie noir et blanc d’Otto Heller).

Notons que la copie éditée par Doriane Films aurait pu bénéficier d’un nettoyage, le film mériterait en effet une vraie restauration. Néanmoins à ce jour (septembre 2016) celle-ci n’a pas encore eu lieu (les éditions blu-ray US et espagnoles utilisent apparement la même source), et on ne peut que saluer le travail d’édition de Doriane Films qui met ici à portée du public français un film rare et passionnant.

DVD zone 2 FR. Studio Doriane Films (2013). Version originale sous-titrée en français. Livret de Philippe Pilard.