Un très beau drame social, en avance sur son époque, qui offre à l’acteur afro-américain Paul Robeson sa plus belle prestation à l’écran… dans les mines galloises !

The Proud Valley (1940)

Réalisé par Pen Tennyson

Ecrit par Pen Tennyson, Jack Jones et Louis Golding

Avec Paul Robeson, Edward Chapman, Simon Lack, Rachel Thomas, Janet Johnson, Dilys Thomas,…

Direction de la photographie : Roy Kellino et Glen MacWilliams / Direction artistique : Wilfred Shingleton / Montage : Ray Pitt

Produit par Michael Balcon pour CAPAD et Ealing Studios

Drame / Musique

76mn

UK

Sa voix de basse profonde et très expressive a permis à l’afro-américain Paul Robeson (1998-1976) d’atteindre une popularité mondiale. Ancienne star du football américain et diplômé de l’université de New York, il a finalement renoncé à une carrière d’avocat à cause du racisme, pour se consacrer à la chanson. Défenseur très actif des droits civiques et sociaux, il ne se fera pas que des amis outre-atlantique, et sera mis au banc de la société américaine dans les années 50 pour ses convictions socialistes.

Il fait sa première apparition sur les écrans américains de cinéma à l’époque du muet avec « Body & Soul » (1925) et jouera quelques rôles dans les années 30 mais il sera rapidement dégouté par le milieu du cinéma et les rôles indigents qu’on lui proposait.

Fasciné par l’Irlande et la Grande Bretagne où il donne de nombreux concerts, il finira par tourner une poignée de films en Grande-Bretagne en tête d’affiche dont le plus intéressant est sans nul doute ce « The Proud Valley », tourné au tout début de la seconde guerre mondiale.

Retrouver un afro-américain dans les mines du pays de Galles peut surprendre ! Pourtant, Robeson avait déjà un lien fort avec les mineurs gallois. Dans les années 30, une délégation de grévistes alors en lutte contre le propriétaire d’une mine, avaient fait le déplacement à pied jusqu’à Londres pour le rencontrer à l’occasion de l’un de ses concerts dans la capitale. Après le spectacle, attiré par les chants en gallois à la sortie du théâtre, Robeson discute avec les mineurs et décide de faire jouer ses relations pour faire livrer de la nourriture aux familles.

Un épisode à mettre en parallèle avec le scénario de « The Proud Valley » où Paul Robeson incarne David, un américain qui a débarqué en Angleterre d’un navire marchand et décide d’aller chercher du travail au pays de Galles. A peine arrivé dans un village minier, sa voix le fait remarquer par Dick Parry (Edward Chapman) mineur et chef de chorale. Pour l’inciter à rester dans le village, Parry l’accueille chez lui et lui trouve un boulot dans la mine. David sera témoin de la vie difficile des mineurs, des accidents tragiques et des luttes sociales de longue haleine.

Drame social avant l’heure, « The Proud Valley » offre enfin à Robeson un rôle à sa mesure, où finalement la couleur de peau est loin d’être une question centrale. Le sujet est balayé avec ironie en deux/trois répliques au début du film. Robeson incarne ici une figure sympathique et héroïque, débordant d’humanité. Bien sûr on l’entend chanter mais ce n’est pas au détriment de l’histoire. Alors évidemment, vous ne verrez aucune romance entre David et une jeune galloise (le premier baiser inter racial sera filmé côté britannique dans « Pool of London » en 1951).

Robeson transperce l’écran dans ce drame social produit par Michael Balcon (Ealing Studios) où on retrouve l’intérêt du producteur pour le combat des petites communautés contre les plus grands. Dans un parallèle avec l’histoire que je vous ai racontée plus haut, David accompagne les mineurs dans une marche vers Londres pour persuader les autorités de rouvrir la mine.

En 1954, les mineurs gallois invitèrent Robeson pour un festival de chant. Mais celui-ci ne pu s’y rendre, car le gouvernement lui avait confisqué son passeport. Un concert trans-atlantique fut alors organisé par les gallois en soutien à Robeson (vous pouvez entendre l’introduction émouvante au concert dans les suppléments du blu-ray Studio Canal).

« The Proud Valley », tourné entre le pays de Galles et les studios Ealing, est un bel exemple de cinéma progressiste et en avances sur son temps… à des années lumières de ce qui pouvait être fait à l’époque dans le cinéma américain.

NB : si vous voulez en savoir plus sur la personnalité et le parcours hors normes de Paul Robeson je vous recommande l’ouvrage « Paul Robeson » de Gerald Horne (traduit aux éditions Otium)

Blu-ray UK. Edition Studio Canal, collection « Vintage Classics ». Version originale avec des sous-titres optionnels. Bonus (non-sous titrés)  : « Paul Robeson and the Proud Valley », interview de l’acteur David Harewood,..