Un drame social typique de Ken Loach qui scrute à hauteur de travailleur l’impact de la privatisation des chemins de fer britanniques sur les cheminots et où l’humour et la camaraderie cèdent bientôt la place au drame

The Navigators (2001)

Réalisé par Ken Loach

Ecrit par Rob Dawber

Avec Dean Andrews, Thomas Craig, Joe Duttine, Steve Huison,…

Direction de la photographie : Barry Ackroyd et Mike Eley / Production Design: Martin Johnson / Montage : Jonathan Morris / Musique : George Fenton

Produit par Rebecca O’Brien

Drame / Social

92mn

UK / Allemagne / Espagne

A Sheffield, dans le Yorkshire, un groupe de cheminots chargé de la maintenance des voies ferroviaires doit faire face à la privatisation de British Rail. Le dépôt où ils travaillent est pris en charge par une société privée. On leur explique qu’il va falloir être plus compétitif et que leurs anciens collègues sont désormais leurs concurrents. Évidemment, cette privatisation va impacter sur leur vie professionnelle et personnelle.

« The Navigators » se penche sur les conséquences de la privatisation de British Rail amorcée en 1994 par le premier ministre conservateur John Major. L’entreprise publique était l’une des inventions socialistes issues de l’après-guerre, résultant de la nationalisation en 1948 des quatre principales compagnies de chemin de fer alors en activité (The Big Four).

Bien entendu et comme toujours chez Loach, on reste au plus près des victimes du libéralisme. On suit une poignée d’hommes au quotidien, leurs relations avec leurs ex et nouveaux collègues et patrons, le passage par les agences de travail intérimaire, les journées ou semaines de non emploi et l’impact sur leurs familles.

La libéralisation entraine évidemment une instabilité accrue pour les travailleurs. Ils peuvent éventuellement gagner plus (certains semblent s’adapter parfaitement aux nouvelles conditions) mais ils perdent en avantages sociaux, doivent apprendre à dire oui à tout (même les mesures et ordres les plus absurdes), renoncer à l’esprit d’équipe (la cantoche du dépôt qui symbolise la fraternité des travailleurs se désertifie au long du film jusqu’à ce que le syndicaliste de service se retrouve à jouer aux échecs face à lui-même). Mais surtout ils vont devoir faire l’impasse sur les règles de sécurité afin de tenir les délais et le budget.

L’humour n’est pas absent à travers l’esprit de camaraderie qui unie les cheminots  mais « The Navigators » est l’un des films sociaux les plus sombres de Loach. Le drame à la fin du film montre que le prix à payer pour les travailleurs est bien trop élevé et que la solidarité entre travailleurs est brisée.

Ken Loach fait ici une infidélité à Paul Laverty, son scénariste habituel depuis « Carla’s Song » (1996) et qui l’est encore aujourd’hui en 2019.  Mais c’est pour la bonne cause car Loach laisse ici la parole à quelqu’un qui a vécut le traumatisme de la privatisation de l’intérieur. « The Navigators » est le seul scénario de Rob Dawber, qui travaillait dans l’industrie des chemins de fer et avait soumis l’idée à Ken Loach. Ce dernier se montra intéressé par le projet et Dawber livra un scénario complet à Loach. Malheureusement, Dawber ne verra jamais le film, il est mort d’un cancer à l’âge de 45 ans, quelques mois avant sa sortie en 2001. Dawber recevra un BAFTA à titre posthume.

DVD zone 2 FR. Studio Paramount (2002). Version originale sous-titrée en français et version française. Bonus : Documentaire : « Railing Against It » (25′)