Une comédie dramatique acide, pas seulement sur le système de santé, mais sur l’ensemble de la société britannique des années 70.
The National Health (or Nurse Norton’s affair) (1973)
Réalisé par Jack Gold
Ecrit par Peter Nichols d’après sa pièce
Avec Lynn Redgrave, Colin Blakely, Eleanor Bron, Donald Sinden, Jim Dale, Bob Hoskins,…
Directeur de la photographie : John Coquillon / Montage : Ralph Sheldon / Production design : Ray Simm / Musique : Carl Davis
Produit par Terry Glinwood et Ned Sherrin pour Virgin Films
Comédie
UK
Edward (Colin Blakely), un alcoolique qui a perdu la mémoire arrive dans un hôpital londonien. Il y est installé dans une salle anonyme où d’autres patients attendent d’être soignés… ou de mourir.
Le film débute par la venue d’un nouvel arrivant dans un grand hôpital, aussi vénérable que sinistre, de Londres. Un personnage perdu, au visage aviné, qui se retrouve contre son grè à l’hôpital. Il est installé dans une salle où d’autres patients l’accueillent sans enthousiasme. Un qui arrive (un alcoolo), un autre qui part (un jeune motard qui s’est remis de son accident), c’est après tout le lot quotidien d’un hôpital. Les infirmières ont l’air désabusé et peu intéressés par le sort de leurs patients (« pour moi ils se ressemblent tous » lance l’une d’entre elle). Une vieille dame au visage poudré à l’excès et habillée comme pour la messe passe de lit en lit pour répandre la bonne nouvelle : « Dieu a donné son fils pour nous ».
Un aide soignant, rigolard, allume la télé. Soudain arrive à l’écran le générique d’un soap intitulé « Nurse Norton’s Affair ». Dans un hôpital ultra moderne, de jeunes et beaux docteurs y vivent des histoires d’amour intense et de confrontation professionnelle sur fond de lutte raciale (l’infirmière noire est amoureuse d’un chirurgien blanc dont le père, qui se trouve être le responsable de l’hôpital désavoue cette relation naissante. Parallèlement, il doit faire face à un jeune chirurgien brillant qui a l’audace d’être noir également… On frôle le complot des sales « nègres » contre l’élite blanche, non de diou !).
A partir de cet instant nous allons suivre deux histoires en parallèle. Les membres du personnel soignant désabusés dans la réalité / survitaminés et sexualisés dans la fiction sont joués par les mêmes acteurs (Lynn Redgrave, Eleanor Bron, Jim Dale,…). Les patients eux restent dans la morne réalité du service hospitalier britannique. Faut pas déconner non plus !
Parfois cette double histoire peut sembler confuse – mais elle est très drôle. La différence entre les deux univers est très appuyée stylistiquement. Dans la fiction, les effets dramatiques sont sur interprétés par les acteurs et appuyés par une musique grandiloquente. Ca peut agacer mais je trouve ça plutôt réussi. C’est tout à fait dans le style soap et c’est l’intention.
Dans la réalité, les patients tous différents, pas forcément aimables non plus d’ailleurs, montrent les symptômes de la société dans laquelle ils vivent. Ils expriment des vices plus insidieux mais très réels : le racisme ordinaire, la sexualité déviante, la réconciliation impossible entre des opinions politiques radicaux et opposés,…
Le National Heatlh Service (NHS) est une institution britannique. La santé gratuite pour tous, voilà une excellente idée ! Dans les faits, ça fait longtemps que le service de santé britannique fait l’objet de toutes les polémiques contradictoires (encensé par les uns, dénoncé par les autres). Son manque de moyen est par contre légendaire, et comme on le sait l’argument d’arrêter de payer l’UE pour plutôt financer le service de santé britannique a été utilisé comme argument massue par les pro-Brexit. Avec une bonne dose de mauvaise foi !
« The National Health » est une pièce écrite par Peter Nichols et qui été jouée au National Theatre alors dirigé par Laurence Olivier. Joli succès théâtral, il était donc relativement logique qu’elle se voit portée à l’écran… Même si dans les années 70 le cinéma britannique n’était pas en grande forme et que le sujet très britannique laissait présager peu de succès à l’export.
Le film, comédie dramatique amère sur le service de santé mais aussi dénonciation virulente du conservatisme et des vices de la société britannique des années 70, a heureusement plu aux critiques et au public britanniques. Le réalisateur Jack Gold, plutôt réputé pour son travail à la télévision (notamment le classique « The Naked Civil Servant », un téléfilm de 1975 avec John Hurt), signe une transposition réussie de la pièce à l’écran (le passage constant de la réalité à la fiction, sans transition, est un procédé très cinématographique). Et l’interprétation est excellente, ce qui est toujours clé dans la réussite d’un film !
« The National Health », longtemps introuvable (sauf dans une édition DVD zone 1, comble de l’ironie) vient d’être édité par le très bon éditeur britannique Powerhouse Films en édition limitée combo blu-ray DVD. On a droit à des sous-titres anglais, un livret d’une trentaine de pages et quelques bonus intéressants (mais non sous-titrés). Pour le trouver en France, c’est une autre histoire ! Il faut passer par des sites en ligne basés au UK comme zavvi.com, amazon.co.uk ou directement près de l’éditeur (powerhousefilms.co.uk)
Combo Blu-ray/DVD UK. Studio Powerhouse Films (2017). Edition limitée à 3000 exemplaires. Bonus : livret de 32 pages, interview avec Peter Nichols (24 mn), commentaire audio avec l’acteur Jim Dale et le journaliste Nick Pinkerton.