Un excellent film de propagande, porté par Leslie Howard, qui raconte la vie (romancée) de l’inventeur de l’avion de chasse le plus connu de la seconde guerre mondiale, le Spitfire. 

The First of the Few (1942)

Réalisé par Leslie Howard

Ecrit par Miles Malleson et Anatole de Grunwald

Avec Leslie Howard, David Niven, Rosamund John, Roland Culver, Anne Firth,…

Direction de la photographie : Georges Périnal / Direction artistique : Paul Sheriff / Montage : Douglas Myers / Musique : William Walton

Produit par Leslie Howard

Guerre

118mn

UK

Au début de la seconde guerre mondiale, l’officier Geoffrey Crisp (David Niven) se souvient, devant des pilotes de spitfires, de la vie de son ami, l’inventeur du célèbre avion de chasse, R.J. Mitchell (Leslie Howard).

A la fois réalisateur, producteur et acteur principal de ce biopic, Leslie Howard, alors figure célèbre du théâtre et du cinéma des deux côtés de l’Atlantique (nomminé deux fois aux Oscars, notamment pour « Pygmalion » qu’il a co-réalisé), est le maitre d’oeuvre de ce film de propagande très abouti. Si les films de l’époque mettant en exergue la marine britannique sont légion, ceux rendant hommage à la RAF sont moins courants. Et même si la période de la guerre est représentée au début et à la fin du film, on a affaire ici principalement à un long flashback qui rend hommage non à un militaire mais à un ingénieur en aéronautique dont l’invention, le Spitfire, a joué un rôle majeur dans la maitrise du ciel pendant la guerre.

Au sein de la société Supermarine, basée à Southampton, RJ Mitchell a conçu plusieurs hydravions innovants pour la compétition du trophée Schneider (qu’il remportera, ce qui lui apportera la célébrité et un CBE) avant de se consacrer à la conception du Spitfire dont il terminera la deuxième version, qui fera l’objet d’une commande gouvernementale en 1936, un an avant sa mort.

Afin de créer un biopic qui attire les foules et d’ériger R.J. Mitchell en héros national, Howard revendique une licence artistique qui l’amène à romancer la vie de Mitchell et de ses compagnons. Le personnage de Crisp, fidèle ami, playboy et pilote d’essai pour Mitchell (incarné par la star David Niven), est une pure invention. Dans le film, Mitchell s’est lancé dans le projet du Spitfire suite à un voyage en Allemagne qui lui a ouvert les yeux sur la volonté de revanche belliqueuse des Allemands (il s’est rendu en Allemagne dans les années 30, pour le reste…), son caractère est adouci par rapport à la réalité (il pouvait être très colérique), il semble presque porter l’invention du Spitfire sur ses seules épaules (la réalité est plus collaborative)… Enfin Mitchell n’est pas mort d’épuisement en voulant achever la construction du Spitfire dans les temps, mais d’un cancer.

« D’un scientifique acharné et rigoureux, on en vient à un visionnaire romantique, une image certainement très éloignée de ce que fut cet homme » écrit Francis Rousselet dans « Et le cinéma britannique entra en guerre… » (Cerf-Corlet, 2009). « Mais le résultat recherché par Leslie Howard, le patriote, était atteint : susciter l’adhésion émotionnelle du public britannique pour un héros national ».

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en tant que film de propagande mais aussi film de divertissement, « The First of The Few » est une très grande réussite. Il y a des images impressionnantes de vol, une reconstitution convaincante et luxuriante, des personnages forts (dont celui de Crisp qui permet d’apporter une légèreté au récit,….),… Les hésitations du gouvernement d’avant guerre à se lancer dans l’innovation aéronautique sont aussi largement dénoncées (le Spitfire a été en partie développé grâce à des fonds privés…). Encore une fois on en sort estomaqué par la vivacité d’un cinéma produit dans un pays alors en pleine guerre ! Et le public fut conquis, « The First of the Few » étant le plus gros succès britannique de 1942.

Le titre anglais « The First of the Few » fait référence à une fameuse citation de Churchill, rappelée en toute fin du film « Never in the field of human conflict was so much owed by so many to so few » (ce qui pourrait se traduire approximativement : « Jamais dans un conflit, la masse n’a dû son salut à un aussi petit nombre de héros »).  Le producteur américain Samuel Goldwyn qui avait  David Niven sous contrat avant que celui-ci décide de repartir en Grande-Bretagne pour aider à l’effort de guerre dès 1939, fut apparement scandalisé que Niven ne soit pas l’acteur principal du film. La version américaine rebaptisée « Spitfire » a en tout cas été raccourcie d’une vingtaine de minutes.

« The First of the Few » a aussi une signification particulière dans la carrière et la vie de Leslie Howard. Il s’agit de sa dernière apparition à l’écran car il mourra en 1943 à l’âge de 50 ans quand la Luftwaffe descendra l’avion civil dans lequel il voyageait. Leslie Howard était-il visé directement ? Le mystère reste entier.

A noter qu’à l’heure où j’écris ces ligne (automne 2023), « The First of the Few » est disponible sur la plateforme de VOD Netflix France.