Mini série sur un chef mafieux confronté à la maladie d’Alzheimer. Une interprétation puissante de Peter Mullan.

The Fear (2012) avec Peter Mullan

The Fear (2012)

Minisérie créée et écrite par Richard Cottan

Réalisé par Michael Samuels

Avec Peter Mullan, Anastasia Hille, Harry Loyd, Paul Nicholls, Richard E Grant,…

Directeur de la photographie : Gavin Finney

Diffusion sur Channel 4 en décembre 2012

4 épisodes de 45 mn

UK

Richie Beckett (Peter Mullan) est un entrepreneur mafieux qui règne sur Brighton depuis de longues années. Devenu quasiment respectable, il  monte un projet ambitieux de reconstruction du pier en ruine avec  le maire et le chef de la police. Mais l’un de ses deux fils part à la dérive et se fait piéger par la mafia albanaise bien décidée à renverser le « roi ».

L’action de la mini série se situe intégralement à Brighton, ville balnéaire au sud de Londres, destination de villégiature et de débauche pour les londoniens fêtards qui viennent s’y encanailler (« the naughty Brighton »). La ville est encore dans les mémoires pour avoir été le lieu d’affrontements violents entre les rockers et les mods pendant les années 60 (je vous recommande sur le sujet l’excellent « Quadrophenia« ).

Quand on parle de guerre des gangs à Brighton, on pense forcément à « Brighton Rock« , film noir culte de 1947 signé par les frères Boulting.  Pour les cinéphiles, la ville de Brighton est donc un terrain connu et « The Fear » s’attaque à un mythe !

De fait, Brighton est un écrin magnifique, avec la carcasse de son pier calciné, ses plages de galet et ses falaises de craies blanches, pour un héros aussi tragique que Richie Beckett. En quatre épisodes de 45 mn (trois heures au total), « The Fear » dresse un portrait poignant d’un homme qui perd le contrôle de sa vie.

Finalement cette histoire de guerre des gangs (avec ses mafieux albanais très méchants et très caricaturaux) est un prétexte. Quoi de mieux pour mettre en scène la perte de contrôle due à une dégénérescence mentale (la maladie d’Alzheimer), que justement de la montrer via un homme qui a fait du pouvoir et du contrôle l’essence même de sa vie.

Richie perd lentement mais sûrement le contrôle de sa vie et on finit par avoir de l’empathie pour ce « vieux salopard » comme le qualifie lui-même l’acteur Peter Mullan (My Name is Joe, 1998) quand on lui demande de parler de son personnage. Et justement la réussite de la mini série doit beaucoup à l’acteur Peter Mullan, magnifique dans ce rôle shakespearien. Son interprétation est à couper le souffle !

Il serait pour autant injuste d’oublier le reste des personnages portés par un excellent casting. Car Richie c’est également un mari et un père, et la tragédie vécue par la famille Beckett est le coeur de l’intrigue. La pas si innocente femme de Richie reconvertie en galeriste d’art, Joe (Anastasie Hillie), et ses deux fils le calculateur Matty et le chien fou Cal sont aux premières loges, et jouent un rôle déterminent dans le destin de Richie. A noter également le rôle un peu sous utilisé de l’ancien meilleur ami de Richie, devenu directeur d’une clinique de chirurgie esthétique, et incarné à l’écran par pas moins que Richard E. Grant.

Grâce à Séries Mania (« The Fear » a fait l’ouverture du festival en mars 2013), j’ai pu voir « The Fear » sur grand écran. Et c’est un plus non négligeable, car la mini série bénéficie aussi de la réalisation léchée de Michael Samuels (un réalisateur télé expérimenté dont la réalisation la plus connue reste le polémique « The Falklands Play » en 2002). Samuels signe ici une mise en scène un peu maniérée mais puissante avec ses gros plans sur le visage torturé de Richie, et une utilisation convaincante des décors naturels de Brighton comme véritable ressort dramatique.

Le scénario, au ton Shakesperien, mérite également les éloges. La télévision anglaise est connue pour s’appuyer avant tout sur des scénarios, et celui-ci ne démérite pas. Le créateur et scénariste de « The Fear », Richard Cottan avait déjà signé quelques téléfilms remarqués (notamment « Margaret » en 2009 sur les derniers jours de Thatcher au pouvoir) et l’adaptation de Wallander avec Kenneth Branagh (tiens quand on parle de Shakespeare…).

Mais encore une fois, la réussite ultime de la mini série est due à Peter Mullan. Sans lui, « The fear » aurait pu tomber dans la caricature, et l’exercice de style aurait pu paraitre un peu démonstratif. Il apporte au personnage cette humanité tragique indispensable qui emporte « The Fear » vers les sommets.

[xrr rating=8/10]

Non diffusée en France mais il serait étonnant qu’elle n’arrive pas sur une chaine française (Arte ?). Aucune édition DVD disponible (avril 2013)