Review of: La favorite
Comédie dramatique historique:
Yorgos Lanthimos

Reviewed by:
Rating:
3
On 12 février 2019
Last modified:12 février 2019

Summary:

Un étrange film, maladroit, qui agace autant qu'il fascine. Et il y a bien sûr la prestation royale d'Olivia Colman !

Un étrange film, maladroit, qui agace autant qu’il fascine. Mais il y a bien sûr la prestation royale d’Olivia Colman !

La favorite

The Favourite (2018)

(La favorite)

Réalisé par Yorgos Lanthimos

Ecrit par Deborah Davis et Tony McNamara

Avec Olivia Colman, Emma Stone, Rachel Weisz, James Smith, Mark Gatiss,…

Direction de la photographie : Robbie Ryan / Direction artistique : Caroline Barclay & Dominic Roberts / Montage : Yorgos Mavropsaridis / Musique :

Produit par Ceci Dempsey, Ed Guiney, Yorgos Lanthimos et Lee Magiday pour Element Pictures, Scarlet Films, Film4 et Waypoint Entertainment

Comédie dramatique / Historique

UK / Irlande / USA

Abigail (Emma Stone) est une jeune noble déchue suite aux pertes de jeu et au suicide de son père. Elle décide de se rendre à la cour de la Reine Anne d’Angleterre (Olivia Coleman) où sa cousine Lady Sarah Churchill (Rachel Weisz) est la favorite. Abigail commence au plus bas de l’échelle parmi les servantes, mais réussit à soulager la reine qui souffre de la goutte grâce à une concoction d’herbes. Lady Sarah l’emploie alors à son service en guise de remerciement, mais elle commence à éprouver de la jalousie pour la jeune femme qui a su attirer l’attention de la reine.

« La favorite » est le septième long métrage de fiction du réalisateur grec Yorgos Lanthimos qui depuis « The Lobster » en 2015 tourne des co-productions internationales (financées notamment par Film4) en anglais et avec un casting essentiellement anglo-américain.

Après « The Killing of a Sacred Deer » (2017), il revient avec un film en costume. Un choix surprenant de la part d’un réalisateur qu’on voit assez peu attiré par la lourdeur conventionnelle qui se raccroche généralement à un tel exercice. Et évidemment, Lanthimos prend ce nouveau challenge à contre-pied.

L’histoire s’inspire très librement de personnages et d’événements réels. Il semble peu probable que la Reine Anne, très religieuse, ait eu des relations homosexuelles avec quiconque. Son mari, alors encore vivant à l’époque des faits, est par ailleurs complètement évincé du film. Et on ne parle même pas des lapins,…

Mais cette liberté par rapport à la réalité fait tout l’intérêt du film. La britannique Deborah Davis est à l’origine du projet. Elle a écrit la première version du scénario à la fin des années 90 et l’a présentée alors à la productrice Ceci Dempsey. Plusieurs années plus tard, cette dernière le propose à Lanthimos. Celui-ci ne veut pas faire un film d’historien et demande alors au scénariste australien Tony McNamara de moderniser le script.

Niveau comédiens, Lanthimos a tendance à être fidèle aux acteurs. Il recrute ici à nouveau
les anglaises Olivia Colman et Rachel Weisz avec qui il avait déjà travaillé sur « The Lobster » et rajoute l’américaine Emma Stone pour interpréter le rôle d’Abigail.

Comme on pouvait s’y attendre, la réalisation de Lanthimos s’éloigne de tout conformisme, n’hésite pas les gros plans et les grands angles déformants, le tout filmé essentiellement en lumière naturelle.

Le film a bénéficié d’une excellente réception critique et est actuellement en compétition pour les Oscars avec pas moins de dix nominations. Mais j’avoue être personnellement assez partagé sur « The Favourite ». Il est incontestable que Lanthimos dépoussière le film historique, et sans le clinquant frelaté de Sofia Coppola sur « Marie Antoinette » (2006). Pour autant, tout ça sonne un peu faux. La réalisation Lanthimos est souvent lourde (nombre de ses effets tombent à plat comme certains effets sonores ou visuels ou la division du film en chapitres), l’utilisation d’un langage moderne et de mots crus ou encore même cette histoire de lesbianisme qui est au coeur du film. « The Favourite » ne parle pas de l’époque, ni d’aujourd’hui. Il est bloqué dans une intemporalité qui finit par lui faire du tort. Quant à l’histoire de ce trio toxique, elle est convenue, et les personnages sont simplifiés à l’extrême. Et comme toute l’intrigue repose sur ce trio et sa crédibilité, on lâche parfois le fil.

Olivia Colman n’est pas une nouvelle venue et on a déjà pu l’admirer au générique de nombreux films (Hot Fuzz, Tyrannosaur, London Road,…) et séries (Mr Sloane, Broadchurch,…). Mais il faut reconnaitre qu’elle est ici remarquable dans le rôle de la Reine Anne d’Angleterre, toute en souffrance, à la fois victime et bourreau. Rachel Weisz de son côté est également excellente dans le rôle de la favorite autoritaire et jalouse. Enfin, Emma Stone fait ce qu’elle peut avec un personnage trop classique d’ancienne noble déchue qui veut prendre sa revanche, et qui ne surprend jamais. Difficile d’avoir de la compassion ou de la sympathie pour ces trois personnages, mais après tout c’est dans la logique du film.

« The Favourite » est un film sur le pouvoir. Pour Anne, c’est une obligation et une douleur, pour Sarah c’est une évidence et pour Abigail une porte de sortie et une revanche sur la vie. Un pouvoir donc qui fait l’objet d’une guerre entre ces trois femmes. Les hommes, quand ils ne sont pas tout simplement absents, sont des instruments, des créatures péruquées et grimées, infantiles, grotesques et souvent obsedées sexuelles.

A l’époque où la question de la position de la femme dans nos sociétés patriarcales revient sur le devant de la scène, notamment via Hollywood et l’affaire Weinstein, on pourrait tenter d’avoir une lecture féministe de « The Favourite ». Mais le film ne donne pas une version optimiste du pouvoir conjugué au féminin. Homme ou femme, nous restons des êtres humains, et ce n’est pas très beau à voir.

Dans les salles de cinéma françaises depuis le 6 février 2019.