Un pari audacieux de biopic sur un quadri-amputé qui cède rarement aux sirènes du mélodrame et propose des personnages crédibles

Starfish (2016)

Ecrit et réalisé par Bill Clark

Avec Joanne Froggatt, Tom Riley, Phoebe Nicholls, Michele Dotrice,…

Direction de la photographie : Clive Norman / Production design : David Bryan / Montage : Carmela Iandoli / Musique : Paul Saunderson

Produit par Pippa Cross, Joanne Froggatt, Ros Hubbard et Mel Paton pour CrossDay Productions Ltd., Genesius Pictures, Origami Films, Unlimited Pictures

Drame / Biographie

UK / Emirats Arabes Unis

« Starfish » n’est pas un film facile à voir, racontant l’histoire réelle de Tom Ray, un anglais qui en 1999, à l’âge de 38 ans, a été atteint d’une stepsis, une maladie infectieuse encore méconnue, qui l’a laissé quadri-amputé et défiguré. Tom était alors père d’une petite fille et sa femme Nicola, enceinte d’un deuxième enfant.

L’un des grands mérites de Bill Clark, scénariste et réalisateur de « Starfish », est d’avoir réussi à faire un film qui ne tombe pas dans le mélodrame larmoyant. Evidemment il y a des moments qui pourront avoir des effets sur vos glandes lacrymales mais globalement « Starfish » évite les facilités. On est parfois proche du film d’horreur (quand Tom découvre sa condition et son parcours à l’hôpital – ce dernier étant mis en cause dans le film pour son manque de réactivité), mais il ne se consacre surtout aux difficultés du quotidien : comment survivre psychologiquement, financièrement et socialement à un tel accident et l’impact que celui-ci a sur ses proches : Nicola la femme de Tom, sa fille, sa mère et sa belle-mère,… Tom n’est pas montré seulement comme une victime mais aussi à son insu comme un bourreau pour ses proches.

Et ce discours sur l’aspect victime/bourreau de Tom est particulièrement bien montré. Un traitement audacieux. C’est rare et rien que pour ça « Starfish » vaut la peine d’être vu. De plus les prestations des acteurs principaux, Joanne Froggatt (Anna Bates dans « Downton Abbey ») dans le rôle de Nicola, et de Tom Riley (Léonard de Vinci dans « Da Vinci’s Demons ») dans celui de Tom Ray, sont très équilibrées. Les  acteurs ne tentent jamais de signer des performances et n’en font jamais trop dans des rôles qui se prêtaient aux pires cabotinages.

On pourra regretter quelques inserts, pas franchement utiles quand Tom se remémore sa vie d’avant. Et surtout les flashbacks qui ramènent à la jeunesse de Tom et le départ de son père, un acteur (dont on tait le nom) qui ne le reverra jamais, même quand il lui demande de l’aide après son accident. A la fois on comprend que ça soit un événement important dans la vie de Tom mais il n’est  pas assez bien exploité dans le récit (du coup on en sait à la fois trop et pas assez) même s’il est suggéré que la peur d’être un mauvais père a été suffisamment présente dans la tête de Tom pour l’aider à lutter contre ses propres démons.

Il aura fallu dix ans à Bill Clark pour monter son projet, son deuxième (après « The Christmas Miracle of Jonathan Toomey » en 2007) et dernier film (il est mort en 2022). Nombre de producteurs ont rejeté l’idée face au thème du film et aux difficultés techniques pour le réaliser. Finalement, le film sera monté pour un petit budget d’un million de livres. Un exploit. Le manque de moyens se sent parfois, mais le maquillage de « gueule cassée » de Tom Riley et l’inévitable doublage sur certaines scènes par Tom Ray lui-même sont très crédibles.

Tom Ray a publié en 2017 un livre témoignage avec sa femme, et s’est également transformé en ambassadeur pour faire connaitre le stepsis au grand public. Cette maladie touche 150.000 personnes par an, dont 44.000 en meurent, rien qu’au UK.

« Starfish » est sorti en DVD au Royaume-Uni. Il est également disponible sur la plateforme Prime Video mais pas en France (au moment où j’écris ces lignes).