Une satire sociale sous forme de film d’horreur. Un moyen métrage de 1984 longtemps oublié redécouvert à la fin des années 90
Sleepwalker (1984)
Réalisé par Saxon Logan
Ecrit par Michael Keenan, Saxon Logan et John Varnom
Avec Joanna David, Bill Douglas, Nickolas Grace, Heather Page, Fulton Mackay,…
Directeur de la photographie : Nick Beeks-Sanders
Musique : Phil Sawyer
Produit par Christopher Sprague
Horreur / drame / social
51 mn
UK
Marion Britain (Heather Page) et son frère Alex (Bill Douglas) se sont installés dans la maison de leur défunte mère. Marion invite son amie Angela Paradise (Joanna David) à venir passer la nuit chez eux avec son mari Richard (Nickolas Grace). Au restaurant pendant le repas, la tension est à son comble et Marion avoue qu’Alex a déjà essayé de l’étrangler pendant son sommeil.
Au niveau ambiance on est pas si loin de l’horreur made in Hammer avec sa maison isolée et décatie battue par la pluie, plongée dans la pénombre et éclairée de façon intermittente par l’orage et des ampoules capricieuses, ses personnages souffrant de troubles psychologiques et des effets sonores et visuels appuyés.
Pour autant, il ne faut pas être sorti de Saint Cyr pour rapidement comprendre que le réalisateur Saxon Logan n’a pas voulu juste signer un petit film d’horreur fauché destiné au marché vidéo britannique florissant des années 80.
La présence exceptionnelle du réalisateur écossais Bill Douglas à l’écran est déjà un bon indice. Les noms de personnages aussi. Alex Britain représente la Grande Bretagne old school, socialiste, dépressive et défraichie. Richard Paradise, qui de façon ironique a fait fortune sur le marché de la vidéo, la bourgeoise sans âme, raciste et anti-homosexuelle, qui s’est enrichie sous Thatcher.
La critique sociale est traitée frontalement. Les personnages sont trop différents pour pouvoir et même vouloir se comprendre. Ça ne peut que mal se finir.
En 51 petites minutes, Saxon Logan réussit son exercice de style casse gueule, son pari de détourner les codes du film de genre pour créer une métaphore de l’état de la société britannique. Un peu comme son maître et ami Lindsay Anderson l’avait fait (avec quand même beaucoup plus d’ambition et de moyens) deux ans plus tôt dans « Britannia Hospital« .
« Sleepwalker », tourné en moins d’une semaine avec 40.000 livres de budget, est une réussite. Il bénéficie d’une ambiance glaçante et non dénuée d’humour noir, renforcée par la photo de Nick Beeks-Sanders, les effets gory (digne d’un gallioà et à la musique synthé de Phil Sawyer, ainsi grâce à quatre acteurs principaux tous excellents.
Malgré un succès au festival de Berlin, « Sleepwalker » n’a jamais bénéficié d’une distribution au UK. Dépité (on sent encore la douleur du réalisateur, au bord des larmes, quand il en parle pendant l’interview présent sur le DVD), Saxon Longan s’est tourné ensuite vers le documentaire, et il faudra attendre la fin des années 90 et l’appui du critique Kim Newman, pour que le film soit montré à nouveau.
Film longtemps introuvable « Sleepwalker » fait partie de ces films à l’aura culte récemment ré-édité par le BFI dans sa collection « BFI Flipside ».
Comme d’habitude, le BFI a concocté un Dual DVD/Blu-ray avec des bonus impressionnants dont les deux premiers courts de Logan, une interview d’une heure très éclairante, et même un autre rare moyen métrage en bonus « The Insomniac » de Rodney Giesler. Rajoutez un livret de 20 pages et vous obtenez un pur moment de bonheur pour tout cinéphile qui se respecte.
[xrr rating=7/10]
DVD/Blu-ray BFI Flipside. Version anglaise sous titrée en anglais. Nombreux bonus.