Comédie noire sur l’ivresse du pouvoir. Un film où Laurence Olivier se lâche complètement.
Richard III (1955)
Réalisé par Laurence Olivier
Ecrit par David Garrick et Colley Cibber d’après la pièce de William Shakespeare
Avec Laurence Olivier, Cedric Harwicke, Ralph Richardson, John Gielgud, Pamela Brown, Marry Kerridge, Stanley Baker, John Laurie,..
Directeur de la photographie : Otto Heller
Produit par Laurence Olivier et Alexander Korda pour London Films Productions
Tourné aux studios Shepperton
Comédie / drame
161 mn
UK
Difforme et impopulaire, Richard,duc de Gloucester, est théoriquement pas prêt de monter sur le trône d’Angleterre. Néanmoins il y a toujours de l’espoir. Après tout il suffit d’assassiner frère, neveux, femme. Qu’importe le nombre de cadavres, seul le résultat compte.
Richard III est probablement l’un des méchants les plus vils à avoir jamais foulé les scènes des théâtres et les plateaux de films. Un personnage physiquement difforme et tellement immonde moralement qu’il en devient presque drôle. A croire que les Tudors qui ont pris le trône d’Angleterre à la mort de Richard III, ont payé Shakespeare pour ruiner à jamais sa réputation (la personnalité authentique de Richard fait aujourd’hui l’objet de beaucoup de questions).
Il y a en tout cas une sacrée dose d’humour noir dans le Richard III de Shakespeare, et c’est définitivement cette voie qu’a suivi le plus shakespearien des acteurs anglais, Laurence Olivier. Ici Olivier choisit de forcer le trait.
Malgré les actes immondes auxquels il se livre sans une once de remords pour arriver jusqu’au sommet, Richard ne fait jamais vraiment peur. Attifé comme un clown, se mouvant dans un décor de carton pâte (mis à part la scène finale- tournée en Espagne!), Richard n’est guère mieux qu’un affreux pantin.
L’aspect physique, les mimiques et l’accent adoptés par Olivier vont tous dans le même sens. Il n’y a pas d’ambiguïté ou de subtilité cachée chez Richard III. Cette interprétation très orientée, qui n’a pas peur de frôler la bouffonnerie, est justement ce qui a rendu culte l’interprétation d’Olivier. Nombreux sont les acteurs qui ont ensuite imité Laurence Olivier jouant Richard III. En tout cas aujourd’hui il est impossible de ré-interpréter ce rôle en faisant mine d’ignorer cette interprétation, que ce soit pour s’en inspirer ou la prendre à contre-pied.
La pièce aurait été écrite en 1591 et est l’une des premières oeuvres de Shakespeare. Extrêmement longue (une représentation basée sur le texte dans sa version complète dure plus de 4h), et truffée de multiples personnages et sous intrigues, elle est ici forcément largement coupée (en suivant notamment la version popularisée par Colley Cibber et David Garrick au XVIIIe), et certains éléments de l’histoire modifiés par Olivier lui-même.
Comme dans la pièce, Richard III de Laurence Olivier s’exprime au public, le prend à témoin, et lui parle comme s’il était un comploteur à ses côtés, renforçant notre malaise.
Laurence Olivier a joué « Richard III » dès 1944 au légendaire Old Vic Theatre, et a connu un triomphe public et critique au théâtre dans ce rôle. Après ses adaptations acclamées d' »Henry V » (1944) et « Hamlet » (1948), le voir se pencher sur « Richard III » n’a donc guère été une surprise.
Le casting est bien évidemment royal avec la crème du théâtre shakespearien british : A part Olivier lui-même, on retrouve ainsi Ralph Richardson, John Gielgud, Cedric Hardwicke,…
Pour « Richard III », Olivier reçoit à nouveau le soutien financier de Korda comme pour ses deux premières adaptations shakespeariennes. La mort de Korda l’année suivante et l’échec commercial de « Richard III » mettre un terme à la carrière de Laurence Olivier en tant que réalisateur shakespearien. Notons que d’après BFI screenonline, Olivier ne voulait pas réaliser ce film et ne s’est décidé à le faire que suite au refus de Carol Reed.
Malgré le Technicolor flamboyant, les parti pris de réalisation, finalement assez théâtraux font qu’en tant que film « Richard III » est loin de la beauté classique d’un « Hamlet ». Néanmoins vu le sujet, le traitement choisi et le casting, ce choix est compréhensible.
Aux USA, le film est sorti le même jour au cinéma et à la télévision. C’était la première tentative du genre aux US, et a participé probablement à l’échec du film en salles. Par contre, sa diffusion télé lui aurait valu un vaste public (entre 25 et 40 millions de téléspectateurs) !
DVD Sony Pictures Home Entertainment (2008). Version originale sous titrée.