Un thriller glaçant sur le mode du revenge movie, qui joue avec le spectateur pour livrer un final sous forme de coup de poing dans l’estomac. Bien vu et bien fait sur un thème malheureusement d’actualité
Promising Young Woman (2020)
Ecrit et réalisé par Emerald Fennell
Avec Carey Mulligan, Bo Burnham, Alison Brie, Clancy Brown,…
Direction de la photographie : Benjamin Kracun / Production design : Michael Perry / Montage : Frédéric Thoraval / Musique : Anthony Willis
Produit par Tom Ackerley, Ben Browning, Emerald Fennell, Ashley Fox, Josey McNamara et Margot Robbie
Thriller
113mn
UK / USA
A 30 ans, Cassie (Carey Mulligan) travaille comme serveuse dans un coffee shop à Los Angeles et vit chez ses parents. Elle semble passer une bonne partie de ses soirées à sortir en boite et à trop boire, ce qui la met dans des situations compliquées. Mais son comportement cache un lourd secret et quand elle tombe sur un ex-collègue d’études de médecines Ryan (Bo Burnham)
Sous ses couleurs chatoyantes, le soleil de Californie et une bande son dansante, se cache un thriller glaçant. Parfois on a l’impression que ‘Promising Young Woman » va tourner vers la comédie romantique, mais non. Ce jeu constant entre la forme et le fond peut décontenancer, voire agacer. Mais il faut bien avouer que la scénariste et réalisatrice Emerald Fennell tient son marteau bien en main et enfonce le clou d’un seul coup et d’une main assurée.
Et le clou en question est la réponse à une simple question : est-ce qu’une femme qui se comporte avec « légèreté », ne prend pas ses précautions (par exemple elle boit trop d’alcool) et après se fait violer n’est pas en partie responsable de ce qui lui est arrivé ? Et là bien entendu on arrive sur un sujet brûlant qui a engendré de nombreux dégâts, notamment dans le milieu du cinéma : le fameux mouvement #metoo et la répartie #notallmen. Ceci dit, le film montre bien la complicité des femmes pour taire une vérité qui dérange la société dans son ensemble.
Autant dire tout de suite que « Promising Young Woman » y va fort et ne fait pas dans les demi-mesures, ni ne pêche par excès de subtilité. Certaines scènes ne sont là que pour illustrer un point de son argument, ce qui donne parfois un côté trop didactique, forcé et artificiel à la démonstration. Emerald Fennell ne fait pas dans le « oui mais… ». Alors évidemment, personne ne défendrait la culture du viol. Mais beaucoup sont prêts à débattre sur sa définition.
Bref c’est un film d’actualité osé et bien construit. Et après tout pour un thriller qui rentre dans le genre « revenge movie » il est bien plus subtile que la majorité. Par contre c’est très loin d’être le premier revenge movie au féminin, qui vire souvent vers le film d’exploitation (« Thriller – en grym film » en 1973 ou « I Spit on Your Grave » en 1978) mais pas toujours (« Handgun » en 1984 et « The Brave One » en 2007 en sont la preuve).
En tout cas cette réussite est d’autant plus remarquable qu’il s’agit d’un premier long, après juste un court métrage. Emerald Fennell est une actrice anglaise connue jusqu’à présent surtout pour ses apparitions télé – notamment dans « Call The Midwife » et « The Crown » et une poignée de films (notamment pour Joe Wright). Elle avait quand même déjà tâter au scénario sur des épisodes de deux séries anglaises « Drifters » et « Killing Eve ».
Ici, Fennell peut compter sur la participation d’une autre anglaise Carey Mulligan qui est excellente dans le rôle principal de Cassie et est également productrice exécutive sur le film. Egalement de la partie à la production, l’actrice australienne et star d’Hollywood Margot Robbie (Birds of Prey, Once upon a Time in Hollywood).
Bien sûr, le film touche une corde sensible à Hollywood. On ne s’étonnera pas de constater que le film a décroché cinq nominations aux Oscars 2021 dont celui du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleure actrice pour Carey Mulligan.
On pourrait accuser le film d’opportunisme mais après tout il traite un sujet à la fois d’actualité et qui remplit les rubriques des faits divers depuis qu’elles existent. Et Hollywood pourrait être tenter de couronner aux Oscars « Promising Young Women » juste pour prétendre qu’il a entendu l’appel du mouvement #metoo. Mais il devra aussi concourir avec « Judas and the Black Messiah » (2021) qui lui touchera particulièrement les partisans du #BlackLivesMatter (et agacer ceux du #AllLivesMatter). Je sens que les Oscars vont être amusants cette année !
« Promising Young Woman’ aurait dû sortir en France en février 2021 mais évidemment vue la situation actuelle, vous risquez de le voir débarquer en VOD plutôt qu’en salles. A suivre.