Superbe film noir tourné dans les bas fonds de Londres. Une galerie de personnages mémorable.

Night-and-the-city-Richard-Widmark

Night and the City (1950)

(Les forbans de la nuit)

Réalisé par Jules Dassin

Ecrit par Jo Eisinger d’après le roman de Gerald Kersh

Avec Richard Widmark, Gene Tierney, Googie Withers, Francis L. Sullivan, Herbert Lom,…

Directeur de la photo : Max Green (Mutz Greenbaum)

Produit par Samuel G. Engel pour Twentieth Century-Fox Productions

Crime

101 mn

UK

Harry Fabian (Richard Widmark) est un petit truand, un rêveur, un loser invétéré qui tente des projets qui échouent systématiquement. Un jour, il rencontre Gregorius, la légende vivante de la lutte gréco-romaine et pense pouvoir mettre la main sur le milieu de la lutte à Londres.

night_and_the_city_ver2_xlg - copieJules Dassin fait partie des nombreux réalisateurs américains qui ont dû fuir les Etats Unis après guerre à cause du Maccarthysme et sont passés par la Grande Bretagne. Contrairement à ses compatriotes Joseph Losey et Cy Endfield, Jules Dassin ira rapidement tourné ailleurs en Europe (notamment en France), mais il réalisera à Londres l’une des perles du film noir dont il a le secret et qui s’inscrit dans la parfaite continuité de ses films noirs américains : « Brute force » (1947), « The Naked City » (1948) et « Thieves’ Highway » (1949).

« Night and the city » est basé sur un livre de l’écrivain britannique Gerald Kersh publié en 1938 et l’action se déroule dans le Londres des bas fonds post grande dépression. Dassin se montre à l’aise dans ce nouvel environnement et la capitale britannique est superbement bien filmée dans un noir et blanc de toute beauté (le vétéran Max Greene signe ici l’une de ses plus belles photos).

Le film bénéficie également d’un suspense solide et de bonnes gueules. Richard Widmark est très convaincant dans la peau du jeune truand au comportement enfantin qui va se casser les dents contre le milieu de la pègre, sans pitié pour ceux qui ont les yeux plus gros que le ventre. Le personnage en deviendrait touchant à force de naïveté malgré ses calculs et ses manigances finalement puériles s’il n’essayait de manipuler les deux seuls personnages purs du film : sa fiancée Mary (un chouïa trop gentille pour être réaliste) interprétée par la délicieuse  Gene Tierney et l’ancien lutteur Gregorius (Stanislaus Zbyszko), un homme droit jusqu’au bout – quitte à se fâcher avec son fils et à accorder une confiance aveugle en Harry.

Le reste des personnages forme un lot sans aucune once de moralité. La seule règle dans les bas-fonds étant de bouffer l’autre avant de se faire bouffer soi-même. Tous les coups sont permis. Le couple de propriétaires du bouiboui où travaille Harry comme rabatteur et Mary comme chanteuse, ainsi que le fils de Gergorius qui a la main sur le catch à Londres, sont vraiment effrayants.

Plusieurs scènes sont mémorables mais j’ai particulièrement apprécié la tension qui se dégage du match improvisé entre Gregorius et l’étrangleur.

Sur le DVD du film édité par Carlotta, nous avons droit à la version américaine du film qui a été raccourcie de six minutes et qui a une fin plus pessimiste et une musique différente de la version britannique. C’était la version favorite de Dassin et celle qui est aujourd’hui montrée. Je n’ai pas vu la version UK (pas sûr d’ailleurs qu’elle existe encore) mais le film est quasi parfait comme cela, j’ai juste une petite dent contre la musique un peu lourdingue signée Franz Waxman  (il aurait été intéressant d’écouter la musique de la version britannique composée par Benjamin Frankel – le coffret Criterion propose notamment une comparaison des deux mais le DVD Carlotta est pour sa part avare en bonus).

« Night and the City » est de toute évidence à classer parmi les grands films noirs. A ne manquer sous aucun prétexte pour les amateurs.

[xrr rating=8/10]

 DVD Carlotta (Zone 2 FR). Version originale sous titrée en français et version française. Bonus : présentation  de Patrick Brion, bande-annonce.