Quand la jeunesse hurle son refus de la société mais aussi de l’existence. Un grand cri de douleur nihiliste.
Look Back in Anger (1959)
(Les corps sauvages)
Réalisé par Tony Richardson
Ecrit par Nigel Kneale d’après la pièce de John Osborne
Avec Richard Burton, Claire Bloom, Mary Ure, Gary Raymond, Donald Pleasence, Edith Evans,…
Directeur de la photographie : Oswald Morris
Musique : Chris Barber
Produit par Harry Saltzman et Gordon Scott pour Orion et Woodfall Film Productions
UK
Jimmy Porter (Richard Burton) est le type même de l’écorché vif, instable et agressif. Sa vie dans une petite ville du nord de l’Angleterre est d’une monotonie exaspérante, qui se partage entre un foyer étouffant, la vente de bonbons sur les marchés et un club de jazz. Réalisant la banalité de son existence, il s’en prend, au cours de colères subites, à ceux qui vivent auprès de lui.
« Look Back in Anger » est tout d’abord une pièce de théâtre semi-autobiographique de John Osborne jouée pour la première fois à Londres en mai 1956 dans le temple du nouveau théâtre, le Royal Court Theatre. Cette pièce, qui a causé une véritable onde de choc dans le théâtre britannique, est à l’origine de l’étiquette des « angry young men » donnée à ces écrivains et dramaturges qui parlent dans leur oeuvre du quotidien dans toute sa dureté. Ces jeunes gens en colère crieront leur refus des conventions, et inspireront au cinéma le kitchen sink drama et s’imbriqueront dans la nouvelle vague britannique.
Tony Richardson qui avait déjà une belle carrière au théâtre et à la télévision et avait été l’un des initiateurs du free cinema, était le metteur en scène de la version théâtrale de « Look Back in Anger ». C’est lui qui porte l’histoire au cinéma, signant ainsi son premier long pour le grand écran, par le biais de Woodfall Film Productions co-crée avec Osborne et le producteur Harry Saltzman.
« Look Back in Anger » nous propose de suivre un jeune homme en colère permanente. Johnny (Richard Burton) est un jeune homme éduqué mais qui a quelque part refusé la vie qui lui était réservée. Il passe ses journées sur un marché à vendre des bonbons et la nuit à jouer du jazz. Il passe son temps libre à faire subir le poids son mécontentement à sa femme Alison (Mary Ure) et à leur colocataire Cliff (Gary Raymond).
Sa femme, Alison est issue des classes moyennes aisées dont le père, ancien militaire, ne s’est jamais remis de l’indépendance de l’Inde. Au bout de deux ans, et attendant un enfant, elle est en train de craquer.
Les disputes entre Johnny et Alison sont titanesques. Cliff joue parfois un rôle d’amortisseur, parfois reste dans son coin attendant que la tempête passe. Quand la meilleure amie d’Alison, Helena (Claire Bloom), une actrice que bien entendu Johnny déteste, vient loger l’espace de quelques jours avec eux, l’explosion ne tarde plus.
Une partie des problèmes de Johnny vient clairement de la mort de son père alors qu’il était âgé de dix ans. Vétéran de la guerre d’Espagne, un idéaliste (« toujours du mauvais côté » selon sa mère). Père auquel il fait tout pour ne pas ressembler. Afin de ne pas être trahi, il préfère railler, hurler, dégoûter ceux qui l’aiment.
Le problème de Johnny est aussi existentiel. Pourquoi la vie est-elle si injuste autour de lui ? Ceux qui mériteraient d’être aimés sont délaissés, ceux qui mériteraient de vivre meurent, ceux qui mériteraient d’être intégrés à la société sont rejetés parce qu’ils n’ont pas la bonne couleur de peau,…
On accusera Osborne, comme les autres angry young men, de manquer de maturité. Il y a en effet un refus du passage à l’âge adulte, une rebellion contre la société anglaise de la fin des années 50, momifiée dans les conventions et pleurant son passé colonial (comme le père d’Alison). Détruire la société de ses pères, oui, mais la remplacer par quoi ? La question reste ouverte.
« Look Back in Anger » est un portrait d’une jeunesse qui cherche sa place, de la lutte de l’individu contre la société et les hiérarchies,… Un thème partagé par les autres grands films de la nouvelle vague britannique : « Saturday Night and Sunday Morning » (1960) de Karel Reisz, « This Sporting Life » (1963), « If » (1968) de Lindsay Anderson ou encore « The Loneliness of the Long Distance Runner » (1962) de Tony Richardson,…
[xrr rating=8/10]
DVD zone 2 FR. Studio Doriane Films. Version originale sous-titrée en français et version française.