Un portrait viscéral d’une jeune mère tout juste sortie de prison. Misérabiliste ? Non. Daisy-May Hudson fait un pari gagnant sur la solidarité pour montrer que les histoires les plus dures peuvent se finir bien

Lollipop (2024)
Ecrit et réalisé par Daisy-May Hudson
Avec Posy Sterling, Idil Ahmed, TerriAnn Cousins, Aliyah Abdi, Tegan-Mia Stanley Rhoads,…
Direction de la photographie : Jaime Ackroyd / Production Design : Dale Oliver Slater / Direction artistique : Laura McMillan / Montage : Lee Mckarkiel / Musique : James William Blades
Produit par Cecilia Frugiuele et Olivier Kaempfer
Drame / Social
100mn
UK
On le sait, les Britanniques excellent dans le genre casse-gueule du film social. Mais réussir un film qui sait allier humanité des personnages et portrait réaliste de la société n’est pas à la portée de tous. Eviter les émotions faciles, les personnages caricaturaux et le misérabilisme n’est pas une mince affaire ! Dans « Lollipop », on suit le chemin de croix de Molly (Posy Sterling) une jeune mère qui sort tout juste de prison et tente de récupérer ses enfants. Mais la partie s’annonce compliquée car si Molly avait confié ses enfants à sa mère, celle-ci, confrontée à la maladie de son conjoint, et dépassée par les besoins de ses petits enfants, les a confiés aux services sociaux ! Comme on peut se l’imaginer, ces derniers renâclent à rendre ses enfants à une jeune mère qui sort de prison et n’a ni travail, ni logement !
Tout n’est pas sans espoir pour autant pour Molly. Même si elle doit ravaler sa honte quand elle croise une amie d’adolescence Amina (Idil Ahmed). Celle-ci confrontée à une séparation difficile ouvre sa porte et son coeur à son amie. Molly va devoir faire la paix avec le monde qui l’entoure (sa mère, les services sociaux) et avec elle-même pour s’en sortir.
Pour décrire le parcours du combattant de Molly, la scénariste et réalisatrice Daisy-May Hudson s’est inspirée en partie de sa propre expérience racontée dans son documentaire « Half Way » (2015). Difficile de ne pas penser à Ken Loach qui avait déjà dénoncé la spirale des problèmes de logement soixante ans plus tôt dans « Cathy Come Home » (1966) et avait dressé un portrait de mère dévastée dans « Ladybird » (1994). Mais Daisy-May Hudson s’éloigne de Loach par un regard volontairement moins politisé. On sent bien que dénoncer n’est pas sa préoccupation principale.
La grande qualité de Daisy-May Hudson est de savoir exprimer toute la palette de sa sensibilité, quitte à faire un grand écart entre les émotions. Elle n’a pas peur de filmer l’expression de la douleur la plus viscérale et elle peut compter sur sa formidable interprète principale Posy Sterling pour donner vie de façon crédible à son personnage. Mais elle sait aussi filmer les moments de joie et la chaleur de la relation entre Molly et Amina. Daisy-May Hudson ne se perd pas dans le pessimisme et, face aux obstacles de la vie, elle oppose une solidarité féminine faite d’expériences partagées et de reconstruction.
Les hommes sont complètement absents de « Lollipop » mais ne sont pas mis au pilori pour autant. Les femmes occupent tous les rôles aussi bien positifs que négatifs, dont ceux de l’autorité (assistantes sociales, juge,…). Autorité trop souvent d’une insensibilité toute bureaucratique sur laquelle s’échoue la sensibilité à fleur de peau de Molly. Pour autant, « Lollipop » ne désigne pas de coupable (même la mère alcoolique a droit à la rédemption) et veut croire en un possible dénouement positif. Malgré les sujets abordés, « Lollipop » est un message d’espoir, un pari sur notre part d’humanité bienveillante.
« Lollipop » est sorti dans les cinémas britanniques en juin dernier à quelques semaines d’écart du nouveau documentaire de Daisy-May Hudson « Holloway » où elle fait revenir six ex-détenues entre les murs de la prison d’Holloway à Londres, aujourd’hui désaffectée (ce fut un temps la plus grande prison pour femmes d’Europe).
« Lollipop » a été présenté en France début octobre 2025 lors du Film festival de Dinard. Il y a décroché le prix Ouest-France « Talent de demain » qui récompense un premier film.
Si les thématiques de ses premières oeuvres se croisent, Daisy-May Hudson dit ne pas vouloir s’enfermer dans un genre. Son prochain projet ? Elle va bientôt commencer l’écriture d’un film de science-fiction !

