Une belle comédie dramatique, sensible, touchante et humaniste, sur l’attente interminable d’immigrés isolés sur une île écossaise

Limbo (2020)

Ecrit et réalisé par Ben Sharrock

Avec Amir El-Masry, Vikash Bhai, Sidse Babett Knudsen, Kenneth Collard, Ola Orebiyi, Kwabena Ansah,…

Direction de la photographie : Nick Cooke / Production design : Andy Drummond / Montage : Karel Dolak et Lucia Zucchetti / Musique : Hutch Demouilpied

Produit par Irune Gurtubai et Angus Lamont pour Caravan Cinema et Creative Scotland avec le support de Film4 et du BFI

Comédie dramatique

104mn

UK

Omar (Amir El-Masry) est un réfugié syrien qui attend sa décision d’asile dans un refuge situé dans une ile écossaise avec une dizaine d’autres immigrés, tous des hommes célibataires. Les journées semblent durer une éternité alors que tous attendent avec résignation la lettre qui les informera que leur demande d’asile est acceptée ou non.

Le film s’ouvre sur une séance culturelle où les deux formateurs, Helga et Boris, dansent ensemble pour une leçon de culture occidentale sur le thème « Un sourire est-il une invitation au sexe ? », sous le regard consterné des migrants. La scène qui suit en plan fixe le spectacle bizarre donné par le deux formateurs et les regards perplexes de leurs « élèves » est une bonne introduction au film avec son ambiance pince-sans rire qui frôle l’absurde.

D’ailleurs Oman, ancien musicien, qui a laissé sa famille derrière lui, promène son regard vide, son visage impassible et son Oud (un instrument traditionnel syrien qui ressemble à une guitare) où qu’il aille.  Omar sympathise avec Farhad (Vikash Bhai) un réfugié afghan fan de Freddie Mercury et de poulets, qui revient chaque fois du centre de don avec des bizarretés, comme l’intégrale de la sitcom américaine « Friends » en version piratée, mais jamais le manteau dont il a besoin. Ceci dit, « Friends » offre au moins une fenêtre sur l’occident que ne leur donne par les rencontres avec les locaux, peu nombreux et qui gardent leur distance.

Ils partagent une petite maison spartiate avec Wasef (Ola Orebiyi), un nigérian qui rêve de devenir footballer et pro et son « frère » Abedi (Kwabena Ansah).

Omar arrivera-t-il à retrouver l’espoir et à jouer à nouveau de l’Oud ? La clé semble se trouver du côté d’un frère ainé resté en Syrie pour se battre.

« Limbo » offre une vision de l’immigration, sujet hautement sensible et actuel, sans enfoncer des portes ouvertes, ni de tomber dans la moralisation. Les situations sont réalistes et sortent du quotidien, les dialogues sont épurés. Il n’y a pas de bons ou de méchants dans « Limbo », juste des êtres perdus à des milliers de kilomètres de chez eux, qui ne peuvent faire demi-tour et doivent attendre la permission d’aller de l’avant.

Les paysages aussi sublimes que rugueux de l’île écossaise, merveilleusement photographiée en 4:3, sont comme une pause hors du temps, où les souvenirs et les espoirs s’échouent. Un purgatoire sublime qui a des allures d’éternité et écrase les humains qui y vivent.

Le scénariste et réalisateur Ben Sharrock, déjà auteur de la comédie dramatique anglo-espagnole « Pikadero » (2015), signe un chef d’oeuvre de poésie humaniste, avec une touche d’humour bienvenue et bien dosée. Le britannique d’origine égyptienne, Amir El-Masry (vu récemment dans les séries « The One » et « Industry »), fait des merveilles dans le rôle d’Omar, comme Vikash Bhai dans celui de Farhad.

Une très belle surprise qui a fait partie de la Sélection Officielle Cannes 2020, mais pour l’instant non sortie en France.