Quand Churchill fait appel au cinéma et à son ami Alexander Korda pour convaincre les Américains de s’engager auprès des Européens contre Hitler, l’âme de Nelson et le couple britannique le plus glamour sont appelés à la rescousse !
Lady Hamilton (1941)
Réalisé par Alexander Korda
Ecrit par Walter Reisch et R.C. Sherriff
Avec Vivien Leigh, Laurence Olivier, Alan Mowbray, Sara Allgood, Gladys Cooper,…
Direction de la photographie : Rudolph Maté / Production design : Vincent Korda / Direction artistique : Lyle R. Wheeler / Musique : Miklós Rózsa
Produit par Alexander Korda pour Alexander Korda Films
Historique / Romance / Guerre
125mn
UK/USA
Dans le port de Calais, une vieille femme (Vivien Leigh) se rend chez un vendeur d’alcool pour voler une bouteille. Mais la police qui la surveillait l’attrape et la conduit en prison. A sa compagne de cellule, elle se présente comme Lady Hamilton. Evidemment on ne la croit pas mais devant l’insistance de la jeune femme, elle décide de raconter son histoire, celle d’Emma. « Ma vie a commencé à 18 ans. J’étais belle alors. Un jour, je suis arrivé à Naples dans le palais de l’ambassadeur de Grande-Bretagne ».
Emma, une ex-jeune danseuse, accompagnée de sa mère (Sara Allgood) qui joue le rôle de sa servante, a été envoyé à Naples chez Lord Hamilton par son amant et neveu de ce dernier, un certain Greville, un jeune homme de bonne famille qui l’a sortie de la misère. Emma croit alors que Greville va la rejoindre, mais elle apprend rapidement qu’il ne viendra pas, et qu’il s’est débarrassé d’elle en l’envoyant chez son oncle, veuf. Elle est effondrée, mais bientôt Lord Hamilton la demande en mariage et elle accepte. Elle fait ses premiers pas à la Cour de Naples et va faire la connaissance d’un capitaine britannique, Nelson (Laurence Olivier). Les sentiments amoureux ne tardent pas à éclore entre Emma et Nelson, mais ce dernier est marié et surtout doit repartir à la guerre contre Bonaparte qui menace l’empire britannique.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, Churchill tente de convaincre les Américains de s’engager contre Hitler. Mais sans succès. Conscient du pouvoir du cinéma, il encourage déjà les oeuvres de propagande pour remonter le moral des civils. Mais il est bien décidé de porter la voix britannique en Amérique via le cinéma.
Churchill se tourne alors vers son ami, le premier mogul du cinéma britannique même s’il est Austo-Hongrois, Alexander Korda. Les deux hommes avaient déjà travaillé ensemble, Korda ayant payé grassement Churchill pendant ses périodes de vaches maigres avant la guerre pour travailler sur quelques projets de film, dont aucun ne verra le jour.
Churchill encourage Korda à aller s’installer à Hollywood pour lui faire des retours sur les sentiments d’Hollywood à l’égard des Britanniques et tenter de les faire évoluer. Et surtout de produire là bas un film de propagande destiné au public américain. Evidemment, vu l’opinion alors hostile à une entrée en guerre, il n’est pas question que le gouvernement américain sache ce que prépare Korda. il se retrouve donc seul pour financer et produire le fameux film de propagande, une romance sur la vie de Lady Hamilton, le grand amour de Lord Nelson, le héros britannique qui mis à genoux Bonaparte.
Apparemment, il s’agit d’une romance tragique réunissant à l’écran les deux plus célèbres acteurs britanniques, alors mariés, Vivien Leigh (Oscarisée pour « Autant en emporte le vent » et Laurence Olivier. Tous les deux sont d’ailleurs excellents dans le film (même si Korda reprocha à Vivien Leigh d’avoir jouer une Emma comme une femme de la Haute, alors que ses origines populaires auraient mérité une interprétation plus réaliste).
Mais évidemment les envolées de Lord Nelson contre Bonaparte, l’homme de guerre qui veut mettre sous son joug l’Europe entière, font diablement pensées à un autre danger, bien actuel !
Après avoir défait la flotte de Bonaparte sur le Nil, Lord Nelson rentre à Naples, offusqué que le Roi de Naples fasse la fête plutôt que de lever une armée :
« Sommes-nous les anges gardiens de tous les fainéants d’Europe ? Vous devez agir aussi. Nous l’avons bouté hors des mers mais tant qu’il aura une armée aucun pays d’Europe n’échappera à sa soif de conquête. Il veut prendre le pouvoir du monde entier. Si vous tenez à votre liberté, réveillez-vous. Aidez-nous à le vaincre sur terre… Si vous ne vous défendez pas, il vous ravira votre trône. »
Le message est clair ! D’ailleurs on dit que Churchill aurait écrit lui-même certaines répliques de Nelson. Et Churchill affirmera par la suite qu’il s’agissait de son film préféré, qu’il aurait vu plus de 80 fois !
Du côté américain, si pendant la pré-production, le film a eu des problèmes avec le Production Code d’Hollywood ce n’est pas à cause de ses sous-entendus politiques mais parce que l’histoire entre Nelson et Mme Hamilton est celle d’un adultère, ce qui n’est permis que si cette relation est condamnée et les personnages punis ! Du coup une scène est introduite où le père de Neslon condamne clairement la relation adultère.
Tourné en six semaines avec un mince budget en partie financée par la femme de Korda l’actrice Oberon, « That Lady Hamilton » est un film qui arrive à se faire passer pour une romance hollywoodienne à grand budget, notamment grâce à son casting et à l’ingéniosité des frères Korda, Alexander (à la réalisation et à la production) et Vincent (à la direction artistique).
Difficile à dire si le film a réussi à faire pencher l’opinion américain en faveur des britanniques (il faudra encore attendre un an avant qu’ils s’engagent !). En tout cas les isolationnistes américains ne seront pas dupes et citeront « Lady Hamilton » comme un exemple de film qui prouvait la volonté de Hollywood de précipiter les USA dans la guerre. Et en 1942, Alexander Korda sera le premier réalisateur à être anobli (un geste qui sera salué par le producteur hollywoodien David Selznick).
Le film a connu un beau succès outre-atlantique et en Grande-Bretagne à sa sortie en 1941. L’Europe occupée (dont la France) ou encore l’Union Soviétique devra elle attendre 1945 pour découvrir le film.
Combo blu-ray/DVD ou DVD Simple FR. Edition Elephant Films (2012). Version originale sous-titrée en français et version française. Pas de bonus