Pas entièrement convaincante, la comédie de Frank Launder a le mérite de témoigner de la place de la femme dans la société anglaise du début des années 50 et c’est pas folichon !
Lady Godiva Rides Again (1951)
Réalisé par Frank Launder
Ecrit par Frank Launder et Val Valentine
Avec Pauline Stroud, Dennis Price, John McCallum, Stanley Holloway, Diana Dors, Alastair Sim, Sidney James, George Cole…
Directeur de la photographie : Wilkie Cooper
Produit par Sidney Gilliat pour London Film Productions
Tourné aux Shepperton Studios
Comédie
UK
Marjorie (Pauline Stroud) participe à un concours de beauté dans la petite ville anglaise dans laquelle elle habite. A la grande colère de son père (Stanley Holloway) et de son petit ami (George Cole), elle gagne le concours et est débauchée pour participer à un concours de beauté au niveau national. Le début de la gloire ?
« Lady Godiva Rides Again » raconte les déboires d’une jeune femme sans talent (dixit son père !) qui croit pouvoir faire carrière dans le divertissement après avoir emporté un concours de beauté.
Ce film de 1951 est un bon témoignage de la place de la femme dans la société anglaise des années 50. Marjorie a 21 ans et, dans l’attente de trouver un mari, vit sous le joug de son père qui la rabaisse à la moindre occasion (et qui souffre du coup d’un terrible manque de confiance en elle). Pour son père, Marjorie est une proie facile pour les monstres qui pullulent à l’extérieur du cocon familial. Les hommes qui tiennent à elle (son père, son petit ami et un homme d’affaires australien qu’elle rencontre pendant le concours de beauté), malgré leurs rudesses parfois moquées, apparaissent avant tout comme des figures protectrices qui essaient de la protéger d’elle-même. Et la fin prend l’apparence d’un happy ending mais a un parfum doux-amer. Quel destin est possible pour une jeune fille de province dans l’Angleterre d’après-guerre ?
Parfois on peut douter du dosage exact de second degré dans le scénario de Frank Launder et Val Valentine. J’aime penser qu’ils ont versé une bonne dose d’acide dans le champagne. Ceci dit, aujourd’hui, le destin de Marjorie ne peut paraître que cruel, mais au début des années 50 ? La question se pose, d’où le malaise. Egalement notons que l’une des leçons du film pourrait être « il ne suffit pas d’être jolie pour réussir mais il faut avoir du talent ». Le problème de Marjorie me semble surtout qu’elle n’a jamais bénéficié de la confiance et du soutien de ses proches et des hommes qui disent l’aimer.
Quoi qu’il en soit, les répliques visent souvent juste, comme celle du chercheur de talents qui vient tenter de convaincre les parents de Marjorie de la laisser participer au concours de beauté national :
« Il y a trois millions de filles dans ce pays qui entre 17 et 23 ans se précipitent dans les mêmes impasses : les bals, les courses de moto, les films… Elles prient devant l’autel de Jean Simmons et Betty Grable, vivant par procuration – et qu’est-ce qui les attend au bout ? Se marier à un ouvrier ou un employé de bureau – sept ans à vivre et puis direction l’évier. »
Même si elle reste également assez caricaturale, la critique du milieu du divertissement est plus convaincante. D’autant qu’elle est faite par deux monuments du milieu : Frank Launder (qui co-scénarise et réalise le film) et Sidney Gilliat (ici à la production). Le milieu du cinéma et du spectacle vivant en prennent pour leur grade, décrits comme des milieux vains et cruels remplis de prédateurs (acteurs, producteurs, agents,…).
On ne peut que sourire au discours que tient le producteur ruiné à Marjorie en quête désespérée d’auditions :
– Vous avez certainement entendu parler de la crise du cinéma britannique ?
– Je croyais qu’elle était terminée.
– Ma chère fille. C’est impossible ! Avec la télévision à notre droite, Hollywood à notre gauche et le gouvernement derrière nous, notre industrie (quel terme ridicule) est constamment au bord du précipice.
En fait le film passe très bien quand on le prend pour une farce et qu’on accepte son côté caricatural qui appuie, plutôt deux fois qu’une, là où ça fait mal.
« Lady Godiva Rides Again » mérite également une mention pour son casting. L’actrice principale Pauline Stroud signait ici son premier rôle sur grand écran mais ne tournera que dans quatre autres films avant de se consacrer à la télévision dans les années 60. Elle mettra fin à sa carrière en 1972.
Par contre le film regorge de seconds rôles célèbres ou qui le seront. Diana Dors, bien que n’apparaissant qu’une dizaine de minutes à l’écran, sera ainsi annoncée comme la tête d’affiche lors de la sortie du film l’année suivante aux USA sous le titre de « Bikini Baby » (!). Puisqu’on parle du casting féminin, il faut noter que parmi les participantes au concours de beauté apparaissent les futures actrices Anne Heywood et Joan Collins ainsi que Ruth Ellis (qui connaitra la célébrité pour une toute autre raison : elle sera en 1955 la dernière femme exécutée en Grande-Bretagne).
Le casting masculin n’est pas en reste. Dennis Price (Kind Hearts and Coronets) joue une star imbue de sa personne, Alastair Sim (qui tourne « Scrooge » la même année) interprète un producteur de film ruiné, Stanley Holloway (My Fair Lady, Brief Encounter,…) le père de Marjorie, Syd James (la star des « Carry On ») le metteur en scène d’un spectacle « français », George Cole (star de la série télé « Minder ») le petit ami de Marjorie, ou encore John McCallum (It Always Rains on Sundays) l’industriel australien… Sans oublier Trevor Howard (Brief Encounter), qui fait une apparition non créditée et muette pendant le concours de beauté !
DVD zone 2 UK. Studio Optimum. Version originale avec des sous titres anglais.