Un drame social qui vous prend aux tripes, transcendé par la prestation incandescente de la toute jeune Liv Hill !
Jellyfish (2018)
Réalisé par James Gardner
Ecrit par James Gardner et Simon Lord
Avec Liv Hill, Sinead Matthews, Cyril Nri, Angus Barnett,…
Direction de la photographie : Peter E. Riches / Production design : Ariadne Bicknell / Direction artistique : Jonny Blackmore / Montage : Sian Clarke / Musique : Fumagalli
Produit par James Gardner
Drame
101mn
UK
Sarah (Liv Hill) est une adolescente qui vit avec sa mère et ses deux jeunes frère et soeur dans une petite maison à Margate, une station balnéaire défraichie du sud de l’Angleterre. A 15 ans, Sarah doit faire face à la dépression de sa mère, réduite à l’état de légume et incapable de s’occuper de ses enfants. C’est Sarah qui amène son frère et sa soeur à l’école et leur fait à manger.
Pour assurer qu’un minimum d’argent rentre, Sarah travaille à mi-temps sur un stand de jeux vidéos près de la jetée, et en guise d’extra, masturbe occasionnellement des habitués.
Quand sa mère, incapable de se rendre aux rendez-vous avec les services sociaux se voit couper ses allocations, Sarah décide de se rendre dans une boite de nuit pour trouver un pigeon qu’elle fait chanter pour avoir fait des avances à une mineur.
A l’école, elle se fait chahuter par les autres élèves mais ne se laisse pas faire. Sa pugnacité et ses répliques cinglantes amènent son professeur d’art dramatique Adam (Cyril Nri) à lui conseiller de s’essayer au stand-up. Mais le comportement erratique de Sarah oblige son professeur à la chasser du cours.
« Jellyfish » est sans cesse sur le fil du rasoir, son fragile équilibre sur le point de s’écrouler à tout moment. On ne peut que saluer l’audace de l’instigateur du film, co-scénariste et réalisateur James Gardner qui ose un tel sujet pour un premier film. Grâce à une écriture maitrisée (il a fait un joli travail avec son co-scénariste et producteur Simon Lord) et à l’interprétation de ses acteurs, « Jellyfish » ne tombe pas dans le misérabilisme pur et simple, et évite la démonstration trop lourde. Les personnages sont parfois un peu caricaturaux et frôlent la limite du vraisemblable : la mère est trop enfantine, le prof d’art dramatique trop compréhensif et le patron de Sarah trop salaud. Mais on ne tombe jamais dans la caricature pure et simple, reproduisant ici un sens de l’équilibre en matière de drame social qu’on ne pensait que trouver dans les meilleurs films de Ken Loach.
Et surtout, il y a Liv Hill. Réaliste, Gardner savait que l’équilibre de « Jellyfish » reposera entièrement sur les épaules de la jeune interprète du rôle principal et il cherchera de longs mois l’actrice idéale. C’est en tentant de rassurer l’agent de l’un de ses interprètes professionnels du film, Cyril Nri, sur la faisabilité du film, qu’il se voit proposer par celui-ci deux candidats. Parmi ceux-ci figure Liv Hill. Cette jeune fille, 16 ans pendant le tournage, arrive à délivrer une prestation lumineuse et d’une justesse époustouflante. Son passage sur scène à la fin du film, où elle fait son numéro de stand up et finit par confier au public la réalité de sa vie, est époustouflante. Qu’une actrice si jeune arrive à vous prendre les tripes de cette façon est un petit miracle en soi.
« Jellyfish » est un film indépendant réalisé sans budget et sans aucun support institutionnel (BFI y compris). Tout juste sorti de l’école de cinéma (la National Film & Television School), Gardner veut pouvoir compter sur ses anciens camarades, sait qu’il a peu de temps avant que ceux-ci s’éparpillent. Plutôt que de perdre du temps à chercher des financements, il décide de faire sans. Toute l’équipe a travaillé gratuitement sur le projet, avec la promesse d’une éventuelle rémunération une fois que le projet commencera à rentrer de l’argent.
Présenté au festival de Dinard, « Jellyfish » a raflé l’Hitchcock d’or, le grand prix du jury, le prix du meilleur scénario et le prix de la critique. Une catégorie spéciale, le prix d’interprétation, a même été créée à l’occasion pour récompenser Liv Hill.
Quant à nous, on attend avec impatience le prochain film de James Gardner et on suivra avec grand intérêt (euphémisme !) la carrière de Liv Hill qui avait déjà tourné préalablement dans la mini série de la BBC « Three Girls » et s’apprête à monter à 19 ans sur scène, mais pas n’importe laquelle, pas moins que celle du National Theater !
A noter que pour l’instant, malgré son triomphe à Dinard, « Jellyfish » n’a pas encore de distributeur en France, et n’y a été montré que dans le cadre de festival (dont celui des Ecrans Britanniques à Nîmes où je l’ai découvert). Espérons que cette incongruité trouvera une résolution au plus vite.