AVERTISSEMENT: En 2006, les éditions Edysseus m’ont demandé un texte sur les séries britanniques pour leur livre « Séries TV. Pourquoi on est tous fans » sous la direction d’Allan Gorsën. Au lieu d’écrire un essai sur la question, j’ai imaginé une nouvelle située dans le futur. En 2042, un archéologue en séries anciennes a rendez-vous avec le directeur de la 4BC, la corporation qui a remplacé la BBC suite à sa privatisation. Que vont-ils se dire ? Vous le saurez en lisant « Londres, 2042 : The (bloody) big one ».

Un grand merci à Mathias Daval et aux éditions Edysseus pour m’avoir permis de reproduire ce texte paru en 2007 et qui représente mon état d’esprit de l’époque. S’il y a avait quelques erreurs de jugement et approximations, je préfère les laisser. Je me suis permis juste de corriger les fois où j’utilise « anglais » à la place de « britannique », une faute courante chez les Français mais que j’ai appris à éviter ! 

Bonne lecture !

 


 

Londres, 2042 : The (bloody) big one

Je ne peux cacher une certaine appréhension en franchissant les portes d’accès ultra-sécurisées du siège de l’ex-BBC. Cette immense tour en verre, luxueuse, ultra-moderne, glaciale est à l’image de cette multinationale des médias. La 4BC (quatre B pour Bloody Big British Broadcasting Corporation) n’a plus grand-chose à voir avec l’étendard de la diversité et de l’identité culturelle britannique qu’était encore la BBC au début du siècle. La faute à une privatisation précipitée, à l’effet mondialisation ? J’aimerais en être sûr.

Mon titre de chercheur n’est qu’une excuse pour explorer ma passion de toujours : la fiction britannique. Il n’a pas été facile de décrocher un rendez-vous avec John Lugman, le très puissant directeur de la fiction qui chapeaute à lui seul l’ensemble des séries et téléfilms du groupe sur 156 chaînes généralistes et thématiques implantées aux quatre coins du monde. John a la réputation d’être très dur en affaires, d’avoir une tête qui ne passe pas la porte de son bureau, et d’avoir changé à jamais le visage de la fiction britannique. On prétend qu’il l’a révolutionné, professionnalisé et optimisé (ou annihilé, anesthésié et châtré). Bref, cet homme a autant d’admirateurs que d’ennemis. Et comme je fais partie de cette dernière catégorie, j’empoisonne la vie de ma femme depuis plusieurs semaines. L’idée de le rencontrer m’horrifie autant qu’elle me fascine.

D’un pas hésitant, je me dirige vers l’accueil, un immense espace aux couleurs chatoyantes, constitué à parts égales de tapis rouges, de plantes reconstituées et d’hôtesses robotisées prêtes à foncer sur vous afin d’avoir l’honneur de vous servir. Le tout est surmonté d’un énorme écran 5D constitué de multiples dalles reproduisant en direct ce qui passe actuellement sur une bonne partie des chaînes du groupe, et qui vous garantirait un mal de tête si vous aviez l’idée incongrue de le fixer pendant plus de trente secondes.

Armé de mon badge d’identification, je m’approche du Transporteur Vertical Heureux, un lointain descendant de l’ascenseur capable de deviner à l’avance où vous désirez aller. Et qui, comble du luxe, puise dans sa bonne humeur programmée pour vous faire la conversation pendant tout le trajet ascendant ou descendant afin d’être totalement sûr que vous n’auriez pas l’étrange idée de vous ennuyer, de penser à quelque chose ou de débuter une conversation de politesse avec un être humain.

La cabine du THV s’ouvre sur un palier anonyme où m’attend une hôtesse d’accompagnement, parfaitement semblable à celles situées en bas à l’accueil. Design élaboré et costume high-tech dessiné par un ponte de la mode. Ses gestes sont un peu hachés, sa peau d’une belle couleur métal, et le ton de sa voix reste globalement neutre (les tentatives pour recréer une certaine chaleur humaine sont plutôt risibles pour l’instant). Elle n’est pas aussi glamour que ses concepteurs l’auraient voulu, mais je dois dire que c’est un beau modèle très luxueux. Je me demande combien de machines de ce genre travaillent dans ces bureaux. Alors que je la dévisage, et que je tente de démarrer une conversation courtoise, nous passons par de longs couloirs où des panneaux de courbe d’audience en temps réel décorent les murs comme autant de tableaux de maîtres. Après avoir franchi un véritable dédale de couloirs, nous arrivons enfin dans la confortable salle d’attente voisine du bureau de John Lugman. Avant de me laisser seul, elle me signale la présence du distributeur automatisé qui pourra répondre à n’importe laquelle de mes volontés, que j’aie besoin d’un simili café, d’un pseudo croissant ou d’une revue quelconque (même si lire une revue en face d’un écran géant censé égayer votre attente en diffusant à plein volume un programme imposé n’est pas chose aisée).

C’est justement l’une des fictions phares du moment de 4BC 1, la chaîne principale du groupe, qui est diffusée. Une série d’une vingtaine d’épisodes qui sort chaque année depuis cinq ans simultanément dans le monde entier (sur la télévision et le web)  dans une dizaine de langues et avec une centaine de sous-titrages possibles. Un thriller efficace, survitaminé, aux images hystériques, aux multiples rebondissements rocambolesques (un tous les quinze minutes pour tenir le téléspectateur en haleine durant les coupures publicitaires), et qui se passe dans le cadre d’un Londres du XIXe siècle fantasmé et sombre (pour la touche Dickens), tordu en de multiples sens, et qui implique univers parallèles (merci Dr Who), voyage à remonter dans le temps (merci HG Wells), multiples bimbos (merci les implants mammaires), et grosses cylindrées british (merci Aston Martin)… Et bien sûr on n’oublie pas de plonger dans la marmite des personnages torturés et des histoires de famille (sordides mais pas trop). Puis on remue le tout, et on sert. Bref, du Made In Global World avec quelques touches locales pour l’exotisme.

Après trois quarts d’heure d’attente (M. Lugman est très occupé), sa secrétaire, l’exacte copie de toutes ses consœurs robotisées, me fait rentrer dans son bureau, une gigantesque pièce aux murs décorés de cadres vidéo des plus gros succès de la chaîne en matière de fiction.

Au fond de la pièce, entre trois palmiers décoratifs d’un beau violet (faux mais probablement biodégradables et sans ajout chimique), le bureau de Lugman est impressionnant. Armé de plusieurs écrans, de combinés téléphoniques, et d’ordinateurs intégrés à la structure même du plan de travail, c’est un meuble tout ce qu’il y a de plus high-tech. Le reste du mobilier est à l’avenant. Moderne, sophistiqué, lisse… : le top pour les cadres les plus efficaces.

John Lugman, m’accueille avec un grand sourire, pose le cigare thérapeutique qu’il mâchouillait nerveusement pour me lancer un grand bonjour tonitruant. L’homme a la stature de son job. Grand, athlétique, hâlé grâce à un système autobronzant probablement caché discrètement dans l’un des palmiers ou l’une des lampes de bureau, il entame la conversation avant même que j’aie fini de m’asseoir. Il n’a pas de temps à perdre et entend me le faire sentir.

– Alors, on m’a dit que vous êtes un chercheur spécialisé dans les fictions et surtout des séries britanniques du XXe siècle et du début du XXIe, c’est bien cela ?

Est-ce ma timidité naturelle qui me rend un peu parano ou y a-t-il effectivement un peu de mépris dans sa voix ? Allez, optons pour la première solution. Pas question de lui laisser l’opportunité d’abréger l’entretien en perdant mon calme.

– Oui, en effet. Je m’intéresse à la période avant la privatisation de la BBC, lui réponds-je comme si de rien n’était.

– Dites donc c’est de la préhistoire tout ça. Évidemment, je connais un peu le sujet, car c’est mon métier, mais qui ça peut encore intéresser ? Vous savez les choses ici ont bien changé depuis et c’est tant mieux si vous voulez mon avis personnel, grince-t-il en mordillant son cigare. Je tente immédiatement de me rattraper…

– C’est précisément pour recueillir votre témoignage que je suis là. Disons qu’il m’est absolument nécessaire de vous entendre pour comprendre les changements qui se sont produits depuis quelques années. Je ne vous cache pas que votre analyse sur le passé de la BBC en matière de fiction me serait très précieuse. Surtout pour saisir les évolutions en cours.

Je caresse le boss dans le sens du poil comme me l’a conseillé ma femme ce matin. Tel un gros matou, John Lugman se détend. Il roule de gros yeux et c’est tout juste s’il ne miaule pas en me répondant.

– Je peux vous réduire notre mutation en deux mots : professionnalisation et internationalisation. Avant la privatisation, la BBC produisait beaucoup, mais avec peu de moyens. Elle prenait également surtout en considération le marché national. Nous nous retrouvions donc face à des productions fauchées et nombrilistes.

– Vous ne pouvez nier que certaines des productions britanniques de l’époque ont connu une destinée internationale : The Office, Mr Bean, ou auparavant Chapeau melon et bottes de cuir, Thunderbirds, Le Saint ou encore Le prisonnier…,

Aïe, j’ai oublié un instant les conseils de ma femme. J’aurais dû continuer un peu dans les louanges avant de remuer le passé. Zut. Heureusement pour moi, John Lugman ne semble pas en prendre ombrage et adopte un ton pédagogique.

– Je vous arrête tout de suite. The Office a en effet reçu plusieurs golden globes aux USA (un fait rarissime pour une série britannique) mais croyez vous qu’on a diffusé la série originale que nous avions créée à des heures de grande écoute à travers le monde ? Non. Plusieurs pays nous ont acheté le concept, et ont diffusé leur propre version. Pourquoi ? Parce que nos productions étaient jugées trop anglaises/britanniques, et que les Américains ont de toute façon un urgent besoin d’américaniser tout ce qui vient de l’extérieur. Nous avons une liste sans fin de séries britanniques dont les pilotes versions US ont été produits puis jamais diffusés. Or, aujourd’hui nous ne voulons pas vendre des concepts, mais plutôt des produits finis. Cela rapporte plus. Le cas Mr Bean est une exception, car cette série était basée sur la performance physique de l’acteur et qu’elle était presque sans dialogue.

Puis il ajoute, le dédain reprenant le dessus :

– Quant à Chapeau Melon et bottes de cuir ou encore Le Prisonnier, ce sont des séries très datées, elles avaient peut-être un petit charme british pour l’étranger, je ne sais pas. J’avoue que ça n’est pas trop ma tasse de thé. Les effets spéciaux sont risibles non ?

Je m’accroche nerveusement aux accoudoirs de mon fauteuil. Je décide d’être un peu plus offensif.

– Mais une série comme Yes Minister, qui traitait des relations entre les politiques et les hauts fonctionnaires dans un ministère fictif des affaires administratives, a connu également un succès international au début des années 80. Pourtant, le sujet et les scénarios étaient bourrés de références typiquement britanniques, non ?

Lugman ne peut réprimer un haussement de sourcils. Il reprend son ton de maître d’école.

– Oui la série a été exportée dans les ex-colonies britanniques et aux USA. Mais on ne peut pas parler de déferlante mondiale, les références aux particularités du système administratif et politique britannique étaient trop nombreuses, la réalisation trop datée. Ce qui a joué en faveur de Yes Minister, c’est la qualité de l’écriture, quoiqu’un peu bavarde, et le trio humoristique formé par le politique benêt, le haut fonctionnaire manipulateur et le jeune diplômé pas encore déniaisé et partagé entre sa loyauté entre les deux hommes. Un trio comique tout à fait classique et universel incarné par de très bons comédiens. Par contre, nous ne referions plus l’erreur de faire des séries trop référencées sur le système politique et bureaucratique britannique. La série aurait pu se vendre dix fois mieux si on l’avait transposée dans un hôpital, non ?

Au moins connaît-il la série. J’avoue que suis étonné. L’homme est plus habile et cultivé que je ne le pensais. Mais son ton limite méprisant et sa façon de dénigrer les productions antérieures à son arrivée au pouvoir m’exaspèrent.

– Les fictions de cette époque se démarquent quand même souvent par une qualité d’écriture remarquable.

Il tourne la tête vers la fenêtre qui domine Londres, soupire, et me regarde fixement comme pour jauger ce que j’ai vraiment dans le crâne.

– Oui, mais une bonne écriture ne suffit pas à rendre une série commercialisable dans le monde entier. La majorité de nos séries étaient invendables, car elles n’avaient pas un ton assez global, manquaient de moyens et elles étaient trop courtes. Je m’explique. Elles reposaient souvent sur une ou deux personnes à qui on laissait trop de liberté de création. Une idiotie complète. Dans le cas des séries, le ou les créateur(s) écrivaient souvent eux-mêmes les scénarios de tous les épisodes. Pire ! C’était parfois l’un d’entre eux qui jouait en plus le rôle principal. Et la série entière était dirigée par un seul réalisateur. Il n’y avait pas du tout cet effort collégial et sain qui primait déjà à l’époque pour les séries américaines. Aux USA, l’idée venait souvent d’un ou deux créateurs producteurs qui éventuellement pouvaient écrire ou réaliser un ou deux épisodes, mais en gros il y avait un pool de scénaristes travaillant en équipe sur les scénarios et le réalisateur changeait presque à chaque épisode. Cela permettait d’optimiser la productivité, de créer des saisons beaucoup plus longues (avec une vingtaine d’épisodes contre six en moyenne en Grande-Bretagne), et donc d’inscrire vraiment la série dans la durée si le succès était au rendez-vous (combien de séries britanniques se sont arrêtées au bout de deux ou trois saisons juste parce que leurs créateurs voulaient passé à autre chose ?). Dans le système américain de l’époque, personne n’était irremplaçable, à part peut-être les acteurs principaux et encore voyez Urgences, je crois qu’ils ont dû changer tout le casting entre le premier et le dernier épisode. Et ce système a donné des séries au succès véritablement international et qui sont restées emblématiques de leur époque : Star Trek, Columbo, Dallas, Friends, Urgences, 24 heures, Lost ou encore les Sopranos, pour n’en citer que quelques-unes. En Grande-Bretagne, de rares séries répondent à ce critère de travail collégial : The Avengers ou Dr Who par exemple. Mais leurs budgets par rapport à des productions américaines équivalentes étaient ridicules.

– Et c’est aujourd’hui ce système collégial, hyper contrôlé, à gros budget, et aux ambitions internationales qui prévaut un peu partout dans le monde et notamment à la 4BC. Tout ça est très fort au niveau du marketing, mais n’y a-t-il pas du coup une uniformisation des séries ? Pourquoi ne trouve-t-on plus de séries au ton aussi original que par exemple The Mighty Boosh qui racontait les aventures surréalistes de deux gardiens de zoo entourés d’acteurs déguisés pour jouer les animaux ?

Je n’ai pas pu réprimer un ton un peu cassant. Et je sais que ma femme m’engueulerait de me laisser ainsi aller à provoquer l’homme le plus puissant du petit écran britannique, mais c’est plus fort que moi. En attendant, mon interlocuteur semble un peu désarçonné par mes questions. On ne doit pas lui parler sur ce ton tous les jours.

– Euh, je ne me rappelle pas cette série. Enfin, bon, vu le concept, vous aurez du mal à me faire croire qu’on a réussi à la vendre à l’international ? Ça m’a l’air d’être le cas typique de la série à petit budget fabriquée pour le seul public britannique ? Il faut bien comprendre qu’on a besoin de faire rentrer de l’argent à présent. Nous ne sommes plus sous perfusion de l’État et des téléspectateurs. Les deux tiers des revenus provenaient alors de la redevance.

J’aggrave mon cas en poursuivant sur le même ton.

– Mais même des chaines privées comme ITV ou Channel 4 ont sorti leur lot de séries originales…

– Elles se sentaient obligées de suivre l’exemple de la BBC qui était un modèle du genre depuis le début. Mais encore une fois tout ça était produit à petit budget pour le seul public britannique, et les chaînes se voyaient imposer des cahiers des charges très précis par l’État. On voulait faire de l’élitiste, de l’original, s’adresser au public britannique dans toute sa diversité. Depuis la Grande-Bretagne a appris à moins se regarder le nombril… Ce qui ne veut pas dire qu’on oublie notre culture. Ce qui marchait et marche encore aujourd’hui dans le genre au niveau international, ce sont les séries adaptées de classiques de la littérature et bien identifiés au niveau international, telles des séries adaptées d’Hercule Poirot, Sherlock Holmes ou de la très riche histoire britannique… Là on peut se permettre de mettre les moyens, et on sait d’avance que les ventes à l’international seront plus que satisfaisantes.

Il semble content de lui. Il ouvre un placard discret et en sort une flasque de scotch, il me propose un verre. Je décline et poursuis mon interrogatoire.

– J’en reviens à mon idée initiale. Cela uniformise les productions… Vous ne trouvez pas ?

Il se verse un verre et l’engloutit cul sec sans répondre à ma question. Je continue ma démonstration.

– Prenons un exemple. L’un des points marquants des fictions comiques du XXe siècle c’était justement la liberté de ton qui était donnée à des humoristes venant de la radio ou de la scène pour lancer leur propre projet aussi déjanté soit-il. On a déjà parlé de The Mighty Boosh, mais comment oublier Phoenix nights qui raconte les aventures d’un handicapé obèse propriétaire d’une boite de nuit, ou encore The League of the gentlemen qui narre la vie d’un village anglais peuplé de psychopathes, cannibales et véritables monstres, pratiquement tous incarnés par un quatuor de comédiens. Ah j’allais oublier l’inénarrable Bottom, une ode au mauvais goût et à la vulgarité.

– Encore une fois, les chiffres de vente à l’international ne devaient pas être terribles. Je pense que même la Lituanie n’en aurait pas voulu de toutes ces séries dont vous venez de parler. Eh oui certaines des séries de l’époque faisaient dans le vulgaire. Un acteur comme Rick Mayall (NDE : qui jouait dans Bottom, The New Stateman ou encore le quasi punk The young ones) est l’acteur type de ces comédies bien loin de l’humour distingué qu’on identifie souvent, je l’espère, à l’humour britannique. Et on pourrait parler aussi de The Royle Family qui dressait un portrait peu amène de la famille anglaise prolétarienne, Little Britain  qui  proposait une vision trash de la Grande-Bretagne du début du XXIe ou encore Men behaving badly qui rendrait presque attachants une bande de beaufs sexistes. Vous ne nous en voudriez pas nous reprocher d’avoir essayé de remonter le niveau, tout de même ?

OK, il connaît mieux la fiction ancienne que je le croyais. Mais les connait-il de nom et de réputation ou les a-t-il vraiment vus ? Cette dernière réplique a en tout le don de m’énerver. Je me maîtrise à grand-peine pour ne pas sortir de mes gonds.

– Justement ces séries avaient un côté défouloir, satirique et trash qu’on ne voyait quasiment jamais ailleurs à la télé, surtout à la fin du XXe siècle. Et quid des séries politiques provocantes à souhait ? J’ai déjà mentionné le très fameux Yes Minister, mais il y avait aussi le très noir House of Cards ou la montée irrésistible d’un politicien sans aucun scrupule et prêt à tuer pour accéder au pouvoir, ou encore The new Stateman, version grand-guignolesque et hilarante d’un politicien prêt à toutes les perversions et crimes pour s’enrichir. Les Britanniques ont aussi, je crois bien, inventé le programme télévisé de satire politique incarné par des marionnettes avec Spitting image lancé par ITV au début des années 80. Pourrais-je aussi mentionner le téléfilm The Deal sur la période Tony Blair diffusé alors que celui-ci était encore au pouvoir et signé par un grand réalisateur de l’époque, Stephen Frears (conçu à l’origine pour ITV et finalement diffusé par Channel 4) ?

John Lugman a l’air assez amusé de mon énervement, et accueille ma tirade avec un petit sourire.

– Concernant le téléfilm mentionné, il est vrai qu’à l’époque des feuilletons ou séries conçus et développés pour une chaîne pouvaient très bien finir chez le concurrent ou parfois les séries changeaient même de chaines en cours (NDE : c’est le cas de Men Behaving Badly qui est passé d’ITV à BBC One à partir de la saison 3). Quant aux sujets politiques, ils permettaient surtout aux chaines d’affirmer leur prétendue indépendance par rapport au pouvoir. Mais bon les fictions politiques, ce n’est pas très vendeur. Enfin quel est l’intérêt de cracher dans la soupe ? Vous ne voulez pas qu’on sorte une série sur les abus de la télévision, non plus ?

– Beaucoup de séries britanniques à l’époque étaient très ancrées dans la réalité politique et sociale de leur époque. Même les soaps comme Eastenders ou Coronation Street. C’est ce qui faisait également leur intérêt.

– Intéressant pour qui ? Nous préférons aujourd’hui faire des séries plus intemporelles. La critique ou l’ancrage dans la réalité sociale et politique du moment, c’est bien joli, mais c’est vite dépassé et pas exportable. Et puis les gens veulent rêver, pas voir la réalité sur leur écran. Quand la BBC a été privatisée, nous avons revu complètement notre manière d’aborder la fiction. Le but était de vendre des produits finis dans le monde entier. Aujourd’hui nous avons assimilé les méthodes d’outre-Atlantique, et en prenant comme modèle les plus beaux succès américains, nous arrivons à des résultats très honorables. Nous avons instauré un « new deal » avec nos téléspectateurs, qu’ils soient anglais ou chinois.

C’est un adepte de Roosevelt ? C’est vraiment du grand n’importe quoi !

– Quelle est cette nouvelle méthode ?

J’essaie vraiment de ne pas mettre un iota d’ironie dans ma question. Apparemment, soit je suis bon acteur, soit il s’en fiche, car il a décidé de me répondre sur un ton enthousiaste.

– Nous avons recours à des pools de scénaristes, nous produisons moins, mais mieux avec plus d’argent. Quant aux acteurs, nous embauchons également des comédiens américains pour diversifier et apporter des têtes d’affiche à la dimension un peu plus internationale. Pour nos comédies, nous essayons d’aboutir à un humour un peu moins référencé, plus universel… L’humour britannique avait trop tendance à jouer de l’absurde… Vous rappelez-vous du Monty Python Flying circus? Voilà une série ou plutôt une succession de sketches qui ont marqué des générations de comiques britanniques, et il a fallu des décennies pour leur apprendre qu’on pouvait être drôle sans faire des trucs complètement bizarres qui n’ont aucun sens pour 99 % de la population mondiale.

Heureusement que je n’ai pas accepté son offre de verre. Je pense que je me serais étranglé en le buvant rien qu’à l’entendre. Je me contente de rebondir le plus poliment possible.

– Un autre aspect des productions britanniques de l’époque c’était le mariage entre le réseau radio et télévision de la BBC. Il y avait un échange constant entre ces deux médias, des séries radio devenaient des séries télé (l’un des cas les plus célèbres étant The Hitchhiker’s guide to the galaxy) et ces dernières faisant l’objet d’adaptation audio.

– Oui c’était permis par une écriture finalement assez proche. Les séries de l’époque, radiophoniques ou télévisuelles, étaient largement basées sur le texte. Aujourd’hui nous mettons plus de visuel dans nos réalisations donc l’échange à moins de raison d’être. Je tiens aussi à signaler que nous avons aujourd’hui recours à des talents du monde entier. Nous travaillons avec des boites de productions chinoises, des acteurs thaïlandais, des scénaristes finlandais,… Nous n’allons pas nous contenter des seuls talents britanniques. Puis, vous savez, c’est sain, ça crée de la concurrence. Chacun se surpasse pour être le meilleur.

Mon stylo étant tombé en panne, il me tend le sien sur lequel je remarque le sigle d’une boîte de production audiovisuelle chinoise. Ô ironie !

– Quels sont vos projets ?

– Nous préparons actuellement une série de téléfilms sur Dickens. En essayant quand même d’enlever le côté trop triste et glauque de la version originale. On met un paquet dans la reconstitution historique, les décors, les costumes. Ça va être très beau. Nous nous attendons à d’excellents chiffres. Par ailleurs, on a une jolie histoire de quatre amis qui débutent dans la vie active et qui partagent un appartement. Bon ça se passe à Londres, mais ça pourrait se passer n’importe où, hein ? Nous préparons également une nouvelle version de Dr Who, une série SF mythique qui passionne les Britanniques depuis près d’un siècle. Un record de longévité, mais elle demeure trop peu connue en dehors de nos frontières. Aussi cette fois-ci, nous avons embauché Lucasfilm pour les effets spéciaux, et remplacé notre vieux docteur par une superbe jeune femme, très prometteuse. Mais vous la connaissez sûrement. Il s’agit de Chloë Young.

Ce nom ne me dit absolument rien. Il le devine et s’en étonne.

– Il faut lire les journaux mon garçon ! Chloë vient de faire péter l’audimat dans un récent jeu réalité aux USA. Mais nous ne nous asseyons pas sur la créativité, bien au contraire, nos scénaristes sont bien payés, mais nous n’oublions pas non plus la rentabilité, c’est un impératif si la 4BC veut continuer à être dans le peloton de tête des plus importants réseaux de télévision. Et nous le souhaitons tous, n’est-ce pas ?

Comme depuis quelques minutes déjà, John Lugman regarde sa montre avec quelque impatience, et tapote son combiné visio-téléphonique qui a bipé avec une belle régularité pendant toute la durée de notre entretien, je décide d’en finir et de lui présenter mes remerciements. Il m’accompagne lui-même à la porte de son bureau, et c’est avec un grand sourire et une franche poignée de main qu’il me dit au revoir avant d’ouvrir la porte.

Au moment où je ne franchis la porte, M. Lugman pose amicalement sa main sur mon bras.

– Vous qui aimez les vieilleries, descendez voir M. Keith Douglas. Il dirige notre département archives. Ses bureaux sont au sous-sol. Je vais l’appeler de suite pour le prévenir de votre arrivée. Il a une excellente connaissance des antiquités. Il yoyote un peu, mais c’est un gentil garçon.

La porte claque dans mon dos, sèchement. L’hôtesse de tout à l’heure revient vers moi, le même sourire figé aux lèvres. Elle m’escorte dans les couloirs déserts et c’est un peu déprimé que je quitte l’étage du sémillant M. Lugman. Pourquoi être mélancolique ? Après tout, John Lugman n’a fait que confirmer ce que je sais déjà. Moi qui aimais le côté décalé des antiquités britanniques comme il les appelle, j’ai néanmoins l’impression d’avoir reçu un coup de palmier sur la tête… à moins que ce ne soit un excès de rayons UV ?

La perspective de reprendre ce foutu Transporteur Vertical Heureux ne fait rien pour me remonter le moral, mais puisque les escaliers ont été définitivement supprimés en 2030, je n’ai guère le choix. La descente du 56e étage au troisième sous-sol me semble étonnamment longue. Et ce, malgré la voix guillerette de l’ascenseur sur fond de musique à la fois entraînante et relaxante. Cette bande-son spécialement étudiée pour lutter contre le stress et optimiser la productivité des employés ne marche donc pas à tous les coups.

Le sous-sol se révèle presque une agréable surprise. Des murs blancs, pas de musique d’ambiance ou d’écrans géants, juste un bureau et des étagères à perte de vue débordantes de ce qui me semble de loin un mix incroyable d’antédiluviennes pellicules, de préhistoriques cassettes vidéos ou d’antiques DVDs… Quant au sieur Keith Douglas, je le trouve tout simplement assis à son bureau en train de pianoter sur le clavier de son ordinateur qui a l’air tout aussi vénérable que ses archives.

Keith se lève de sa chaise et me lance un grand sourire. Si l’on pouvait imaginer un individu opposé en tout point au grand John Lugman, ce serait Keith Douglas. Un embonpoint bien avancé, un visage poupon entouré d’une barbe irrégulièrement taillée, des yeux pétillants, les vêtements dignes, mais fatigués… Une antithèse parfaite de son patron. Il me serre la main et me désigne de l’autre un fauteuil déglingué.

– La secrétaire de M. Lugman m’a annoncé votre venue. Je suis très heureux de vous recevoir ici. Cet endroit a malheureusement tendance à sombrer dans l’oubli comme les archives qu’il renferme. Je vous ai vu regarder bizarrement mon ordinateur. Oui c’est un vieux PC tournant sous Windows. Je dois avoir l’un des derniers équipés de ce vieux système. Ici, c’est un musée archéologique jusqu’au système informatique.

– Lugman m’a dit que vous êtes un adorateur des fictions britanniques du XXe et début XXIe siècle.

– C’est vrai, confie-t-il en riant. J’ai une vraie nostalgie des fictions de cette époque surtout celles d’avant les années 80 qui sont généralement considérées comme constituant l’âge d’or de la fiction britannique. Je suis particulièrement fan des séries et feuilletons de Science Fiction. Car comme vous le savez sûrement, l’une des originalités britanniques était aussi le succès incroyable des fictions de SF. Parmi les premiers grands succès de la télé britannique figurent The Quatermass Experiment en 1953 ou une adaptation de 1984 de George Orwell l’année suivante, tous deux scénarisés par le grand Nigel Kneale. Sans parler plus tard des succès du Prisonnier à la fin des années 60 qui a connu une destinée internationale ou de Blakes 7, une décennie plus tard. Et j’allais oublier les mythiques Thunderbirds ou Cosmos 99! Mais bon, ma série préférée reste bien sûr Dr Who qui a débuté en 1963 et triomphait encore dans sa nouvelle version apparue en 2005 !

Je sors mon carnet numérique et commence à noter à la volée ce qu’il me dit.

– Pourquoi la fiction télévisuelle britannique a-t-elle été aussi prolixe ?

– Elle a largement profité de la quasi-inexistence du cinéma britannique écrasé par Hollywood. Beaucoup de gens très créatifs et talentueux se sont tournés vers la télévision, et ça n’avait vraiment rien de péjoratif. De plus, il y avait une vraie passerelle entre la scène, la radio et la télévision.

– Qu’est-ce qui fait pour vous l’originalité des fictions de l’époque ?

– Une grande liberté de ton, répond Keith sans hésiter. Les auteurs étaient encore aux commandes et pouvaient développer des projets originaux et audacieux, avec beaucoup de références sociales et politiques. Bref, pas très exportables comme a dû vous l’expliquer M. Lugman. Une autre particularité de l’époque mérite d’être signalée. Beaucoup d’argent pouvait être investi dans le développement et le scénario. Les budgets consacrés à l’écriture étaient ainsi souvent bien plus élevés que ceux pratiqués par le cinéma.

– On parle souvent d’un âge d’or de la fiction britannique. C’est un mythe ou une réalité ?

– Une réalité en ce qui me concerne, répond Keith avec un large sourire. Cet âge d’or correspond à une époque qui va grosso modo de la moitié des années 50 à la fin des années 70. Il y avait alors un vrai espace pour les pièces filmées et les téléfilms, et pas seulement pour des séries. Les chaines avaient des cadres bien précis comme Armchair Theatre  diffusé sur ITV (457 téléfilms entre 1956 et 1980) ou  Wednesday Play (64-70) qui est devenu Play for Today (jusqu’en 1984) pour la BBC (pour en tout plus de 470 productions). Ces téléfilms-pièces filmés, parfois carrément expérimentaux et très branchés sur le réalisme social, ont donné une opportunité et lancé la carrière de nombreux écrivains, scénaristes et réalisateurs (de Denis Potter à Ken Loach en passant par Harold Pinter). Certains de ces téléfilms attiraient jusqu’à 12 millions de téléspectateurs à la fin des années 50. La forme et le fonds pouvaient varier, mais toute la vie humaine dans sa diversité était là.  Ironiquement c’est un Canadien Sydney Newman qui a permis cette révolution et prôné le réalisme social dans les fictions télés qui avant préféraient s’intéresser aux faits et gestes de la haute société. Tout ceci s’est achevé bien vite à la fin du XXe quand on a découvert qu’il était beaucoup plus économique et plus facile de lancer des séries avec toujours les mêmes décors et le même casting. En 2001, les fictions sérialisées représentaient ainsi 80% des fictions produites.

Keith a vraiment une connaissance encyclopédique du sujet. Je dois avouer qu’il me désarçonne autant avec son savoir que John Lugman a pu le faire avec sa morgue.

– Il y a donc eu une véritable dégradation dès la fin du XXe ?

Il soupire.

– Les télévisions voulaient plus de fictions pour moins d’argent. Les budgets se sont mis à baisser assez brutalement. On a aussi voulu embaucher des scénaristes qui venaient du soap parce qu’ils écrivaient plus vite ou des équipes de scénaristes bossant ensemble à l’Américaine. Beaucoup de séries britanniques du XXe étaient limitées entre six et dix épisodes par saison. Pas assez pour les cadres dirigeants qui voulaient plus d’épisodes pour les séries qui marchaient. Puis les sujets abordés ont été bridés et davantage contrôlés à mesure que le nombre d’intervenants sur les séries s’est multiplié et que les chaînes via des responsables du développement ont affiché une réelle volonté d’intervention sur le contenu. Dans les années 1990, il y a eu aussi l’apparition et la multiplication des reality shows. Bien moins chers à produire. Écrire un scénario n’amène que des frais supplémentaires. Du coup au début du XXIe siècle, la tendance générale allait vraiment vers cette nouvelle forme de programmes (qu’ils traitent de jardinage, de cuisine ou de la vie des célébrités). Ce mouvement a été mené par des jeunes équipes de production qui n’avaient pas les qualités requises pour écrire de bons scripts et qui n’en avaient que faire. Cette génération est née dans un monde où le littéraire était en déclin, symbolisé par une écriture empruntée aux emails et SMS, une forme d’écriture flémarde et complètement étrangère au principe même de force et de beauté issue de phrases ciselées avec soin… Une formule qui avait fait le style de la fiction britannique. Bref, la qualité même des fictions produites à l’époque s’en ressentait complètement. Ce qui n’a pas empêché certains bijoux d’éclore, mais bien moins nombreux que dans les années 70. Encore faut-il souligner qu’on les doit à des personnalités talentueuses et excentriques et non issues de l’esprit de producteurs (Mighty Boosh, Little Britain,…). Il y avait enfin ce mimétisme américain qui est apparu à la même époque. Normal puisque le câble et le satellite (via notamment le puissant service BskyB de Murdoch) ont permis l’implosion des importations de fictions US. Le triomphe de la nouvelle version de Dr Who à partir de 2005 (dont le lifting d’après l’un des scénaristes aurait été inspiré par Buffy, une série US de l’époque pour adolescents !) a amené plusieurs contre-offensives notamment de la part d’ITV qui a lancé Primeval.  Un téléfilm comme Bleak House en 2005 a été également symptomatique, important le style d’effets caméra des séries US de l’époque dans le drame historique. Enfin d’autres séries du début du XXIe comme State of Play ou Life on Mars ont remporté un grand succès critique et public. Du coup certains ont parlé d’un retour de l’âge d’or britannique de la fiction. Mais étaient-elles si bien que ça ou nous étions-nous déjà habitués à une certaine médiocrité d’écriture ?

Il n’y va pas de main morte. Je suis un peu démoralisé par le portrait très sombre brossé par Keith. Moi qui pensais que le mal était beaucoup plus récent et qui me fait une image très idéalisée de la fiction britannique d’antan… C’est d’un ton dépité que je pose la question suivante :

– Bref le Monty Python Flying Circus n’aurait plus été possible en 2001 ?

– Si, il se faisait encore des choses originales et osées au début du XXIe siècle. Mais il est clair que même avant la privatisation de la BBC et la quasi-situation de monopole qui a suivi, la situation était particulièrement tendue. D’un côté, vous aviez les chaînes interlocutrices pour la fiction (en gros la BBC, Channel 4 et ITV) et d’un autre côté une pléthore de maisons de production indépendantes, et enfin les auteurs. Certains de ces derniers ont constitué leurs propres maisons de production pour s’assurer une certaine indépendance et garder le contrôle de leurs projets. Les auteurs ont aussi dû affronter une situation où leurs créations se sont retrouvées saucissonnées par les coupures publicitaires de plus en plus nombreuses. ITV a été pionnière en la matière. Mais justement, ce qu’on pouvait déjà voir à l’œuvre à l’époque était un processus cynique d’écriture de scénarios ayant pour seul objectif de trouver le dénominateur commun le pus bas possible afin de vendre le maximum d’espace publicitaire.

Ma dernière question est purement formelle. Je connais bien sûr déjà la réponse.

– Et que pensez-vous de l’avenir de la fiction britannique ?

– Nous travaillons depuis longtemps à l’américaine. Ce qui a ses atouts et ses désavantages. À mon sens nos fictions ont perdu de leur âme, mais s’exportent bien. C’est de la télé popcorn, facilement digérable. Mes patrons sont très contents, moi je me sens bien entouré au milieu de mes archives.

Même si finalement notre discussion n’a guère été plus optimiste dans le fond que celle que j’ai eue quelques instants auparavant avec John Lugman, la passion de Keith m’a réchauffé le cœur. J’ai trouvé, auprès de lui, la mine d’informations que je cherchais. Avant de partir, je parcours à nouveau du regard les étagères surchargées de cette immense salle souterraine. C’est avec un immense plaisir que je passerais ici une partie des prochaines années. Si le paradis existe, il doit ressembler à ça, me suis-je dit en quittant les lieux. Il ne me reste plus qu’à fonder un Centre de recherche sur la fiction britannique télévisuelle. Si de votre côté vous connaissez de sympathiques et richissimes mécènes. Merci d’envoyer vos chèques à Megadodo Publications sur la Petite Ourse.

Court lexique (encore vrai en 2007) :

BBC : fondée en 1922, la BBC (aussi baptisée the beeb ou auntie) reste à ce jour le plus grand système de diffusion télé et radio dans le monde en termes d’audience. En grande partie financée par une redevance audiovisuelle  et donc le public (ce qui représente à peu près les deux tiers de son budget), la BBC se doit de produire des émissions et des fictions pour tous qu’ils soient un bébé (elle est ainsi à l’origine les Teletubies), une vieille dame, un Écossais ou un Londonien.  Elle  a pour mission théoriquement d’être au service complet du public et de se libérer de toutes pressions commerciales et politiques. L’histoire a montré que c’était chose fort complexe, et on a souvent reproché à la BBC d’être une entreprise d’État. La BBC a commencé régulièrement à diffuser une chaine télé à partir de 1936. La deuxième chaine télé de la BBC, BBC2 a été lancée en 1964. N’oublions pas non plus deux petites nouvelles : BBC Three, lancée en 2003 pour le public des jeunes adultes (et qui est à l’origine de Little Britain ou Torchwood) et encore BBC 4, plus élitiste, qui a lancé la satire politique The Thick of it et rediffuse de vielles fictions. Bien entendu la BBC s’appuie également sur la BBC World service qui diffuse à travers le monde, et sur un réseau radio équivalent à celui de Radio France. Le catalogue fiction de la BBC est bien entendu prestigieux : Absolutly fabulous, The Office, Dr Who, Bottom, Coupling, Dad’s army, Blackadder, The Monty Python Flying Circus, Fawlty towers, The league of gentlemen,

ITV (Independant television) : C’est la chaine privée la plus populaire. Elle a été fondée en 1955 pour concurrencer la BBC. En fait, elle est constituée d’un réseau comprenant quinze stations régionales. ITV comporte aussi cinq chaines numériques. Au niveau fiction, on leur doit les classiques Chapeau melon et bottes de cuir, Le Saint  Le Prisonnier, les nouvelles séries très classieuses de Sherlock Holmes et Hercule Poirot, le trashy Footballer’s wives ou dans un genre complètement différent Benny Hill ou Mr Bean.

Channel 4 : chaine de service public fondée en 1982 pour rompre le tête à tête entre la BBC et ITV. Même si elle est entièrement financée par des fonds privés, elle dépend d’une corporation publique. Au niveau fiction, on leur doit des séries comiques réussies comme IT Crowd, Green wing, Black Books, Phoenix Nigths, Spaced, la première série homo de la télé Queer as Folks, la série alternative The Comics strip presents ou dans un genre différent le téléfilm historique Elizabeth I… C’est également la chaine qui a lancé en Grande-Bretagne Big Brother, le jeu emblématique de la téléréalité. Channel 4 a enfin acquis en Grande-Bretagne les droits de grosses pointures américaines comme Friends, Six feet under, Desperate housewives, Les Simpsons,  Nip/Tuck ou encore Sopranos.

Guide du best of des séries  britanniques (choix très personnel).

Attention pour les éditions UK car les chaînes, souvent également éditrices de leurs propres séries, se donnent rarement la peine de mettre des sous-titres même en Anglais pour les malentendants).

  • Absolutly fabulous: portrait trash du monde de la mode. Mais qui ne connaît pas déjà ? A ne pas confondre avec le terrible film français adapté de la série et intitulé « Absolument merveilleux ». J’en frémis encore. (Cinq saisons de 1992 à 2002. DVDs sortis en France. BBC Video)
  • Blackadder, la vipère noire : un classique de la série britannique qui a révélé Rowan Atkinson, alias Mr. Bean. Blackadder est un personnage immonde qui traverse les époques au fil des quatre saisons – du moyen-âge à la Première Guerre mondiale. (Quatre saisons. Coffret intégral en VO sous-titrée en français chez TF1 vidéo)
  • Black books : série loufoque qui se passe dans une librairie. Avec un formidable trio d’acteurs. (Trois saisons. Les deux premières sont sorties en DVD en France chez KVP)
  • Chapeau melon et bottes de cuir (The Avengers): Classique s’il en est. L’une des séries britanniques les plus connues au monde. Fer de lance du « british style » aux scénarios délirant n’hésitant pas à mélanger espionnage, SF, humour et touches d’érotisme. La période Emma Peel est tout simplement un sommet de la fiction télé (1961-1977. DVD disponibles en France chez Canal + vidéo)
  • Coupling: série sur le sexe. Bien meilleur que Sex and the city. (Quatre saisons de 2000 à 2004. DVD Uk seulement (sans sous-titres). BBC video)
  • Dr Who: Série SF qui bat tous les records de longévité. La nouvelle version inaugurée en 2005 fait péter l’audimat. (L’intégrale des saisons est toujours en cours en Grande-Bretagne. Les deux premières saisons du nouveau Dr Who sont déjà sorties chez France Télévisions)
  • The Hitchhiker’s guide to the galaxy (H2G2): une série radio mythique qui est devenue ensuite une trilogie de cinq livres (publiés chez Folio SF) et un film (H2G2). La série télé reprend les six épisodes réalisés plaqués à 90% sur le feuilleton radio original, effets ultra kitsch en plus. Le double DVD est somptueux (Une saison. En Anglais seulement avec sous-titres anglais. BBC Vidéo)
  • House of Cards: probablement la fiction la plus noire jamais tournée sur le monde politique. (Huit épisodes (1990). DVD en anglais seulement avec sous-titres anglais. BBC Video)
  • The League of gentlemen: une comédie horrifique et sadique interprétée par quatre comédiens d’exception. La première saison est un monument. L’histoire s’est malheureusement finie par un film plutôt mauvais qui a fait un bide retentissant outre-Manche (Trois saisons. DVD en anglais avec des sous-titres en anglais. BBC Video)
  • Life on Mars : série policière de la BBC lancée en 2005 et qui part sur un principe absurde : un policier trentenaire tombe dans le coma et se retrouve téléporté en 1973. Bons acteurs et excellente bande-son. Une révision intelligente et souvent drôle du sempiternel feuilleton policier. Gros succès en Grande-Bretagne et à l’international. Distribué en France par Warner Home Video.
  • Little Britain: un triomphe en Grande-Bretagne et pourtant cette galerie de portraits du citoyen britannique de base est assez ignoble ! (Saison 1 déjà disponible en France en VOST. BBC video)
  • Le Prisonnier: Grand classique paranoïaque de la télévision britaninque. (17 épisodes. TF1 vidéo)
  • The Mighty Boosh: plus surréaliste que cette série menée par deux zigotos qui travaillent dans un zoo entourés d’acteurs en costumes d’animaux, tu meurs ! (Deux saisons depuis 2004. DVD UK seulement. BBC video)
  • Monty Python’s flying circus: la référence bien sûr en matière d’humour anglais. Composée de sketchs sans queue ni tête. L’art de l’absurde porté à son paroxysme. (Bizarrement à ce jour, l’intégrale de la série en 14 DVD n’existe qu’en zone 1 (A & E Entertainment). Les Grands Bretons de leur côté doivent se contenter d’un best of  en deux DVD (BBC Video) et récemment d’un Monty Python’s personal best (Sony)!
  • The Office: le monde du travail vu à la façon d’un documentaire. A préférer aux remakes made in America & France. (Deux saisons plus épisodes de noël. Coffret disponible en France en VOST. BBC/Warner Vision France)
  • Only Fools and Horses: deux frères dans la dèche multiplient les combines pas très honnêtes pour s’enrichir. Élue meilleure série britannique par les Britanniques eux-mêmes. (Huit saisons plus épisodes spéciaux de 1981 à 2003. DVD UK seulement)
  • The Quatermass Experiment : cette courte série de science-fiction datant de 1953 a marqué la télévision britannique. Elle a connu trois suites télévisuelles (en 1955, 1959 et 1979), toutes écrites par Nigel Kneale, dont les deux plus anciennes réunies dans un coffret DVD avec les deux épisodes restants de la première série (BBC Vidéo)
  • Spaced : deux jeunes colocataires déjantés. La même équipe sortira la parodie de films de zombie Shawn of the dead. (Deux saison. 1999 et 2001. DVD UK seulement. Channel 4)
  • Threads : docudrama de 1984 où l’on suit la destinée de deux familles anglaises de Sheffield liées par l’annonce soudaine de l’arrivée prochaine d’un bébé alors qu’en toile de fond une crise dégénère entre la Russie et les Etats-Unis. Une bombe nucléaire va finir par tomber sur Sheffield. Un docudrama poignant, très réaliste, où rien n’est épargné au téléspectateur (BBC Vidéo).
  • Yes Minister/Yes Prime Minister: la meilleure comédie politique du monde ? Hilarant, très bien vu, écrit de main de maître (Cinq saisons de 1980 à 1988. DVD UK seulement. BBC video).