Une variation intéressante sur le vampirisme ruinée par des problèmes de production qui ont entrainé le réalisateur (Robert Hartford-Davis) à renier son film.
Incense for the Damned (1970)
(Suceurs de sang)
Réalisé par Robert Hartford-Davis
Ecrit par Julian More d’après le roman de Simon Raven
Avec Patrick Macnee, Peter Cushing, Patrick Mower, Alexander Davion, Johnny Sekka, Madeleine Hinde, David Lodge, Edward Woodward,…
Directeur de la photographie : Desmond Dickinson
Musique : Robert Richards
Produit par Graham Harris
Horreur
87mn
UK
Brillant professeur à Oxford, Richard Fountain (Patrick Mower) part en Grèce pour effectuer des recherches. Mais le Ministère des affaires étrangères (dirigé par son père) est informé que Richard serait impliqué dans des affaires de drogue.
Sur le papier, « Incense for the Damned » était un projet ambitieux. Il a été filmé entièrement en décors naturels en Grèce et à Oxford et réunit un casting inégal mais mené par Peter Cushing et Patrick Macnee. Le scénario quant à lui propose une relecture du mythe du vampire comme une déviance sexuelle et se permet une critique assez acerbe du milieu académique élitiste à la sauce britannique.
Malheureusement, la production (trop ambitieuse ?) a été entachée par de graves problèmes financiers. Le tournage a été ainsi stoppé durant l’été 1969 pour ne reprendre que quelques mois plus tard avec un autre réalisateur, des scènes ont été retournées (mais visiblement pas assez). La production a ensuite effectué un montage à la va vite, avant de le sortir sous divers titres un peu partout. A noter que de nombreuses copies du film ne mentionnent pas le nom du réalisateur ou alors un pseudo (Michael Burrowes), le réalisateur original Robert Hartford-Davis ayant bien entendu renié toute paternité sur le film qu’il considérait comme inachevé.
Il est peu probable que « Incense for the Damned » ait eu une chance un jour de devenir un bon film, mais l’effet cumulé du montage et du mixage audio hasardeux, du blabla psycho-scientifique, de la voix off envahissante et du jeu des acteurs pas toujours très convaincants font qu’on a parfois l’impression d’être devant un film de série Z tourné avec les pieds. Ce qui est quand même un peu injuste pour Hartford-Davis qui avait déjà un certain nombre de longs à son actif, dont le film culte de la british sexploitation : The Yellow Teddy Bears (1963) et l’un des films d’horreur les plus intéressants tournés par Peter Cushing à la fin des années 60 : « Corruption » (1968).
Dans la copie que j’ai visionnée (dont le titre est « Freedom Seekers »), il y a une scène d’orgie (où se mélangent sexe, drogue et mort) filmée de manière très 70s. Apparemment la présence de cette scène est aléatoire. Et dans certaines autres copies, une autre scène (avec des acteurs différents) a été rajoutée. La scène d’orgie permet quand même de prendre un peu plus au sérieux le culte étrange décrit dans le film, et de constater dans quel pétrin s’est mis le héros.
En l’état « Incense for the Damned » est il irregardable ? Non. Il y a quelques bons moments à côté de ceux purement ridicules (la prêtresse du culte, avec sa mini jupe et son maquillage bien datés, est quand même gratinée et la voir à dos d’âne est assez surréaliste). Reste que la tentative d’apporter un peu de sang neuf dans le mythe du vampire est louable (pardon pour le jeu de mot). Ici les « vampires » ont une dentition normale et le vampirisme est une déviance sexuelle au coeur d’un « culte » pratiqué par de beaux jeunes gens (ce qui permet de montrer quelques scènes chargées sexuellement et un peu de nudité). Jusqu’à la fin, le scénario se débrouille pour ne rien montrer qui puisse être vu comme surnaturel. Ce qui fait que le film achevé, on est toujours libre de croire au vampirisme ou non.
L’un des titres alternatifs du film « Freedom Seekers » est un indice sur le sujet principal du film (même s’il n’est pas exploité aussi bien qu’on aurait pu l’espérer). Fils du ministre des Affaires Etrangères, Richard est un jeune professeur d’université brillant mais sexuellement impuissant car symboliquement castré par un milieu universitaire fermé sur lui-même et rigide où son amitié avec un étudiant noir est mal vue (des rumeurs courent sur sa potentielle homosexualité), et où le responsable de l’université, qui le voit en potentiel successeur, contrôle sa vie et le pousse à épouser sa fille. Son discours à la fin du film est une véritable déclaration de haine contre l’establishment et le vampirisme apparait alors comme une déviance échappatoire.
[xrr rating=5/10]
DVD zone 1. Studio Image Entertainment (2001). Version originale sans sous-titres. Egalement présent sur le DVD : « Blood Thirst ».