Portrait d’une femme résiliente pour qui le rire est l’unique mode de survie. Une interprétation incandescente de Maxine Peake
Funny Cow (2017)
Réalisé par Adrian Shergold
Ecrit par Tony Pitts
Avec Maxine Peake, Stephen Graham, Paddy Considine, Alun Armstrong, Tony Pitts,…
Direction de la photographie : Tony Slater Ling / Direction artistique : Ellie Dyson / Porduction design : Candida Otton / Musique : Richard Hawley
Produit par Kevin Proctor
Comédie dramatique
103mn
UK
Une jeune femme (Maxine Peake) rêve de faire carrière dans le stand up. Mais dans le nord de l’Angleterre des années 70, y-a-t-il de la place pour une femme qui veut faire de la comédie ?
Une femme sur scène, clope à la main, raconte des histoires drôles et des passages de sa vie qui a l’air d’avoir été nettement moins amusante. Par une série de flashbacks, on va découvrir une femme abîmée par la vie dès son enfance mais qui montre une résilience incroyable. Quand ses camarades la traînent dans la boue parce qu’elle a tendance à enjoliver la réalité, elle rit. Quand son père la bat parce qu’elle refuse de lui servir son thé, elle lui réplique crânement : « Tu as l’air fâché ». Même phrase qu’elle sortira à Bob (Tony Pitts), son mari, quelques années plus tard quand celui-ci la battra pour des raisons tout aussi triviales (non qu’il y ait de bonnes raisons pour frapper quelqu’un !!).
On ne connaît pas son nom, juste le pseudo d’artiste que lui a donné un vieux comique du circuit, Lenny (Alun Armstrong) usé par les planches. « Funny Cow » (la vache drôle !) rêve de devenir comique. Lenny le premier lui dit de ne pas monter sur scène. C’est une femme, le public voudra qu’elle chante ou qu’elle se déshabille. Personne ne veut d’une femme drôle, d’ailleurs une femme ne peut pas être drôle.
Mais pour Funny Cow « un changement de voie professionnelle » n’est pas une option. Faire rire les autres, c’est sa seule chance de survie face à la violence qui l’entoure. Et si elle a du mal avec la violence souvent physique qu’elle subit, elle n’encaisse pas non plus la violence symbolique que lui fait subir son nouveau petit ami, le libraire Angus (Paddy Considine). Funny Cow est condamnée à être une « outsider ». Une femme issue des classes populaires qui veut faire rire.
Le film « Funny Cow » est une plongée réaliste dans le Nord de l’Angleterre des années 70. L’univers des pubs et des petites salles de province y est montrée avec une certaine affection mais aussi avec un réalisme revendiqué quitte à choquer le public contemporain. Le répertoire de blagues de Funny Cow ne correspond guère à l’humour actuel, il est emprunt de racisme, d’homophobie et de misogynie. Le public y est souvent dans un état d’alcoolémie avancé et les insultes fusent.
Le personnage de Funny Cow est saisissant. Inspiré de Marti Caine, une comique du Nord de l’Angleterre qui avait acquis une certaine popularité dans les années 60-70, il est superbement incarné par Maxine Peake. C’est cette dernière qui a apporté le pitch du film à l’acteur/scénariste Tony Pitts (qui joue également Bob dans le film). Il leur faudra pas moins de neuf ans pour réaliser leur projet, le script étant jugé trop sombre.
La réalisation est signée par Adrian Shergold, réalisateur télé qui avait fait ses débuts au cinéma en 2005 avec « The Last Hangman« . Grâce à la réalisation, à un script bien équilibré et des acteurs parfaits, le film reste sobre, ne tombe pas dans le misérabilisme et évite d’enfoncer des portes ouvertes à l’enfilade. C’est un portrait sensible d’une femme résiliente qui doit se battre pour réussir dans un monde d’hommes. Une thématique importante remise plus que jamais sur le devant de la scène avec l’éclatement de l’affaire Weinstein en avril 2017, mais il est assez ironique qu’il est justement fallu attendre 2017 pour que le projet se concrétise !