Avant-dernier film d’Hitchcock, « Frenzy » est un thriller provocant et glaçant d’ironie qui marque son retour en Angleterre.

Frenzy (1972)

Réalisé par Alfred Hitchcock

Ecrit par Anthony Shaffer d’après le roman d’Arthur La Bern

Avec Jon Finch, Barry Foster et Alec McCowen,…

Directeur de la photographie : Gilbert Taylor

Produit par Universal Pictures

Thriller

116 mn

UK

Un serial killer qui étrangle ses victimes avec des cravates sème la terreur dans Londres. Richard Blaney (Jon Finch), qui travaille comme serveur dans un pub de Covent Garden, devient le principal suspect suite à l’assassinat de son ex épouse.

« Frenzy » marquait le retour en Angleterre d’Alfred Hitchcock trente ans après son départ pour Hollywood où il partit filmer « Rebecca » (1940) et où il poursuivit la carrière que l’on sait.

Un retour en grandes pompes avec l’un des films les plus personnels du maitre. « Frenzy » s’ouvre sur une longue séquence filmée en hélicoptère pendant laquelle la caméra suit le  cours de la Tamise, passe Tower bridge et finit par s’approcher de la rive, où est réuni un large groupe de personnes. Le tout accompagné d’une musique enjouée. Puis on entend la voix d’un ponte local qui promet une Tamise nettoyée de la pollution. Mais rapidement l’attention du groupe se porte vers la rive où apparait le corps dénudé d’une femme avec une cravate autour du cou. Le politicien qui se presse également pour voir la scène, croit reconnaitre la cravate de son Club. Il est rapidement évacué par son entourage.

Dès cette première scène, Hitchcock pose le ton du film : Perversion et ironie dans un Londres rempli de ces créatures étranges ô combien sadiques : les Anglais.  Hitchcock est à l’aise, il est de retour chez lui. Et pour enfoncer le clou, il décide de tourner les trois quarts du film dans le quartier de Covent Garden, à l’époque encore pour quelques années un véritable marché de primeurs, et où il avait passé son enfance.

« Frenzy » est peut être le film le plus ouvertement pervers d’Hitchcock. Le côté très graphique du meurtre de l’ex-femme de Richard, la nudité des corps violentés et refroidis, les visages déformés des deux femmes assassinées,… Hitchcock ne s’embarrasse pas de demi tons, il utilise des couleurs primaires et (très) vives.

Nous ne sommes pas ici dans un « whodunit ». L’identité du tueur n’est pas le sujet (identité de toute façon très rapidement éventée). Ici le suspense repose sur le fait de savoir comment l’innocent accusé à tort va bien pourvoir s’en sortir. Une lourde tâche, car Jon Finch incarne un anti héros et véritable looser.

« Frenzy » est notamment remarquable par son portrait très acéré des Anglais ou plutôt des couples anglais où l’épouse frustrée écrase invariablement un mari effacé : le jeune vieux couple de l’agence matrimoniale (dont la femme impose une hygiène de vie très stricte à son futur mari avant même d’avoir quitté l’agence), la femme du détective qui lui impose un régime alimentaire des plus expérimentaux (pour un Anglais),  le couple d’amis de Richard dont le mari finalement renonce à fournir un alibi à ce dernier pour faire plaisir à sa femme.

Le film n’est pas exempt de défaut. Il est très, très bavard, prend son temps, et se paie même le luxe de faire (apparemment) du sur-place et des digressions (notamment les scènes avec le détective et de sa femme – qui sont à la fois inutiles au niveau de l’intrigue – le détective se contentant de commenter l’enquête – et nécessaires par l’ironie et le décalage qu’elles introduisent – participant au ton d’ironie constante qui constitue la véritable identité et la raison d’être de « Frenzy »).

Comme souvent, Hitchcock nous livre ici plusieurs scènes d’anthologie. Notamment quand le meurtrier tente de récupérer la broche restée dans la main de sa victime et doit pour cela vider le sac de pommes de terre à l’arrière d’une camionnette en marche sans se faire remarquer par le chauffeur (un suspense remarquable où on finit par espérer que le serial killer va retrouver sa broche sans se faire prendre). On appréciera également les scènes (faussement gratuites donc) où le détective discute de l’affaire avec sa femme pendant qu’il tente de ne pas avaler une seule bouchée des plats peu succulents qu’elle lui apporte. Enfin, si le premier meurtre est remarquable par sa cruauté et sa violence,  lors du deuxième meurtre, la caméra n’accompagne pas la victime et son bourreau et quitte les lieux du crime en travelling arrière pour revenir dans la rue, passant de l’intimité du meurtre au brouhaha impersonnel de la rue. Autant de scènes magistrales.

Le film bénéficie également d’un casting sans la moindre faute de goût (on saluera notamment Jon Finch qui avait été révélé l’année précédente dans l’excellent « Macbeth » de Roman Polanski).

 Blu-ray et DVD Universal Pictures (2014). VF et VOST. Making of de 45 mn. Trailer.

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