L’âme cornouaillaise transposée à l’écran par Mark Jenkin entre drame, film d’horreur et film expérimental. Le résultat est aussi hypnotisant que déconcertant
Enys Men (2022)
Ecrit et réalisé par Mark Jenkin
Avec Mary Woodvine, Edward Rowe, Flo Crowe, John Woodvine,…
Directeur de la photographie, montage et musique : Mark Jenkin
Produit par Denzil Monk
Drame / Horreur
UK
Depuis 2002, le cornouaillais Mark Jenkin développe un cinéma personnel à travers des cours et longs métrages pour lesquels il fait des choix formels audacieux. C’était le cas déjà dans « Bait » (2019) qui a rencontré un joli succès critique et a été édité en blu-ray par le BFI.
Ici il abandonne le noir et blanc développé par ses soins dans une solution à base de marc de café (!) pour la couleur avec une pellicule Kodak en 16mm qui a visiblement subi aussi quelques « outrages » pour s’adapter au rendu visuel voulu par Jenkin. Il n’abandonne pas son contrôle total sur le rendu visuel et sonore du film. Il gère lui-même la photographie, le son, musique et le montage.
On ne sera guère étonné non plus du sujet du film qui met une nouvelle fois en scène sa terre natale de Cornouaille, ses habitants, son folklore et son histoire. Ici l’action se déroule sur une ile inhabitée au large de la Cournaille en 1973. Une femme (Mary Woodvine) vit seule dans une petite maison rustique et effectue quotidiennement des mesures. Mais des personnages (venus de son passé ?) font leur apparition et le lichen semble prendre possession lentement des fleurs et d’elle même.
Le tournage a en fait eu lieu sur la péninsule de West Penwith, célèbre pour ses paysages rocailleux, ses villages de pécheurs et ses mines d’étain abandonnées. Le film, quasiment sans dialogue, met en scène le passé cornouaillais, de ses racines païennes, à ses histoires de marin et de navires échoués à ses mineurs. Dans « Enys Men », les époques semblent perméables et se mélanger au grès des marées. N’attendez pas de grille de lecture facile, Jenkin maintient le mystère et c’est au spectateur de se débrouiller avec les indices épars que le réalisateur daigne partager.
Moins accessible que « Bait », « Enys Men » pourra agacer ou envouter, c’est selon votre réceptivité ou vos attentes. Jenkin met en tout cas en place avec succès une ambiance à la fois hypnotisante, dérangeante et angoissante (on est souvent au bord de l’horreur mais sans y plonger réellement).
En France, « Ennys Men » a été montré à la quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes, au festival de Dinard puis à celui des Ecrans Britanniques qui avait consacré un hommage à Jenkin en 2020. Comme pour « Bait », une sortie française ne semble pas être prévue, ce qui est quand même dommage vue la personnalité distinctive des ces films.
Merci Nicolas pour cet excellente analyse du film Enys Men, qui me sort un peu du brouillard (Cornouaillais).
Catherine