Un film noir sur le monde du casino qui a marqué le grand retour de Mike Hodges derrière la caméra et mis Clive Owen sous le feu des projecteurs
Croupier (1998)
Réalisé par Mike Hodges
Ecrit par Paul Mayersberg
Avec Clive Owen, Nick Reding, Nicholas Ball, Gina McKee, Alex Kingston, Kate Hardie,…
Direction de la photographie : Michael Garfath / Production design : Jon Bunker / Direction artistique : Ian Reade-Hill / Montage : Les Healey / Musique : Simon Fisher-Turner
Produit par Jonathan Cavendish pour Channel 4 Films, Arte, WRD
Crime / Drame
94mn
UK / Allemagne / France / Irlande
Jack Manfred (Clive Owen) se rêve écrivain mais vit à Londres sans le sous chez sa copine, Marion (Gina McKee), une ancienne flic qui est désormais agent de surveillance dans un magasin. Quand son père Jack Sr (Nicholas Ball) l’appelle d’Afrique du Sud pour lui proposer de le recommander pour un boulot de croupier dans un petit casino londonien, Jack accepte à à contrecœur. Là il va faire la rencontre de personnages hauts en couleur, mais est bien décidé à rester la tête sur les épaules… et pourquoi en faire le sujet de son premier roman.
« Croupier » est un film noir où l’on suit Jack, un jeune homme qui hait les joueurs (comme son père) et se targue de calculer tous les risques. Il observe avec hauteur et distance, comme dans un zoo, les clients du casino, des perdants professionnels ou amateurs, et ses collègues, Matt (Paul Reynolds) qui veut profiter du système ou Bella (Kate Hardie) ancienne prostituée qui cherche un peu d’humanité.
Mais, malgré sa prudence et son honnêteté revendiquées avec fierté, Jack se retrouve à enfreindre les règles du casino malgré ses bonnes intentions que ce soit avec ses collègues ou, pire, avec un cliente, Jani (Alex Kingston). Va-t-il perdre pied ?
« Croupier » marque le grand retour de Mike Hodges, réalisateur au premier film cultissime (Get Carter, 1971) mais qui depuis a eu une carrière en dents de scie. Son dernier film date alors de 1989, un thriller fantastique à la sortie en salles avortée (« Black Rainbow » ressorti heureusement en Blu-Ray en juillet 2020). En 1994, il avait quand même signé une minisérie pour la télévision britannique « Dandelion Dead » (1994) mais son retour au cinéma était très attendu.
Rien de pire que les mauvaises surprises après tant d’attente, mais heureusement « Croupier » est un bon film criminel. L’usage abondant de la voix off, que je n’apprécie guère habituellement, est ici fait à bon escient, de façon logique. Jack est un écrivain apprenti et il commente sa vie face à nous comme s’il en était juste à la fois auteur (dans le sens où il provoque ou maîtrise les événements et les personnages) et spectateur objectif et nous ses lecteurs potentiels. Ce qui est bien entendu ironique, car il n’a aucun contrôle sur les événements et est bien entendu très subjectif.
Clive Owen, qui s’était fait connaître au Royaume-Uni grâce à la série télé « Chancer » (1990-91) y décroche l’un de ses premiers rôles majeurs au cinéma avec « Bent » l’année précédente dans un genre bien différent (il y joue un homosexuel incarcéré dans un camp de concentration nazi).
C’est bien sûr très agréable de retrouver Mike Hodges à la tête d’un bon film. Sa réalisation est assurée et met en valeur le scénario original de Paul Mayersberg, scénariste à qui on doit les adaptations de « The Man Who Fell to Earth » (1976) et « Eureka » (1983) pour Nicolas Roeg, et de « Furyo » (1983) pour Nagisa Ôshima, qui est passé avec moins de succès à la réalisation durant les années 80. Heureusement il confie ici son scénario à un réalisateur plus expérimenté.
« Croupier » nous dresse un portrait réaliste et cruel du monde du casino un peu bas de gamme avec sa faune disparate et sordide. On est loin du film américain flamboyant fantasmant sur les casinos de Las Vegas. Notons d’ailleurs qu’ironiquement le film était passé inaperçu lors de sa sortie anglaise, et qu’il a fallu attendre le succès surprise de sa sortie américaine trois ans plus tard pour que le film devienne un succès commercial.
Mike Hodges retrouvera Clive Owen pour son dernier film, malheureusement pas aussi réussi, le polar « I’ll Sleep When I’m Dead » (2003).
DVD FR. Studo Phares et balises (2004). Version originale avec sous-titres en français. Aucun bonus.