Un mélange étonnant mais convaincant de deux genres aux antipodes, le film de sexploitation et le drame social
Cool It, Carol! (1970)
Réalisé par Pete Walker
Ecrit par Murray Smith
Avec Robin Askwith, Janet Lynn, Jess Conrad, Derek Aylward, Harry Baird,…
Direction de la photographie : Peter Jessop / Montage : Tristam Cones / Musique : Cyril Ornadel
Produit par Pete Walker
Drame / Erotique
102mn
UK
Quand on parle des films « érotiques » anglais qui ont envahi les écrans de la fin des années 60 à la fin des années 70, on utilise souvent le terme générique de « sex comedies ». Si une bonne partie sont effectivement des sortes de comédies (pas très drôles) avec plus ou moins de nudité pour attirer le spectateur, d’autres appartiennent à un genre très différent. Ce « Cool it, Carol! », souvent âpre et glauque, s’approche plus du drame social, par le sujet mais surtout par le ton.
« Cool it, Carol! » raconte l’histoire de deux jeunes provinciaux Joe (Robin Askwith) et Carol (Janet Lynn). Ils montent à Londres pour découvrir la capitale et trouver du boulot sur place. Joe veut travailler dans la vente de voiture et Carol rêve de devenir modèle. Mais ils sont surtout des proies faciles dans la jungle urbaine et leur aventure va prendre un tournant sordide quand ils vont se retrouver à court d’argent.
Carol et Joe ne connaissent pas les codes de la ville. Dès leur arrivée, Carol s’étonne ingénument « Tu as vu les Noirs ? ». Ils se perdent dans le trafic incessant des voitures, hèlent avec difficulté un taxi pour finir dans un hôtel miteux. La vie à Londres coûte cher et difficile de trouver un boulot quand on a aucune relation (Joe s’invente une amitié avec un pilote automobile, Carol pense pouvoir contacter une petite célébrité de la télévision qui faisait partie du jury d’un concours local de beauté qu’elle a gagné).
Pour se créer un portfolio gratuitement afin de proposer ses services de modèle, Carol accepte de poser nue. Mais elle doit attendre plusieurs jours pour récupérer les clichés et les deux amis sont à court d’argent. Joe propose alors à Carol d’aborder quelques hommes pour leur proposer de coucher. Juste histoire de gagner quelques livres pour se nourrir et payer l’hôtel. Après quelques essais infructueux, ils sont abordés par un homme qui le lendemain fait venir d’autres « clients »… pendant que Joe attend dans le salon, de plus en plus anxieux. Ils iront jusqu’à accepter de tourner un porno.
Ce qui ne dérange pas forcément Carol (« je ne pensais pas que c’était si facile de se faire de l’argent ») mais Joe dépense plus d’argent qu’ils n’en gagnent. C’est un cercle vicieux. Leur situation commence cependant à s’améliorer. Carol pose comme modèle professionnel pour des grands photographes avec Joe comme manager (ou plutôt proxénète) car parallèlement on lui offre toujours plus d’argent pour des prestations sexuelles. Comment refuser cet « argent facile » ? Sauront-ils s’arrêter à temps ?
Autant dire que même si on voit la jolie Carol nue plusieurs fois dans le film, on repassera pour le côté sexy. Comme nombre de drames sur la société permissive, « Cool it Carol! » aurait pu prétendre mettre la morale de son côté en jouant l’avertissement sur les pièges tendus aux jeunes naïfs en quête de liberté. Non sans transformer le spectateur en voyeur obscène. Spectateur mis au même niveau que le vieux pervers en train de regarder Joe et Carol faire l’amour pendant le tournage de leur scène porno. Mais « Cool it, Carol! » ne fait pas de son personnage central une victime. Elle est innocente mais à la fois bien plus mature que Joe. Elle assume d’ailleurs ce qu’elle a fait et c’est elle qui mettra fin à leur vie de luxure londonienne.
Le réalisateur Pete Walker et son scénariste Murray Smith ont tiré l’histoire du film d’un fait divers du tabloïde News of the World, C’était l’occasion pour Walker de passer à un niveau supérieur après les comédies sexy qu’il avait tournées les années précédentes. « Cool it, Carol! » réussit à faire le pont entre le film social et dramatique et le film d’exploitation, ce qui n’est pas une mince affaire ! A noter qu’on a droit aussi à un aperçu très intéressant de ce Londres de la fin des années 60 à l’opposé des images d’Épinal des « swinging sixties » mortes depuis bien longtemps.
Evidemment, la plupart des critiques ont condamné le film à sa sortie. Choqués par le sujet, la nudité ou encore par une fin positive en contradiction avec la morale, surtout quand on traite d’un sujet si glauque (et montré comme tel !). Pour la morale, on repassera ! Le film a connu un joli succès en salle, notamment aux Etats-Unis où il est sorti sous le titre provocant « The Dirtiest Girl I Ever Met ».
Les deux acteurs principaux font très bien leur boulot. C’était le premier rôle de Janet Lynn qui est parfaite dans le rôle de Carol, mais qui a abandonné rapidement le cinéma (elle mettra fin à sa carrière deux ans plus tard avec « Nobody Ordered Love » de Robert Hartford-Davis – film par ailleurs perdu). Son partenaire à l’écran Robin Askwith avait quant à lui déjà tourné à la télévision et au cinéma (notamment un petit rôle dans « If… » de Lindsay Anderson) et il deviendra l’un des symboles des sex comedies des années 70 en tournant dans « Carry on Gilrs » (1973) et en acceptant le rôle principal dans la série de films, devenue un classique du genre, des « Confessions of a… » de 1974 à 77.
Depuis quelques années, les critiques et éditeurs vidéo s’intéressant à la sexploitation britannique qui fut pendant longtemps ignorée et dénigrée. C’est le cas ici puisqu’en 2023 « Cool it, Carol! » a été enfin édité dans un somptueux coffret blu-ray par l’éditeur 88films avec trois autres films de sexploitation de Pete Walker. Coffret contenant de nombreux bonus qui permettent de contextualiser ces films qui à défaut d’avoir connu un succès critique ont été de gros succès populaires.