Un classique visuellement très beau mais dont le discours sur la glorification du sport et du dépassement de soi a mal vieilli
Chariots of Fire (1981)
(Les chariots de feu)
Réalisé par Hugh Hudson
Ecrit par Colin Welland
Avec Ben Cross, Ian Charleson, Ian Holm, Nigel Davenport, Lindsay Anderson, John Gielgud,…
Directeur de la photographie : David Watkin
Musique de Vangelis
Produit par David Puttnam pour Enigma Productions
Drame / sport
119mn
UK
Harold Abrahams (Ben Cross) rejoint Cambridge. Juif, il éprouve quelques difficultés d’insertion parmi la crème de l’élite britannique. Il focalise toute son énergie sur la course, et se découvre un adversaire digne de lui, l’Ecossais Eric Liddell (Ian Charleson).
Est-il besoin de présenter « Chariots of Fire » ? Le film aux quatre Oscars dont celui du meilleur scénario et du meilleur film a pour réputation d’avoir relancé l’industrie du film britannique, moribonde, grâce à son triomphe public et critique. Une industrie qui avait vécu une crise sans précédent après le retrait des capitaux américains à la fin des années 60.
En acceptant son Oscar, le scénariste Colin Welland s’était même écrié « The British are coming ! » (en fait un clin d’oeil à un épisode de la révolution américaine). Mais qui s’avère presque prémonitoire puisque l’année suivante c’est encore un film britannique qui remporte l’Oscar du meilleur film : « Gandhi » de Richard Attenborough.
Mais bon plus de trente ans ont passé et il est toujours dangereux de revoir des vieux classiques. Ne risque-t-on pas d’être déçus. N’en a-t-on pas fait un peu trop sur « Chariots of Fire » ?
D’abord l’évidence. La reconstitution (les costumes qui ont été récompensés par un Oscar aussi bien que les décors) est luxueuse. On est littéralement transporté dans les années dix et vingt à Cambridge, en Ecosse ou encore à Paris pour les Jeux Olympiques de 1924. La photo de David Watkin est tout simplement splendide.
Le film a mis à la mode les images de sportif filmés au ralenti sur une musique épique, ici le fameux thème de Vangelis (Oscar de la meilleure musique) qui est repris depuis à toutes les sauces (pubs, parodies,…). Les séquences en question restent tout à fait regardables et la musique de Vangelis n’a pas trop mal vieillie.
En fait ce qui pourra le plus gêner le spectateur contemporain est le discours unilatéral de glorification du sport et du sens de l’effort. A une époque où le sport a été entaché de nombreuses affaires de dopage et de gros sous, l’image du sportif de haut niveau s’est largement effritée.
Des deux héros-adversaires du film, celui du juif Harold Abrahams reste le plus moderne, le plus compréhensible. Ses doutes, son acceptation parmi l’élite toujours susceptible d’être remise en question, sa rage quasi maladive et enfantine de gagner,… tout ça le rend humain. On ne peut pas en dire autant du personnage de l’Ecossais Eric Liddell, presbytérien intégriste qui décide de placer Dieu au-dessus de la patrie et du sport (et refuse donc de participer à une compétition des jeux car elle a lieu un dimanche !). L’homme nous sert des discours sur le dépassement de soi grâce à Dieu qui pourront agacer. Là certains me diront que le sentiment de persécution du juif Abrahams est également un peu agaçant. Pas faux. Mais au moins, Abrahams est dans le doute alors que Liddell est coincé dans une certitude béate.
On pourrait aussi critiquer « Chariots of Fire » pour son chauvinisme outrancier. Pour un film britannique, peut-être. Si on le compare à un film américain lambda sur un sujet similaire, c’est du nationalisme de petit joueur ! A noter que les élites britanniques sont quand même critiquées pour leur anti-sémitisme et leurs valeurs dépassées (les deux dirigeants de l’école, racistes, snobinards et pompeux, incarnés par John Gielgud et Lindsay Anderson, sont ridiculisés) et que les deux héros sont un juif et un Ecossais. Anti-élites certes mais pro-britannique quand même. « Chariots of Fire » c’est aussi la nostalgie d’un empire et d’un royaume vraiment uni.
Finalement que « Chariots of Fire » ait rencontré son public à une époque où des conservateurs comme Reagan et Thatcher étaient au pouvoir n’est finalement pas si étonnant. Aujourd’hui, on ne pourrait plus faire un film avec un tel discours sans y mettre un peu de distance (enfin j’espère).
Le scénario signé Colin Welland est également parfois un peu confus avec ses flashbacks et ses ellipses. Les personnages secondaires manquent également de finition, à part le celui de l’entraîneur professionnel de Harold, Sam Mussabini (Ian Holm).
Ne vous méprenez pas. « Chariots of Fire » reste tout à fait regardable aujourd’hui. Il est juste très daté dans son discours et souffre (à mon avis) de petits défauts de construction narrative.
Le réalisateur Hugh Hudson va profiter de l’élan créé par le film pour continuer sur sa lancée de productions somptueuses dignes d’Hollywood : « Greystoke » (1982), une relecture intelligente du mythe de Tarzan et le fameux « Revolution » en 1985 dont l’échec cuisant va marquer l’effondrement de la carrière de Hudson mais aussi des ambitions de luxe du cinéma britannique. Amen, comme dirait Eric Liddell.
DVD / Blu-ray 20th Century Fox. Version française et version originale sous titrée en français.