Le plus gros succès de la BBC depuis des lustres, « Bodyguard » est un thriller politique trop calibré et assez invraisemblable

Bodyguard (2018)

Série créée et écrite par Jed Mercurio

Réalisé par John Strickland et Thomas Vincent

Avec Richard Madden, Sophie Rundle, Keeley Hawes, Vincent Franklin, Gina McKee,…

Direction de la photographie : John Lee / Direction artistique : Steve Wright et Henry Jaworski / Montage : Andrew McClelland et Steve Singleton / Musique : Ruth Barrett et Ruskin Williamson

Produit par Priscilla Parish et Eric Coulter pour World Productions

Première diffusion sur BBC One le 26 août 2018

Thriller/drame

UK

*Cette critique est garantie 100% sans spoiler*

« Bogyguard » est l’un des plus beaux succès de la BBC en termes d’audience. La série a ainsi enregistré les meilleurs débuts pour un nouveau drama depuis 2006 pour s’achever avec les meilleurs scores depuis le début de la mesure d’audience multi écrans en 2002 ! La série a ainsi commencé vers les 10 millions de téléspectateurs cumulés pour finir à 17 millions ! Un succès qui a poussé Netflix a se saisir de la série et à la distribuer un peu partout avec un joli succès. Grâce à la puissance de feu du géant américain, « Bodyguard » est l’une des séries de l’automne 2018.

« Bodyguard » ne vient pas de nulle part. La mini série de 6 épisodes s’inscrit dans un genre qui a largement fait ses preuves en Grande-Bretagne, le thriller politique. On se souvient de « Edge of Darkness » (1985),  « House of Cards » (1990-1995), « State of Play »  (2003), « The State Within » (2006), « Secret State » (2014),…

Le créateur Jed Mercurio ne casse pas les codes du genre. Une guerre entre services, la corruption et l’immoralité installées aux plus hauts échelons du pouvoir, des politiques prêts à tout pour arriver à leurs fins, des complots en pagaille,… Quand ils parlent de politique, les Britanniques ne font pas dans la dentelle. Même quand il s’agit d’aborder le sujet avec humour (« Yes Minister », « The Thick of It »,…), ça tape dur !

Petite originalité ici toutefois, le contre-pouvoir est assuré par un ancien militaire, atteint de stress post traumatique, devenu garde du corps, David Budd (Richard Madden). Ce qui permet d’humaniser le personnage. Derrière son air impassible d’ancien militaire toujours droit comme un piquet se cache une âme torturée. Dès la première scène, dans le train, le personnage est posé. Sensible, intègre et humain (il est prêt à défier les ordres si besoin) même dans les circonstances les plus dangereuses. De la graine de héros.

Mais on voit rapidement, dès que David rentre chez lui après avoir déjoué un acte terroriste, qu’il ne va pas bien. Le retour à la réalité avec son ex est terrible. Après avoir déposé ses deux jeunes enfants, et s’être fait rembarrer, il doit retourner chez lui, seul, dans un appartement bien entendu vide et triste.

Suite à son acte de bravoure, voici donc notre nouveau héros promu et délégué à la sécurité du ministre de l’intérieur, Julia Montague (Keeley Hawes). D’abord très froid avec elle, surtout quand il réalise que celle-ci a voté pour la guerre quand elle était au parlement, David finit par tomber sous son charme. Evidemment, ce n’est pas une bonne idée ! Mais au moins est il aux premiers rangs pour voir que des choses pas claires se déroulent autour de la ministre, qui est en train de pousser pour le vote d’une loi qui restreindra les sécurités individuelles au profit de la lutte contre le terrorisme (sujet à la mode mais traiter ici sans grande profondeur). Etrangement, cela ne plaît pas à tout le monde. Mais au point de tenter de tuer la Ministre ?

« Bodyguard » n’entrera pas dans l’histoire de la télévision britannique pour sa subtilité. Le créateur de la série sort les armes lourdes. Il y a un peu de tout, du suspense, de l’action, des machinations politiques, des séquences d’émotion. Normal. C’est plutôt bien fichu, mais niveau vraisemblance par contre, c’est très moyen. Et quand ton cerveau commence à te souffler « Non, ça c’est trop gros », ce n’est pas bon signe. Et le bougre s’est rebellé plusieurs fois pendant le visionnage de ces six épisodes. Le final, aussi improbable qu’artificiel, est la petite cerise sur ce gâteau décidément plus proche de l’oeuvre d’un industriel de l’agro-alimentaire que d’un artisan passionné (t’en viens presqu’à jouer le vieux c*n et à te dire quand même que la télévision britannique, c’était mieux avant). Le manque d’audace est flagrant. C’est du calibré, mon bon monsieur. Et oui, il y aura une saison 2…

« Bodyguard » a été créé par un scénariste réputé de la télévision britannique, Jed Mercurio, ancien docteur et officier de la Royal Air Force. De ce background original, il a tiré une inspiration marquée par l’éclectisme. Il a inauguré sa collaboration avec la BBC avec la comédie dramatique hospitalière « Cardiac Arrest » (1994-96). Il a continué avec la mini série de SF « Invasion: Earth » (1998) en passant par la sitcom nostalgique « The Grimleys » (1999-2001) sur une famille des West Midlands dans les années 70,  avant de retourner à l’hôpital avec le drame « Bodies » (2004-06) et « Critical » (2015). Il s’est également lancé dans le genre maître de la télévision britannique, la série policière, avec son plus gros succès « Line of Duty » (créée en 2012, et toujours en cours).

Le casting est plutôt bien foutu. L’acteur  Richard Madden (Robb Stark dans « Games of Thrones » et Cosimo dans « Medici: Masters of Florence ») déploie son accent écossais dans toute sa splendeur. Il a ce qu’il faut de force et de fragilité pour rendre son personnage assez crédible – malgré une écriture grossière. Madden avait déjà travaillé avec Mercurio en 2015 sur son adaptation télé de « L’amant de Lady Charterley ». Keeley Hawes est également une habituée de la télé et du cinéma britanniques. Elle s’était notamment fait remarquer à la tête de la série « Ashes to Ashes » (2008-2010). On l’a vu également dans une série de Mercurio (« Line of Duty »).

Quelques mots rapides à propos des réalisateurs – 3 épisodes chacun, les trois premiers par Thomas Vincent, et les trois suivants par John Strickland. Ce dernier a fait quasiment toute sa carrière à la télévision britannique (depuis la fin des années 80) et avait déjà travaillé avec Mercurio sur « Bodies » et « Line of Duty ». L’autre réalisateur de la série, Thomas Vincent est lui français. On lui doit une poignée de films (Karnaval, Je suis un assassin,…). Côté télévision, il a bossé avec Canal sur « Versailles » et sur les productions télé internationales comme « Borgia » et « Tunnel ». Il a également signé le téléfilm sur Bob Denard « Mister Bob » (2011). C’est étonnant mais il s’agit bien de sa première collaboration avec Mercurio !

Actuellement disponible sur Netflix France  (novembre 2018)