Premier film de Mike Leigh, une comédie dramatique sur les difficultés de communication et la souffrance que cela engendre.
Bleak Moments (1971)
Réalisé et écrit par Mike Leigh
Avec Anne Raitt, Sarah Stephenson, Eric Allan, Mike Bradwell,…
Directeur de la photographie : Bahram Manocheri
Produit par Les Blair
Comédie dramatique
UK
Sylvia (Anne Raitt), une jeune fille timide mais intelligente, tente de sortir de sa solitude tout en s’occupant de sa soeur Hilda (Sarah Stephenson), handicapée mentale… Mais entre une collègue de travail pot de colle, un petit ami professeur et bloqué ainsi qu’un jeune guitariste introverti qui s’occupe d’une imprimerie clandestine dans sa cave,…
« Bleak Moments » est le premier long de Mike Leigh et sa première oeuvre filmée. Il a été produit grâce à la générosité d’Albert Finney qui s’est servi de son statut de star acquis avec « Tom Jones » (1963) pour produire plusieurs longs métrages dont « Night Must Fall » de Karel Reisz, « Privilege » de Peter Watkins ou encore donc « Bleak Moments ».
Ce premier film préfigure l’oeuvre de Mike Leigh et particulièrement son type d’humour préféré. Il s’intéresse à des gens aux vies ordinaires qui ont des anomalies de comportement bloquant toute possibilité de vie sociale. Pure comédie autour de la gêne d’individus qui n’arrivent pas à communiquer (ce qu’on appellera en anglais une « comedy of embarrassment » et qu’on traduira maladroitement par une comédie de la gène), « Bleak Moments » nous fait presque souffrir pour ses personnages. Le film est empli de longs silences, sourires gênés, regards détournés, rires nerveux,…
Parmi tous ces personnages qu’on pourrait qualifier hâtivement d’asociaux, marginaux, Sylvia est en fait la plus apte à avoir une vie normale. Belle jeune femme d’une vingtaine d’années, elle habite une maison vieillotte (probablement aménagée par ses parents), tient un job peu passionnant de secrétaire dans un bureau quelconque et s’occupe seule de sa jeune soeur handicapée. Une vie dure et solitaire qu’elle essaie de briser en ayant une vie amoureuse. Son principal obstacle : sa timidité. Elle doit la noyer dans l’alcool pour affronter deux hommes radicalement différents qui l’attirent : un professeur guindé et un jeune hippie bégayant. Mais les deux hommes se montrent peu entreprenants et malgré les signaux clairs envoyés par Sylvia, ils ne saisissent pas l’opportunité.
« Bleak Moments » n’est pas sans défaut. Il pousse à fond sa comédie de la gêne, quitte à pousser le bouchon un peu loin parfois. Certaines scènes à force de faire durer le sentiment de malaise virent vers la farce. Mais c’est bien évidemment voulu. Mike Leigh n’a ici que peu de compassion pour son spectateur. Il veut nous faire rire d’embarras. Et il réussit.
Les interprètes sont tous remarquables comme toujours chez Mike Leigh où il n’y a pas vraiment place pour la médiocrité. Le film repose sur le fait que les acteurs jouent leur personnage avec toute leur âme et conviction.
« Bleak Moments » valut à Mike Leigh l’admiration du producteur Tony Garnett qui avait travaillé avec Ken Loach sur les téléfilms avant gardistes Up the Junction (1965) Cathy Come Home (1966). Admiration qui permit à Mike Leigh d’entrer à la BBC où il signera de nombreux téléfilms remarquables avec une liberté de ton exceptionnelle. Il devra attendre 17 ans (!) pour revenir sur grand écran avec « High Hopes » en 1988 grâce à l’appui de Simon Channing Williams, un autre producteur qui fera montre d’un appui sans faille pour le cinéaste.
[xrr rating=7/10]
DVD MK2. Zone 2 FR. Version anglaise sous-titrée en Français.