Une comédie sur la communauté jamaïcaine du quartier de Brixton à Londres. Léger mais pas sans arrière pensée sociale et politique. Une jolie réussite !
Black Joy (1977)
Réalisé par Anthony Simmons
Ecrit par Anthony Simmons et Jamal Ali d’après la pièce de Jamal Ali
Avec Norman Beaton, Trevor Thomas, Dawn Hope, Floella Benjamin, Paul J. Medford,…
Directeur de la photographie : Phil Meheux / Direction artistique : Brian Savegar / Montage : Thom Noble
Produit par Martin Campbell et Elliott Kastner
Comédie
97mn
UK
Ben (Trevor Thomas), natif de Guyane, débarque à Londres avec une valise et les sous laissés par sa grand mère qui vient de décéder. Son but ? Retrouver son père qui vit quelque part dans la capitale britannique. C’est d’ailleurs ce qu’il explique benoitement à l’agent des douanes qui se demande ce qu’il peut bien faire avec autant de liquide sur lui. Ce qui lui vaudra une fouille intégrale. A peine a-t-il fait quelques pas dans le quartier de Brixton, où vivent de nombreux jamaïcains qu’il se fait voler son portefeuille par Devon (Paul J. Medford), un jeune garçon débrouillard qui comprend qu’il a affaire à un « gars de la campagne ». Quand Ben fait du boucan dans le quartier pour récupérer son portefeuille, le beau père extraverti et escroc du garçon, Dave (Norman Beaton) qui a entre-temps récupéré l’argent auprès de Devon, essaie d’amadouer Ben en lui proposant de dormir sur le sol de sa cuisine contre un loyer, le ménage et la cuisine… Un partenariat équitable, d’après Dave !
« Black Joy » est l’un des premiers films sur la communauté jamaïcaine avec « Pressure » (1975) d’Oscar Ové. Mais là où ce dernier essayait de documenter la vie difficile et les désillusions des jeune londoniens d’origine Jamaïcaine, le film d’Anthony Simmons lui est une comédie haute en couleurs construite autour de l’amitié improbable de deux personnages que tout semble séparer à part leurs origines : Ben, un jeune immigrant perdu et naïf mais honnête et travailleur qui ne connait rien à la vie et Dave, un petit escroc haut en couleur qui ne pense qu’au plaisir (les femmes, les paris,..) sans jamais se soucier du lendemain.
Dans « Black Joy », on ne parle pas de politique (pas directement en tout cas) mais de surtout de sexe et d’argent. Ce qui n’empêche pas de parler assez crument de la place des jamaïcains en Angleterre, condamnés aux petits boulots, aux aides sociales, aux petites escroqueries. Les femmes travaillent, tandis que les hommes zonent. Parmi les rares personnages blancs du film, on compte l’agent raciste des douanes ou des individus (féminins et masculins) qui ont juste envie de coucher avec un(e) noir(e) ! Le jamaïcain a au moins une valeur sexuelle dans la société britannique des années 70 !
La comédie, souvent légère mais pas sans arrière-pensée, offre un portrait saisissant du quartier de Brixton et de la communauté jamaïcaine qui y réside. Il faut dire que « Black Joy » est tiré d’une pièce de Jamal Ali, un guyanais débarqué comme Ben à Londres âgé d’une vingtaine d’années et qui est devenu poète et dramaturge à la fin des années 60. En 1975 il fonde le Black Theatre of Brixton avec l’acteur Norman Beaton (Dave dans le film) et Ruffus Collins. C’est là que seront jouées ses pièces dont « Dark Days and Light Nights » qui a servi de base au film.
Le co-scénariste et réalisateur de « Black Joy » n’est lui pas noir mais a quelques idées de comment fonctionne une communauté en terrain hostile. Anthony Simmons est juif et a grandi dans l’East End. Il a commencé dans le documentaire au début des années 50 (dans une veine néo-réaliste) et signe en 1965 un drame assez remarquable « Four in the Morning« . En 1973 il signe son plus gros film « The Optimists of Nine Elms » avec pas moins que Peter Sellers en tête d’affiche. « Black Joy » est son dernier film de cinéma, il tournera pour la suite exclusivement pour la télévision.
« Black Joy » est une bonne comédie, bien écrite et bien interprétée et qui a le grand mérite de donner la voix à la communauté jamaïcaine à un moment où elle est quasi invisible sur les écrans britanniques. Malheureusement pour lui, sa sortie en salles capotera à cause de droits musicaux mal négociés (les droits avaient été acquis pour la bande originale – qui s’est elle vendue comme des petits pains – mais pas pour le film lui-même !). Du coup « Black Joy » est retiré abruptement des salles obscures. Il ressortira quatre ans plus tard, mais le mal avait été fait, et le film a depuis été oublié, les critiques préférant se souvenir des films plus « sérieux » comme « Pressure » (1975) et « Babylon » (1980).
Blu-ray UK. Studio Powerhouse, collection Indicator (2019). Version originale avec des sous-titres optionnels en anglais. Bonus : livret, interviews